V
incent a onze ans. Enfant et élève turbulent, son père, pasteur, l’envoie au pensionnat, loin de ses frères et sœurs. Il lui trouve ensuite un emploi chez Goupil, un marchand d'art établi dans les capitales européennes. Le garçon évolue un temps dans ce milieu. Il apprécie les peintures et les gravures, mais se désole de leur commerce. Négligent, il multiplie les erreurs, jusqu'à ce qu'on mette fin à son contrat. Souhaitant marcher sur les traces de l’homme d’Église, il rate son test d’admission. Désargenté, il vient en aide aux déshérités et les dessine... la suite est connue.
Sergio Salma a réalisé un solide travail de recherche pour documenter une période méconnue de la vie du peintre (à l’exception de sa correspondance avec son frère Théo), laquelle est teintée de tensions familiales. La figure la plus marquante est certainement celle du père. Autoritaire, mais aimant, il fait de son mieux pour aider son fils, sans lui demander ce qu'il veut. Sa mère, aquarelliste du dimanche, ne parle pour ainsi dire jamais ; elle aura néanmoins, contre toute attente, une incidence déterminante sur le devenir de celui qui connaîtra une gloire posthume.
Le récit, fondamentalement banal, est celui d'un être systématiquement confronté à l'échec. Le gaillard est entêté, mais, au final, il n'a pas les dispositions voulues pour assouvir ses passions. Allez savoir si, de nos jours, un médecin ne lui diagnostiquerait pas un trouble du déficit de l’attention.
La question du narrateur ne peut être passée sous silence. D’abord parce qu’il est le premier bébé du couple, mort-né une année avant la naissance du protagoniste. Ensuite, en raison de l’adoption du tu, comme s’il s'adressait au héros pour lui expliquer sa vie. Cette coquetterie littéraire étonne, sans pour cela se montrer désagréable. Disons que ça n’apporte pas grand-chose.
Auteur complet, l’artiste aborde le sujet avec un trait hésitant et semi-réaliste, convenant du reste très bien au projet. Son travail convainc, à l’exception du tic des bouches croches ; celles-ci passent mieux dans Nathalie que dans une tragédie. Les décors, à Amsterdam, Bruxelles, Paris ou Londres sont agréables, particulièrement les dessins pleine page, dans des teintes de beige, qui accueillent le lecteur dans chacun des chapitres. Enfin, chapeau pour les évocations des toiles du peintre.
La chronique convaincante des jeunes années d'un homme en apparence dénué de talent.
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