Trop n'est pas assez de Ulli Lust, chez Ça et Là

[kilfou]

Je suis étonné de pas voir de thread sur ce roman graphique...

Plus de 400 pages racontant la fugue de la jeune punk qu'était Ulli Lust en 1984. Avec une amie, elle décide de passer l'hiver en Italie, en partant depuis Vienne.

Galères sur galères, rencontres positives, d'autres beaucoup moins... Une vraie tranche de vie poignante, pas chiante pour un rond, qui ne verse jamais dans le larmoyant ou le grandiloquent.

Niveau dessin, Lust a un trait jeté, rapide et rageux. Ça cadre bien avec son expérience. Bichromie verte, qui détonne un peu au départ mais on s'habitue vite.

On pense évidemment à Persépolis, vu le sujet "découverte d'un pays étranger et jeune femme rebelle" et j'ai préféré le bouquin de cette Autrichienne. Plus sympathique, plus écorchée que Marjane. Et le dessin est plus vivant.

D'autres retours ?

[zemartinus]

un vrai chef d'oeuvre, peut-être ma lecture la plus marquante de 2010 (et pourtant se fut un grand cru)... la bande dessinée autobiographique dans tout ce qu'elle peut offrir de profondément prenant. Je reviens en parler dès que j'ai fini ma lecture. Dommage en tout cas qu'on en parle pas plus en France, paraît-il qu'en Allemagne ce livre a reçu un gros succès critique

[zemartinus]

fini ma lecture et mon verdict ne change pas : le meilleur album de l'année parmi les nombreux que j'ai lu. Espérons qu'il aura un prix à Angoulême parce qu'il le mérite amplement.

Un récit poignant parfaitement maîtrisé par l'auteure, une véritable odyssée moderne qui prend aux tripes comme rarement une BD aura réussit à le faire. Un récit simple, humain, intense, une immersion totale dans cette tranche de vie où nos émotions voguent au rythme de celles de la jeune Ulli qui va connaître un peu de meilleur et beaucoup de pire dans cette Italie des années 80, confrontée à une violence sexuelle constante, à la brutalité, la mendicité, la drogue dure, la prostitution, la mafia (jusque dans l'antre de caïds siciliens d'ailleurs). Mais c'est sans compter sur les joies, les rires, les rencontres originales, le plaisir de voyager, de se construire et d'apprendre à se connaître. Un témoignage humain et sociologique sur la jeunesse, la galère, le road-trip, la relation homme-femme, l'idéal punk et l'Italie de l'époque (avec laquelle l'auteure n'est pas tendre). Et malgré la dureté des évènements racontés ça donne envie de repartir sur les routes!

Bref, un vrai chef d'oeuvre, un livre brut et sauvage

A LIRE DE TOUTE URGENCE!!!

[botachris]

On y pense,on y pense

[Pouffy]

La lecture de cet album ne m'a guère plu. Vu le pavé, je comprends l'utilisation du trait jeté mais bon dans le style on fait quand même mieux et surtout avec plus de personnalité. En ce qui concerne l'histoire... elle a la valeur du témoignage c'est l'intérêt et la limite de l'autobiographie. Mais bon 450 pages sur le nihilisme des punks... bof...

[tom pouce]

Je l'ai feuilleté et directement déposé, l'écriture dans les phylactères est bien trop petite.
Dommage le sujet m'intéressait...

[flocon]

Chronique Trop n'est pas assez par F. Mayaud

[edgarmint]

...Mais bon 450 pages sur le nihilisme des punks... bof...

Je l'ai vu plus ouvert que ça ! J'y ai vu le témoignage d'une femme qui a maintenant la quarantaine et qui porte un regard sur cette période où sa vie aurait basculer. La vulnérabilité de l'âge intermédiaire entre adolescence et adulte (tous les possibles et toutes les potentielles claques qui vont avec), cette envie de se confronter au monde, de fonctionner selon ses propres convictions et ... la réalité qui rattrape ou pas. Il est certain que le fait qu'elle ait poussé le bouchon très, très loin, repousse le schéma classique dans ses retranchements (cela peut effectivement agacer). Alors, ça dure dans le temps (de lecture), certes, mais on peut considérer que cette lente évolution est importante car elle éclaire sur le processus (cercle vicieux) qui se met en marche (désir de liberté absolue - même en vivant de peu, il faut un minimum - ce minimum à un prix - on arrive dans le mur - on se prend le mur - on est dans le déni - on occulte - et on repart de plus belle - envie de liberté...). Cette façon de croire en ses certitudes malgré les claques, ce sentiment d'invulnérabilité qui rend aveugle, et en parallèle, les failles qui se créent. C'est là le bouquin que j'ai lu. Le lieu, on s'en fout, le punk, mouais, il fait partie de décors, on va dire que c'est un mode de vie. C'est dans l'évolution d'Ulli que réside l'essence de ce bouquin ! J'ai aimé la neutralité qu'elle porte sur cette période, elle laisse le lecteur juge - peu importe.

