Depuis sa création en 2008, c’est peu de dire que le Label 619 est un véritable laboratoire de création et les auteurs de talent qu’il a révélés foisonnent. Parmi eux : Guillaume Singelin. Après un premier album chez Casterman en compagnie d’Antoine Ozanam (King David), l’auteur a surtout explosé en rejoignant la bande à RUN. Aujourd’hui, il codirige le Label 619 (passé des éditions Ankama à Rue de Sèvres) avec RUN, Florent Maudoux et Mathieu Bablet.
Pour sa 28ème édition, les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens, festival organisé par l’association On a Marché sur la Bulle, ont fait de Guillaume Singelin leur invité d’honneur et lui consacrent une exposition remarquable.
À dire vrai, l’immersion dans l’univers graphique de Guillaume Singelin commence avant même de pénétrer dans la Halle Freyssinet, où a lieu le festival. Dès l’extérieur, ses personnages jalonnent les panneaux d’indication. Surtout, il a signé la superbe affiche de cette édition 2024.
L’exposition met de côté les (nombreux) collectifs auxquels l’auteur a pu participer (DoggyBags, Midnight Tales, Lowreader) et débute avec la série The Grocery, réalisée entre 2011 et 2016 avec Aurélien Ducoudray. D’emblée, le titre de l’exposition n’est pas usurpé et des pages de la série se font cramer au lance-flamme (que les collectionneurs qui lisent ces colonnes se rassurent, aucune planche originale n’a été malmenée dans cette affaire). C’est sans aucune doute avec ce titre que Guillaume Singelin a été découvert par le plus grand nombre, illustrant un récit noir et violent dans les rues de Baltimore, critique aiguisée de la société américaine.
La visite se poursuit en compagnie de Jun, l’héroïne de P.T.S.D. (pour post traumatic stress disorder). Il s’agit du premier ouvrage où l’auteur est seul aux manettes : scénario, dessin, couleurs. Il y met en scène une vétérane, ancienne tireuse d’élite, qui retourne à la vie civile. Il y est question de solitude, d’entraide ou encore de confiance en soi et l’auteur y déploie une gestion du rythme différente.
Changement d’univers avec la salle suivante consacrée à Loba Loca. Le trait de Guillaume Singelin (dont toutes les planches originales sont au format A4) est généralement très énergique et crée du mouvement du dynamisme dans les pages. C’est certainement avec ce titre que c’est le plus perceptible. Quête identitaire de Guada, l’histoire est un spin-off de Mutafukaz et met en scène l’univers de la lucha libre.
Final en apothéose avec le dernier espace consacré à Frontier. C’est le dernier ouvrage en date de l’auteur, multi-primé en 2023 avec notamment l’Éco-Fauve et le BDGest’Art du meilleur récit court. Cette fois-ci, Guillaume Singelin s’est attaqué à la science-fiction avec une œuvre dense, empreinte d’une profonde prise de conscience écologique. Suscitant des réflexions profondes chez le lecteur, tout en préservant une forme d’ingénuité, l’œuvre est surtout pleine de maîtrise.
Les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens sont réputés pour la qualité des expositions proposées aux visiteurs. Cette édition ne déroge pas à la règle avec un programme d’expositions très riches, quantité de planches originales et des scénographies éblouissantes. Pour en profiter, rendez-vous à Amiens les trois prochains week-ends du mois de juin (entrée gratuite). Plus d’informations sur le site du festival.
Lire les chroniques de The Grocery T.1, P.T.S.D. et Frontier.
Damien Kedbani
Nouvelle série issue de la complicité entre Jean-Luc Istin et Nicolas Jarry (accompagnés de David Courtois en Script Doctor), Guerres & Dragons revisite des grandes batailles à travers l'histoire en y ajoutant un petit plus : Les dragons.
La série commence par La Bataille d’Angleterre (dessin Vax), suivi de L’Escadrille Lafayette en aout (dessin Lucio Leoni & Emanuela Negrin) puis Le Kongamato en novembre (dessin Francesca Follini & Paolo Antiga) et enfin Pearl Harbor (dessin Francesca Follini & Paolo Antiga à nouveau) pour mars 2025.
A l'occasion de la sortie de La Bataille d’Angleterre qui inaugure la série, les auteurs des quatre tomes nous ont fourni un foultitude de documents. Difficile de faire le choix pour vous en montrer suffisamment… mais pas trop.
Posy Simmonds s’expose au Centre Pompidou
Depuis le 22 novembre 2023, la BPI (bibliothèque publique d’information) consacre une exposition à Posy Simmonds, devenue, depuis, Grand Prix de la ville d’Angoulême lors de la 51ème édition du Festival International de la Bande Dessinée.
Difficile d’être plus dans l’actualité. Lorsqu’est inaugurée au centre national d’art et de culture Georges-Pompidou (« Beaubourg » pour les intimes) l’exposition intitulée Posy Simmonds - Dessiner la littérature, les trois finalistes de l’édition 2024 du Grand Prix de la ville d’Angoulême ne sont pas encore connus. Deux mois plus tard, l’autrice anglaise est sacrée lauréate, après avoir remporté en 2022 le Grand Prix Töpffer de la ville de Genève. À travers cinq pièces, quelques dizaines de planches originales, extraits de presse et carnets de croquis, l’exposition revient sur le parcours fascinant de cette géante du neuvième art.
