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nfant, Samuel Zemurray a fui la Moldavie, après que des paysans ont massacré sa famille. Deux ans plus tard, il débarque à New York, muni de l'adresse d'un oncle dont il espère l'aide. Malheureusement, une fois arrivé à l'appartement, un couple l'accueille et lui apprend que le précédent locataire est décédé. Livré à la rue dans un pays qu'il ne connait pas, Samuel vole un fruit pour rassasier sa faim. Ce larcin va changer sa vie à jamais. La saveur de cette banane lui donne une idée : aller au Guatemala pour travailler à la United Fruit Company. Téméraire, il embarque clandestinement sur un paquebot allant dans cette direction. Là, il rencontre un autre jeune homme voyageant comme lui : Tommy. Une solide amitié nait alors. L'aventure et l'ascension sociale débutent, non sans embuches.
Travaillée depuis longtemps en géohistoire de l'alimentation, la banane est l'exemple-type du fruit mondialisé. Cependant, les acteurs qui ont fait de cette baie un produit phare et incontournable sont moins connus, alors que leur parcours est souvent singulier. C'est le cas de celui qui restera célèbre sous le surnom de Sam, the Banana Man, dont la vie est une véritable épopée à travers le début du vingtième siècle. À partir d'une documentation conséquente, Jack Manini a bâti un scénario qui a le mérite d'éviter de chercher à caser l'entièreté de ses sources. Il pointe les moments importants de la jeunesse de Samuel Zemurray pour souligner la façon dont celui-ci s'est construit. Surtout, le scénariste a choisi de ne rien cacher du contexte, pour dévoiler les coulisses du monopole bananier et ses conséquences sur la vie politique, économique et sociale en Amérique centrale en suivant Sam et ses comparses Tommy et Jimena, la fille d'un planteur. Le trio permet d'insérer un triangle amoureux qui vient densifier et romancer l'intrigue.
L'artiste coréen Kyung Eun Park s'occupe des dessins de ce diptyque. Son style est très réaliste. Les personnages sont bien proportionnés et les expressions faciales convaincantes. Les décors sont riches en détails, que cela soit pour les vêtements, les bâtiments ou encore les espaces tropicaux du Guatemala qui bénéficient de choix pertinents en matière de colorisation.
Ce premier tome de Banana story, très justement titré L'ascension, est passionnant de bout en bout. Servi par des dessins de grande qualité et par un scénario des plus efficaces, cet album en devient addictif. Vivement la suite.
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