[zemartinus]

Mais bon 450 pages sur le nihilisme des punks... bof...

on a pas lu la même BD, parce que le mouvement punk c'est plus le bruit de fond de l'album que le thème central, j'ai même trouvé qu'à part le début de l'album à Vienne tout le reste s'en détache complètement, en Italie Ulli n'est plus une punk mais juste une vagabonde

[Pouffy]

La vulnérabilité de l'âge intermédiaire entre adolescence et adulte (tous les possibles et toutes les potentielles claques qui vont avec), cette envie de se confronter au monde, de fonctionner selon ses propres convictions et ... la réalité qui rattrape ou pas.

La réalité la rattrape en permanence... c'est même édivent à chaque page. Ca en fait une autobigraphie sincère mais sans aucun recul. C'est factuel... basique... sans personnalité...

Dans un contexte similaire, je préfère La Perdida... qui n'est certes pas autobiographique mais qui, dans un contexte similaire a plus de fond.

Il est certain que le fait qu'elle ait poussé le bouchon très, très loin, repousse le schéma classique dans ses retranchements (cela peut effectivement agacer). Alors, ça dure dans le temps (de lecture), certes, mais on peut considérer que cette lente évolution est importante car elle éclaire sur le processus (cercle vicieux) qui se met en marche (désir de liberté absolue - même en vivant de peu, il faut un minimum - ce minimum à un prix - on arrive dans le mur - on se prend le mur - on est dans le déni - on occulte - et on repart de plus belle - envie de liberté...). Cette façon de croire en ses certitudes malgré les claques, ce sentiment d'invulnérabilité qui rend aveugle, et en parallèle, les failles qui se créent. C'est là le bouquin que j'ai lu. Le lieu, on s'en fout, le punk, mouais, il fait partie de décors, on va dire que c'est un mode de vie. C'est dans l'évolution d'Ulli que réside l'essence de ce bouquin ! J'ai aimé la neutralité qu'elle porte sur cette période, elle laisse le lecteur juge - peu importe.

Comme tu le dis le lecteur juge. J'ai lu l'histoire de millions d'ado à cette époque de leur vie avec un curseur dans le glauque plus ou moins prononcé... brut de fonderie... comme pourrait la raconter ces ex-ados qui aujourd'hui approche de la quarantaine. Tu parles d'éclairer des processus... je n'y ai lu que la bêtise de tout gamin en crise d'adolescence... avec une capacité plus ou moins forte à nier la réaliter et à creuser toujours un peu plus... pour finir par rentrer dans le moule. Les mémoires d'une quadra qui se souvient de sa période noire... comme on el fait tous à un moment donné. Le coté punk n'est effectivement qu'n prétexte... 10 ans avant c'était les hippie (drogue, musique, débauche, alcool...), 10 ans après c'était les grunge (drogue, alcool, débauche). Les ados se rebellent et en fait reproduisent les m^mes schémas génération après génération.

[edgarmint]

Attends, je ne dis pas que c'est un processus unique, mais c'est un processus qui m'intéresse du fait de son absurdité (oui, je suis passé de l'autre côté aussi !), et surtout, du fait des dégâts potentiels (et parfois irréversibles) qui peuvent résulter de pareille spirale. Nous entrons donc dans le rapport subjectif du lecteur à son bouquin, et ne sommes donc a priori pas sur la même longueur d'onde. La perdida ? Mouais, à la limite, ça serait plutôt le contraire pour ma part. Le trop plein de candeur de la jeune demoiselle m'ayant passablement agacé par instant. Bon, ce n'est pas un mauvais moment de lecture, mais le trucs dans lequel elle s'est enfermé m'a moins accroché. Cela dit, le rapprochement entre les 2 albums n'est pas infondé.

[edgarmint]

Ulli Lust vient de se voir décerner le prix 2011 "Artémisia" (association pour la promotion de la bande dessinée féminine).

Petit rappel (honteusement récupéré mot pour mot sur le blog de l'Association Artémisia ) sur ce prix :

Le prix Artémisia, pourquoi ?

Parce que la création BD au féminin nous semble peu connue et reconnue, peu valorisée et éclairée, quelques arbres surexposés cachant la forêt des talents laissés dans l'ombre ou à l'abandon.

Parce qu’un regard féminin sur la production BD nous paraît essentiel.

Parce que se donner le pouvoir de reconnaître et non pas seulement de produire est un enjeu et un symbole des plus importants pour les femmes qui participent à cette aventure.

Parce que la BD destinée à tous et largement diffusée, reste un média dominé par l’imaginaire masculin, qui véhicule des stéréotypes écrasants.

Parce que les jurys, notamment pour les présélections (cf. Angoulême), sont généralement composés des seuls représentants du sexe dit fort.

Parce qu’il n’y a pas de raison pour que seuls la littérature avec son prix Fémina, et le cinéma avec son festival de Créteil, aient droit à des espaces de légitimation et de reconnaissance au féminin.

C’est pour toutes ces raisons (et quelques déraisons) que nous avons créé un prix qui distinguera un album scénarisé et/ou dessiné par une ou plusieurs femmes. Il sera décerné chaque année le 9 janvier.

