papyjulio a écrit:Et bien, fellation, masturbation, éjaculation, peur d'être surpris, tabou de l'inceste, etc. Va faire un tour sur un site porno sérieusement...
Ce que tu énumères là, ce sont des pratiques sexuelles (que l'on peut trouver dans des œuvres non pornographiques, chez Gotlib, Vuillemin, Reiser, Édika, Crumb par exemple et de nombreux autres), et non pas des procédés ou techniques de mise en scène, d'image, de narration, servant à exciter le spectateur (dont le contenu pourrait être les pratiques que tu cites bien sûr, mais elles ne suffisent pas en elles-mêmes).
papyjulio a écrit:Tu demandes des procédés/techniques/codes précis mais tu inverses la charge de la preuve.
Pas du tout : c'est à celui qui affirme l'existence de quelque chose d'en apporter la preuve. J'ai déjà expliqué ce principe dans un
message du 7 juin. Ce que je dis, c'est que je ne vois pas dans les BD de Vivès de procédés servant à exciter le spectateur (au contraire même, voir plus bas), qui prouveraient ainsi la nature pornographique de son œuvre. Et si en effet cela n'existe pas, je n'ai rien à prouver puisqu'on ne peut pas prouver une inexistence. La charge de la preuve n'est donc pas sur moi. C'est seulement à ceux qui affirment l'existence de tels procédés dans les BD de Vivès d'en fournir la preuve objective. C'est exactement ainsi que fonctionne la charge de la preuve.
papyjulio a écrit:Quels sont les procédés utilisés par Vivès qui te servent d'argument et qu'on ne retrouve pas dans les sites pornos ?
Je vais reformuler ta question avant d'y répondre :
Quels sont les procédés utilisés par Vivès qui me servent d'argument et qui tendent à éloigner le lecteur de la stimulation sexuelle ? Cette reformulation n'est pas une esquive, je vais te dire pourquoi je le fais : parce que ta formulation initiale est biaisée en ceci qu'elle ne distingue pas entre ce qui est
essentiel à la pornographie et ce qui ne l'est pas. Or il est tout à fait possible de trouver dans une œuvre pornographique un attribut qui n'est pas essentiellement pornographique. Par exemple, on peut trouver de l'humour dans la pornographie, mais l'humour n'est pas un attribut essentiel à la pornographie (ce n'est pas la présence d'humour qui rend une œuvre pornographique). Si nous prenions une œuvre sur laquelle nous étions tous les deux d'accord qu'il ne s'agit
pas de pornographie, il pourrait être impossible de lui trouver une seule caractéristique qui n'a pas été utilisée à un moment donné quelque part dans la pornographie. C'est pour cette raison qu'il faut se concentrer exclusivement sur ce qui est
essentiel à la pornographie et voir s'il y a des caractéristiques qui tendent chez Vivès à nous en éloigner.
Maintenant, pour répondre à la question, cela peut dépendre de l'album dont on parle, car c'est du cas par cas, mais puisque nous parlions des
Melons de la colère, restons sur celui-là. (Ce qui veut dire que ma réponse pourrait différer si nous parlons de
Petit Paul ou La
Décharge mentale.)
Avant tout, il faut garder en tête deux choses :
1° Le plus important reste l'absence de procédés servant à l'excitation. Cette absence, par définition et par logique, je ne peux pas la décrire ou la lister, puisque c'est une absence.
2° Je ne prétends pas que dans la liste ci-dessous, une seule de ces caractéristique isolée serait nécessairement suffisante. C'est un ensemble et cela doit toujours rester conjugué au point 1 qui est la base (jusqu'à preuve du contraire).
- Le caractère esquissé / minimaliste (l'absence de détails et de précision, l'économie graphique) qui n'invite pas à la contemplation lubrique mais à une lecture rapide.
- L'inexpressivité graphique des personnages (par exemple, leur absence de visage alors que la tête est visible).
- La froideur de la mise en scène qui se manifeste par l'absence de réaction (ni plaisir ni douleur) visible ou mis en exergue chez les personnages pendant les scènes sexuelles.
