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ratique juste plus ancienne que l’agriculture elle-même et sans doute une des dernières traces tangibles de notre passé commun de chasseur-cueilleur nomade, le pastoralisme (la transhumance et le parcage saisonnier des troupeaux en altitude) persiste et survit en dépit de tout. Que se soit dans les Alpes ou les Pyrénées, les bêtes sont rassemblées au printemps, avant de monter sur les alpages pour y passer l’été sous la garde de bergers (et de leurs chiens). Moments festifs et de retrouvailles font rapidement place à la solitude, à la routine et aux petits tracas (animal malade ou égaré, attaques de prédateurs et visites pas trop appréciées de la part de randonneurs). Évidemment, ce mode de vie monacale est propice à la méditation et à l’observation de l’agitation frénétique de notre monde, enfin, de la vallée juste en contrebas, mais c’est pareil. Il faut vivre là-haut pour vraiment comprendre.
Berger lui-même dans les Pyrénées ariégeoises depuis une décennie, Maxime Cain propose un ouvrage mi-autobiographique mi-documentaire raconté à hauteur de brebis. Immédiatement, il écarte le côté romantique et «touristique» du sujet et se concentre sur le quotidien du sheepboy. Les bons moments (la nature, le calme, la beauté), les mauvais aussi (la répétition des jours, la peur, le doute et les contraintes) alternent au fil des pages. Comme le montre la liste des bons endroits «à sieste», les nuits sont courtes et rarement reposantes. Il faut dire que la responsabilité est énorme : huit cents têtes de bétail appartenant à plusieurs éleveurs à surveiller et encadrer constamment.
Ces propos simples et directs, non pas dénués de mélancolie due au stress sont dépeints d’une très belle manière dans un noir et blanc pur et vibrant. Jeu d’ombres chinoises, grands panoramas, passages resserrés découpés en moule à gaufres, lettrage en attaché façon cahier d’écolier, le dessinateur utilise pleinement les outils narratifs de la bande dessinée afin de retranscrire son histoire. Il en résulte un album d’une grande richesse et débordant de ressenti, en dépit du côté austère, voire cénobitique de ce métier sorti des âges.
Superbe évocation doublée d’une réflexion sincère, Démontagner permet de démystifier et de mieux percevoir les enjeux – tant économique, écologique qu’humain – de ce véritable sacerdoce agricole des sommets.
Pour les curieux, il est intéressant de compléter la lecture de Démontagner avec Au loup ! - Chronique d'un retour, récit signé Troub’s qui se penche sur l’accompagnement des bergers face à la menace du loup (et des chiens errants).








Pour une raison que j'ignore, cette BD était sous cellophane dans ma librairie habituelle. C'est rare. Normalement, c'est pour des BD qui ont un contenu sexuellement explicite, ou quelque chose comme ça. Je vous rassure, cette BD n'a rien de tout ça.
Elle était aussi extrêmement chère. 28 €? Encore plus cher en dollars canadiens : 55 $. Ouf, c'est pas donné! Est-ce qu'elle en valait le prix? Non.
Non, mais... Le dessin, très minimaliste, réussissait quand même parfois à dépeindre de superbes paysages. En observant en en fermant un peu les yeux, on pouvait presque s'imaginer sur la montagne. C'est aussi une vraie leçon sur le métier de berger. Plutôt isolés du monde, on apprend comment ils guident les brebis à travers monts et vaux, et comment, immanquablement, certaines périront en chemin. C'est contemplatif. Il y a une forme de sérénité dans ce mode de vie. La BD le rend bien.
Le problème pour moi, c'est qu'il n'y a pas d'histoire. Ce qui se rapproche le plus de rebondissements sont les quelques fois où le berger a peur de perdre des brebis à cause d'animaux sauvages, ou encore de chemins escarpés, etc. Parfois, le berger rejoint d'autres êtres humains avec qui il échange brièvement, puis il remonte sur la montagne. C'est tout.
C'est un album qui, je n'en doute pas, a probablement demandé beaucoup de travail à son auteur. Un travail d'orfèvre, même. Mais hormis son charme méditatif sur les bords, cette BD ne présente rien de particulièrement palpitant. À qui s'adresse-t-elle? Je suis mitigé. J'espérais plus. Cette une BD de qualité, à n'en point douter, mais ultimement, il manque quelque chose, et on finit par s'ennuyer un peu...