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L 'accident ne sera qu'évoqué. L'avion s'est écrasé. D'où venait-il ? Où allait-il ? Le contexte restera flou jusqu'au bout. Le pilote aurait parlé d'une bombe atomique juste avant le crash, mais rien de certain. De toute façon, aucun adulte n'a survécu. Il ne reste qu'une bande de gamins. Certains sont encore en pleine enfance alors que d'autres sont aux portes de l'adolescence. Ils vont devoir s'organiser pour survivre sur cette île, perdue au milieu de nulle part. Une certaine insouciance règne d'abord. Un air de "garçons perdus" plane sur la plage. Ralph est désigné comme chef, des rôles sont assignés et tous entament cette nouvelle existence, entre jeu et survie. Les secours ne vont pas tarder à arriver. Il faudra tenir jusque-là. Quelques règles et la coopération de chacun devraient suffire.

Pourtant, rapidement, la petite mécanique va se dérégler. Un enfant aurait vu un monstre dans la forêt. Réalité ou imagination ? Qu'importe. Cet événement marque le début d'un glissement dans la dynamique de la communauté.

Sa majesté des mouches fait partie des ouvrages les plus influents du XXème siècle. Même s'il ne bénéficie pas de l'aura de 1984, il est pourtant fascinant de redécouvrir à quel point il a infusé dans la culture populaire. Nombreux sont les emprunts, conscients ou inconscients, à ce texte que l'on retrouve autour de nous. Aimée de Jongh fait partie de celleux qui ont été durablement marqués par la découverte de cette histoire. Pour elle, l'adaptation en bande dessinée relevait presque de l'évidence. Lorsqu'elle s'est attelée à ce travail, elle s'est fixée comme règle de rester la plus fidèle possible au roman. Elle en respecte le chapitrage et en utilise des extraits comme descriptifs. Son livre est pourtant loin d'une simple transcription plate. L'autrice impose sa marque par un travail graphique délicat très abouti. La mise en page efficace assure un rythme soutenu. L'île devient une protagoniste à part entière. Quelques images fortes traduisent avec beaucoup de force les moments forts du récit. L'expressivité des personnages est parfaitement maîtrisée, exposant avec subtilité leur évolution au fil de cette fable cruelle.

Ce conte très noir explore le déclin de la civilisation et la chute inexorable vers la sauvagerie. Loin de l'optimisme d'un Rousseau, William Golding dénonce une folie tapie, qui n'attend qu'une étincelle pour se manifester. La conclusion, abrupte et dérangeante, semble refermer une parenthèse, loin d'être enchantée. Le symbole est terrible.

Ceux qui connaissent déjà Sa majesté des mouches pourront se replonger dans un récit puissant et essentiel. L'autrice rend parfaitement justice à l'œuvre originale. Quant aux autres, ils connaîtront le choc de la première rencontre avec un classique fondamental contemporain, de ceux qui restent pour toujours dans un coin de la tête.

Par T. Cauvin
Moyenne des chroniqueurs
7.4

Informations sur l'album

Sa Majesté des mouches

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L'avis des visiteurs

    Yovo Le 17/09/2024 à 14:51:28

    :: CET AVIS CONTIENT DES (MINI) SPOILERS ::


    Après le succès mérité de « Jours de sable », Aimée de Jongh était forcément très attendue pour son adaptation du best-seller « Sa majesté des mouches » de William Golding.

    Sans démériter, l’exercice n’est pas tout à fait réussi.

    La couverture est magnifique, certes, et les premières planches sont alléchantes ; le trait doux et rond de la dessinatrice fait mouche et crée d’emblée des ambiances envoûtantes. Pourtant, au fil de la lecture, l’impression de lire un roman illustré gagne peu à peu.

    En effet, l’autrice a pris le parti d’une narration la plus proche possible de l’œuvre originale. L’idée est louable et aurait pu donner un résultat grandiose. Mais la voix off du narrateur devient vite envahissante et finit par mettre le lecteur à distance des évènements.
    Il y a, dans de nombreux passages, plus de récitatifs que de dialogues. Comme si Aimée de Jongh ne parvenait pas à mettre en image l’action du roman sans l'appui du texte de Golding.

    Et cela pèse fatalement sur le rythme global qui souffre d’un manque de tension, d'oppression, d’intensité. Plusieurs séquences m’ont paru trop diluées, même si les moments de silence ont bien sûr leur importance.
    A contrario, une scène déterminante comme la danse tribale qui vire au drame, aurait dû être plus longue, ou découpée de façon à faire jaillir la folie qui s’empare des garçons à cet instant-là. Alors que sa tragique conclusion n’est décrite qu’en 4 cases. S’agissant du point de bascule de l’histoire, elle perd ainsi beaucoup de la puissance qu’elle est censée avoir.

    Ce rythme irrégulier est aggravé par de multiples ellipses scénaristiques et quelques raccourcis faciles. Je ne vais pas m’étendre, mais citons par exemple la disparition du garçon à la tâche de naissance qui, bizarrement, n’a pas de réelle explication, ni l’air d’avoir la moindre conséquence sur le groupe. Ou encore, la fabrication des lances : mettez des adultes sur île déserte, je prends le pari qu’aucun d’entre eux ne serait capable de se fabriquer une lance à pointe de pierre ! Pourtant, ici, tous les enfants en sont armés sans que l’on ne sache ni comment, ni par qui elles ont été faites. On pourrait me rétorquer que je chipote mais cet élément a une importance cruciale dans l’histoire. De mon point de vue, il aurait été essentiel de s’y attarder, au moins le temps d’une case ou deux, sans trahir le livre originel.

    Tout cela contribue à donner à « Sa majesté des mouches » des airs d’album jeunesse, ce qu’il n’est pourtant pas. Impression renforcée par le jeune âge des protagonistes et par le style presque enfantin, trop enfantin en tous cas, adopté par l’autrice. D’ailleurs, hormis Porcinet, tous les garçons ont des morphotypes et des faciès quasiment identiques, la caractérisation se faisant uniquement sur des détails (cheveux, taille…). Là encore, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y avait moyen de donner aux enfants des « tronches » mieux indentifiables, quitte à enlaidir certains d'entre eux ou à exagérer leurs particularités.

    Je précise que j’ai cité tous ces exemples pour étayer et préciser mon avis, pas pour critiquer gratuitement le travail d’Aimée de Jongh, que d'autres lecteurs trouveraient peut-être parfait – et c’est tant mieux. Je garde du respect pour elle, cependant, force m’est d’admettre que je suis resté largement sur ma faim.

    Cet album n’est donc pas décevant en soi, il est juste bien en deçà de ce qu’il aurait pu être à mes yeux. Il n’en reste pas moins édifiant et tout à fait recommandable.