- La faible proportion de cases sexuelles dans la BD, la plupart des scènes étant éphémères, la scène incestueuse l'étant moins mais se lisant tout de même très vite.
- Le contexte général qui tourne tout à la dérision, à l'absurde et à l'excès humoristique (avec dans l'album une majorité de scène humoristiques qui ne sont pas des scènes de sexe) + le fait que l'unique scène incriminée ne soit pas une fin en soi mais serve ce récit plus général fait pour susciter le rire.
- Le contexte général qui met l'accent sur la détresse et le traumatisme de la famille, avec un côté empathique (par exemple une case représente le traumatisme de Magalie après un viol en réunion).
- L'organe géant de Petit Paul (dans le contexte de tous les points qui précèdent) qui donne une dimension grotesque / ridicule et suscite le rire.
- L'ensemble des points précédents + l'absence de procédés opposés + l'arrivée inattendue, incongrue et choquante de la scène incestueuse par rapport au reste de l'histoire + les aspects décalés de la scène (parallèle avec la vache à René, organe géant de Petit Paul, remarque sur le "bout qui dépasse") => procédé de type "humour de malaise" servant à susciter un rire d'une situation malaisante.
papyjulio a écrit:Tu as parlé de mensurations démesurées, de dialogues absurdes, de naïveté invraisemblable, d'absence d'empathie, de situations malsaines, de présence d'humour... Mais tout cela se retrouve dans le porno et souvent l'ensemble dans la même "histoire".
J'ai parlé aussi d'autres choses, et je n'ai pas parlé d'absence d'empathie à propos des BD de Vivès (au contraire).
Mais surtout, tu sembles toujours dans une confusion entre le "quoi" et le "comment". Je vais essayer d'être aussi clair que possible. Je ne me contente pas de relever la présence d'éléments comme si leur seule présence déterminait en soi une incompatibilité avec la pornographie. Comme je l'ai expliqué plus haut, je ne pense pas que l'on puisse faire cela ; et si c'était ce qu'on attendait, on ne pourrait jamais montrer que la moindre œuvre n'est pas pornographique, elle contiendrait toujours des choses que l'on pourrait aussi trouver dans la pornographie. (Or on a pas prouvé pour cela qu'elle
est pornographique. Là est le renversement de la charge de la preuve. La base de mon argument reste l'absence de procédés d'excitation chez Vivès.) Car ce qui constitue la pornographie ce n'est pas tant un type de contenu qu'un registre, c'est-à-dire une
manière de représenter le sexe pour l'excitation. Parler de pornographie par la seule présence de certains contenus, c'est l'approche que Brian et toi avez adoptés : considérer que la simple présence de certaines choses détermine le registre et la moralité d'une œuvre, indépendamment de la manière dont elles sont présentés. Et vous me prêtez cette même approche. Or ce que j'essaye de faire, c'est de montrer
comment certains éléments sont utilisés et conjugués afin de susciter une réaction autre que celle que recherche la pornographie. C'est pour ça que je parle de "procédés" ou de "techniques". Si on prend l'humour par exemple, je n'ai jamais dit : "il y a de l'humour donc cela ne peut pas être pornographique". J'ai plutôt essayé de faire valoir que les scènes incriminés servent à faire rire (et bien sûr, cela ne fait pas rire tout le monde, mais là n'est pas le sujet) et non à stimuler sexuellement. Dans la pornographie, il peut naturellement y avoir de l'humour, mais au bout du compte, les scènes de sexe qui constituent la nature pornographique de l'œuvre resteront destinés à l'excitation sexuelle et non à l'hilarité du spectateur. (C'est la différence avec Gotlib par exemple et elle est importante.) Une œuvre où tout les éléments sont exclusivement utilisés pour faire rire le spectateur/lecteur et jamais pour l'exciter sexuellement n'est pas de la pornographie, et ce même s'il y a du sexe.
papyjulio a écrit:Que tu considères que ça n'est pas excitant ne suffit pas.
Le problème n'est pas que "je ne considère pas cela excitant" (la question n'est pas là, ce n'est pas une affaire subjective) c'est que je n'identifie aucun procédé, technique ou code délibéré qui serviraient à stimuler sexuellement un lecteur. Ce n'est pas la même chose.