F
utur proche. Suite à l’emballement de la crise environnementale et sociale, les parents de Loé ont choisi de s’installer à la campagne et de devenir auto-suffisants. Entre des tempêtes toujours plus puissantes et des tâches sans fin, la vie n’est pas tous les jours facile, mais le garçon y a gagné une certaine liberté. Bricoleur de génie, il est spécialement chargé de réparer les machines du foyer. Dans son temps libre, il s’amuse à imaginer une cité parfaite. Même si son frère le tanne souvent pour l’aider à construire des cabanes, sans parler des humeurs de sa sœur, généralement, tout se passe bien. Parti explorer les marais qui bordent le domaine, il tombe sur un robot géant en piteux état. Contre l’avis de sa mère qui n’a guère confiance dans ces androïdes, il se pose comme défi de le remettre en état.
Pour son album en solo, Antoine Pédron a imaginé un scénario ambitieux aux frontières de la fable initiatique et du conte moral, le tout sous la forme d’une histoire d’anticipation. Le programme est donc copieux, un peu trop malheureusement. Narrée à la hauteur du héros, le lecteur partage une même ignorance du passé (la situation du pays n’est jamais abordée et ses parents sont plutôt chiches sur les raisons de leur exil volontaire). L’idée est intéressante au départ, mais devient gênante quand des évènements extérieurs viennent s’ajouter au récit (les livraisons par drones, par exemple). Apparemment, au-delà de cette propriété, il y a une société qui continue de fonctionner. Comment ? Pourquoi ? De quelle manière ? Quelles relations entretiennent ces «isolés» avec celle-là ? L’accumulation de ces vides ne permet jamais de totalement s’immerger dans ce micro-univers.
Visuellement, le résultat se montre plus probant et même accueillant. En effet, cette maison faite de bric et de broc et toute la région qui l’entoure invitent à l’exploration et à la découverte. Le robot est également formidable et la façon dont le dessinateur l’anime est remarquable. De plus, malgré les nombreuses interrogations en suspens, la dynamique familiale est énergique et particulièrement réaliste. Derrière les chamailleries, il y a de l’amour, c’est indéniable. Autre bémol, plus général celui-là, la mise en couleurs peut-être trop immersive et des personnages mal différenciés par moments rendent certains passages un peu ardus à suivre.
Au final, en dehors de quelques défauts somme toute secondaires, Polygone s’avère être une lecture généreuse et truffée d’idées originales. Antoine Pédron démontre un véritable talent de conteur et une réelle sensibilité.
Poster un avis sur cet album