Pourquoi Artémisia ? Le personnage et le destin de la grande artiste italienne du XVIIe siècle, Artémisia Gentileschi, symbolisent à eux seuls ceux de la femme artiste (plasticienne) dans nos sociétés patriarcales, par-delà les temps et les régimes. Il nous a semblé utile et juste de rattacher ce prix qui honore l'image narrative féminine, à l’histoire plus large, plus riche et plus explorée de la création graphique au féminin. Ceci afin de ne pas risquer de nous retrouver enfermées nous-mêmes dans nos propres phylactères.

[apoklyps75017]

Ulli Lust sera en dédicace à Apo (k) Lyps le mardi 1er février, à 18h30.

[D H T]

J'ai bien aimé ce bouquin... L'idéal punk interpelle par ses contradictions et parce que ces contradictions n'ont pas pour but d'induire en erreur, de manipuler: simplement elles existent, comme une déchirure. Et c'est un peu l'histoire de cette déchirure qui nous est racontée ici, sans nombrilisme ni vanité: déchirure vécue à la fois personnellement et collectivement. Très beau récit de vie.

[edgarmint]

Il n'y a pas d'idéal punk dans ce bouquin, et sans doute ailleurs. Il faudrait d'abord définir le terme, et la discussion risquerait fort de rejoindre les gesticulations qui tournent autour de l'appellation contrôlée "alternatif", mais c'est là un début de digression inutile.

Ulli est punk parce que c'est d'époque, Pouffy, même si je n'ai pas la même lecture que lui de cette bande dessinée, l'a bien exprimé. Et à la limite, elle aurait pu avoir une trajectoire similaire partant skinhead. L'épicentre de ce bouquin, c'est une adolescente qui part en vrille qui refuse de subir le système (voilà, le grand mot est lâché ; plus facile de le faire avec dérision à 40 piges qu'à 17 !).

La réalité la rattrape vite, avec certes les contradictions que tu évoques, mais ces contradictions sont niées. Elle refuse le système, mais ce qu'elle refuse de voir, c'est qu'elle en intègre un autre. Cette manière d'occulter le talon d'Achille de son raisonnement lui permet de se protéger des "coups" (moraux, physiques...) de manière illusoire. Pour un temps...

[Pouffy]

Entièrement d'accord avec edgarmint.

[D H T]

Il n'y a pas d'idéal punk dans ce bouquin, et sans doute ailleurs. Il faudrait d'abord définir le terme [...]

Quand on veut changer le monde à l'image de ses idées, on est déjà dans un idéal. Les vrais punks sont des créatifs avant tout, d'une créativité brute héritée à la fois du dadaïsme et du rock. Leur idéal et sa contradiction ne sont pas tant dans le déni ("rejeter le système par un autre système") que dans le tiraillement entre une polarité nihiliste et violente et une aspiration à un monde plus équitable, plus pacifique.

D'où une souffrance mais aussi son dépassement par la capacité d'opérer des choix à un moment donné, une certaine liberté/autonomie et une volonté d'évoluer, d'aller de l'avant, de se donner les moyens de vivre en accord avec ses propres aspirations.

Joe Strummer lui-même disait que le punk, c'est une époque - ce qui démontre bien l'importance du punk dans ce bouquin, puisque le mouvement intègre l'idée de mutation culturelle et la perspective d'une époque ultérieure où, sans doute, les punks n'existeront plus parce que la créativité indépendante aura pris d'autres formes entre temps.

[apoklyps75017]

Ulli Lust vient d'obtenir le prix de la révélation de l'année à Angoulême.

Félicitation!

[silversurfer]

Ce prix me ravit, j'ai adoré ce pavé
J'ai vraiment apprécié le regard en retrait que l'on sent poindre, celui de la femme adulte qui se penche sur l'adolescente qu'elle était tout en revivant complètement ses (mes)aventures. J'ai trouvé ca aussi excellent formellement, très expressif, très fort sur les moments les plus durs ou lorsqu'elle évoque un sentiment de liberté ; vers la fin aussi la présentation des démêlés avec la maffia donne un récit vraiment palpitant !

Sinon la copine nympho est vraiment insupportable au point que je me suis demandé si Ulli Lust n'avait pas noirci le tableau soit parce qu'elle lui en veut encore soit pour faire ressortir un peu son héroïne. En tout cas cette gamine m'a vraiment touché !

2 petites remarques encore :
Le titre original signifie "Aujourd'hui est le dernier jour du reste de ta vie". Il fait écho au petit discours d'Ulli qui déclare s'efforcer de vivre chaque jour. Pas facile à traduire, mais "Trop n'est pas assez" il n'y a vraiment aucun rapport...
Et aussi, je ne sais pas si c'est l'endroit pour le signaler, mais : la chronique dit au qu'Ulli est une "jeune allemande résidant en Autriche" : elle est clairement autrichienne, c'est mentionné à plusieurs reprises.

[edgarmint]

...
Et aussi, je ne sais pas si c'est l'endroit pour le signaler, mais : la chronique dit au qu'Ulli est une "jeune allemande résidant en Autriche" : elle est clairement autrichienne, c'est mentionné à plusieurs reprises.

Mea culpa... Je corrige. Et merci !

Une ITW de l'auteure est à venir.