L’une des premières dessinatrices de presse
Lorsqu’elle était au pensionnat, la jeune Posy excellait en français et en dessin. C’est donc assez logiquement qu’en 1962 elle rejoint Paris où elle prend des cours de dessin, en marge de son année d’étude en civilisation française à la Sorbonne. Rapidement, c’est dans la presse que sa carrière va s’installer. Elle commence à dessiner pour The Times et obtient même une rubrique dessinée régulière dans The Sun, à partir de 1969, où elle met en scène un personnage d’ours. Mais c’est surtout le début de sa collaboration, en 1972, avec The Guardian (journal avec l’orientation politique duquel elle se trouve plus en phase) qui marquera un vrai tournant puisque quelques années après elle y est chargée de réaliser une demi-page pour la rubrique « Women ». Le format et l’espace qui lui sont accordés lui permettent de véritablement s’installer (dans un monde essentiellement masculin) et de laisser ses talents narratifs s’exprimer pleinement.
Des ouvrages jeunesse aux romans graphiques
Passionnée par Béatrix Potter et Charles Dickens, Posy Simmonds développe à partir des années 1980 ses propres histoires pour enfants. De La fabuleuse vie secrète de Fred à Baker Cat, en passant par Matilda, l’autrice apporte son regard sur le genre de la littérature jeunesse, n'hésitant pas à s’appuyer sur un ton corrosif voire insolent. Elle y développe aussi de nouvelles techniques, puisque l’occasion lui est donnée de travailler en couleurs.
La reconnaissance la plus large arrivera à l’aube du XXIème siècle avec Gemma Bovery (1999), d’abord publié sous forme de feuilleton dans la presse (comme le fut aussi, d’ailleurs, Madame Bovary de Gustave Flaubert). Suivront Tamara Drewe (2007) et Cassandra Darke (2018), tous publiés en France par Denoël. Trois femmes, au cœur de la narration et actrices de leur destin. Trois romans graphiques d’une puissance, d’une intensité et d’une justesse incroyables, qui achèveront de faire connaître leur auteure dans le monde entier.
L’exposition est visible jusqu’au 1er avril 2024 (entrée gratuite). Pour plus d’informations, voir le site de la bibliothèque publique d’information.
⦿ Reportage photo de Damien Kebdani
UNE COLLECTION PATRIMONIALE DES ÉDITIONS CORNÉLIUS
Depuis maintenant cinq ans, les éditions Cornélius se consacrent à un vaste travail patrimonial pour faire redécouvrir l'œuvre passionnante de Nicole Claveloux, aussi à l'aise à la plume qu'à la gouache. Elle avait, entre autres, fait le grand écart entre Okapi (souvenirs pour les plus vieux d'entre nous) et Métal Hurlant.
Une anthologie qui parait pour l'instant au rythme d'un volume par an et que nous avions envie de mettre en valeur en cette période de fête.
A l'occasion de la sortie de l'intégrale de Jim Hawkins, nous vous proposons de revisiter les coulisse de l'oeuvre.
Voilà six ans Sébastien Vastra débutait sa relecture de L'ile au Trésor, le célèbre roman de Robert Louis Stevenson, dans un registre animalier. Pour fêter la fin de l'aventure avec la sortie de troisième tome "A crocs et à sang", l'auteur nous a ouvert ses archives et c'est avec plaisir que nous vous présentons les coulisses de l'aventure.
Souquez moussaillons !
Qui aurait pu parier, il y a presque dix ans, que la série Elfes atteindrait aujourd'hui trente-quatre tomes, que les Terres d'Arran allaient accueillir Mages, Nains et Orcs & Gobelins et que les lecteurs continueraient à attendre impatiemment la sortie de chaque nouveau tome ? Certainement pas Jean-Luc Istin qui présente en cette fin d'année une extension du Monde d'Aquilon, Les Terres d'Ogon. C'est certain, Elfes n'a pas fini de carburer, et sans plomb dans l'aile.
Un an après Go West, Tiburce Oger revient avec Indians !, l'autre coté du miroir de la conquête de l'Ouest, le récit des vaincus, à l'opposé de la légende hollywoodienne du XXe siècle. Pour ce tome il a arpenté les plaines avec d'anciens compagnons de route, mais aussi des petits nouveaux et de grands anciens. Casting et aperçus.
David Chauvelet toute sa fine équipe - le collectif tricéphale Lewelyn (composé de lui-même, Andoryss et Patrick Wong) au scénario, son antédiluvien compère Jérôme Lereculey au dessin et Dimitris Martinos aux couleurs - poursuivent leur projet pharaonique d'une saga en 30 volumes : Les 5 Terres. Après le cycle d'Angleon dédié à la race féline, nous voici sur le continent dans la ville d'Alysandra, société matriarcale simiesque, orientale et raffinée. La genèse d'un tel projet demande des travaux préparatoires gigantesques. Nous vous en proposons un aperçu avec les recherches de personnages par Didier Poli, des éléments de contexte, le découpage très serré du T.7 (une page, un évènement) et une première mouture de la séquence finale (dont un coup de boule abandonné en cour de route). Bon voyage dans les terres du Lys.
Pour sa nouvelle série, Talion, parue aux éditions Glénat, Sylvain Ferret a abattu un travail de romain. Faisant la synthèse entre ses influences manga (on pense bien sûr à Katsuhiro Otomo, dont la citation de la moto de Kaneda est évidente, mais tout aussi bien à Tsutomu Nihei) et la culture des jeux vidéos, il nous propose un ouvrage avec une profondeur de champ rarement égalée à la fois gothique, techno et toujours ciselée. Voici quelques étapes de la mise en œuvre.
Pour accompagner la sortie d'Ogre Lion, en bonus de la preview voici quelques recherches de Bruno Bessadi ainsi que quelques pages encrées. Bon visionnage.