TERRY ET LES PIRATES (Milton Caniff)

[Le Tapir]

Message précédent :

C'est exactement cela...le Caniff bien charbonneux !

J'ai récupéré le mien, mais comme il ira sous le sapin, donc je ne peux pas encore le décellophaner.

J'adore! C'est vrai que ça fait cadeau de Noël ce truc!

[Cabarezalonzo]

Oui. Le mien, je l'empaquetterai à J-1.
D'ici-là, j'aurais seulement lu le passionnant dossier de présentation (en ai lu le tiers, hier soir) et une petite trentaine de pages bédessinées à tout casser, à raison d'une consommation quotidienne de trois strips ou une sunday color. Au grand max.
Il me restera alors environ 285 pages à lire. Ça fera en effet un beau cadeau de Noël. Il sera un peu d'occasion, sans blister (salaud fané), mais c'est pô grave, piske c'est pour moi.

[Le Tapir]

Rhhhooo!

C'est bien, faut se faire plaiz! Surtout que c'est une superbe brique! Peut-être la plus belle de l'année 2019!

[Cabarezalonzo]

Quand Milton Caniff mettait en scène dans sa fiction en BD un authentique héros.
Apparu à la fin du tome 4, le tome 5 nouvellement paru fait la part belle au Commandant (Major) Flip Corkin, le surnom d'un ami de Caniff (un "vieux copain" d'université) qui s'appelait Philip Cochran. Son surnom (son casque et son blouson étaient marqués Corkin) lui avait été attribué par un de ses chefs, un capitaine irlandais, qui transformait à l'irlandaise tous les noms de ceux qu'il commandait. Cochran étant devenu Corkin. Quant à Flip, ça correspondait au diminutif de "flippant", pour caractériser l'attitude désinvolte du pilote.

Cochran se trouvera à un moment de sa carrière, en Birmanie, sous l'autorité du colonel Claire Lee Chennault, le fondateur de l'escadrille des Flying Tigers [*]. Dont les exploits ne manqueront pas d'intéresser vivement deux passionnés d'aviation, JM Charlier et Victor Hubinon.

[*] Ou Tigres Volants dans Buck Danny. Ces fameux pilotes mercenaires qui combattaient sous l'uniforme chinois, avant d'être réintégrés dans l'USAAF (dissolution des FT), en cours de conflit.

[Cabarezalonzo]

Petite galerie de personnages

[Cabarezalonzo]

La planche ci-après de Terry possède une histoire propre, liée à la "Grande", celle des Etats-Unis durant la "WWII".

Pour faire allusion à cette sunday page (la plus célèbre de toute la carrière de Milton Caniff), ceux qui ont la mémoire des chiffres citent la date du quotidien dans lequel elle a paru (17 octobre 1943) ; les autres la nomment ainsi : "The Pilot's creed" (le credo du pilote).

La voici, montée différemment et avec quelques variantes dans les couleurs, tantôt en VF, tantôt en VO.










Petite explication.

Dans cette planche, le Major Corkin explique à Terry qui vient d'obtenir ses "ailes" de pilote au sein de l'USAAF quels sont les devoirs et les responsabilités d'un pilote de chasse. D'où l'intitulé de cette planche, qualifiée de "Credo du pilote".

Durant la Seconde guerre mondiale, le feuilleton de Terry était publié dans un grand nombre de quotidiens et passionnait des millions de lecteurs, parmi lesquels de nombreux militaires, tous grades confondus.
Un parlementaire californien, John Carl Hinshaw, avait été fortement impressionné par la planche en couleurs du dimanche 17 octobre 1943. A tel point qu'il en a donné le lendemain lecture devant le Congrès (en présence de journalistes). L'hommage du parlementaire à Milton Caniff a alors fait les gros titres. Et la planche est alors devenue si célèbre que des copies et des agrandissements ont circulé, un peu partout, dans le monde entier. En particulier sur les bases aériennes américaines.
Au final, le général Henry H. "Hap" Arnold, commandant général de l'U.S. Air Force s'est fendu d'une lettre pour féliciter Milton Caniff.

[Le Tapir]

Petite galerie de personnages

Punaise c'te classe!

[Cabarezalonzo]

:ok: Merci Cab ! Je lirai tout cela à mon aise ce soir.

Tu auras droit à un petit supplément.

Punaise c'te classe!

En effet.
Quand il réalise ces "dédicaces", Caniff est au sommet de son art quant à la maîtrise du pinceau. Son trait est d'une sûreté incroyable.

On peut se rendre compte que cette maîtrise dans la gestuelle et les mouvements se manifeste très tôt, comme avec ces danseurs qui se déhanchent,très enlevés, aux silhouettes croquées avec une remarquable économie de traits. Ces dessins datent pourtant de 1930 et 1932, alors que la grande époque de Terry se situe dix ans plus tard.

Cette souplesse, c'est ce qui manquera toujours à André Juillard, par exemple, malgré l'élégance de son dessin.

Quand il utilisait principalement la plume et non le pinceau, la force de son graphisme se situait ailleurs, même si pour les attitudes, Caniff (comme plus tard Franquin ou Uderzo) faisait partie de ces dessinateurs particulièrement habiles à les rendre naturelles.

1933, un noir et blanc qui passerait très bien aujourd'hui, dans un roman graphique, et dont se satisferaient nombre d'auteurs "alternatifs".


Deux ans plus tard, en 1935, lorsque la couleur apparaît dans Terry, on n'est pas si loin de la "ligne claire" au sens européen (néerlandais) et moderne du terme.


Et les strips, en n&b avec utilisation de trames, faisaient parfois la part belle à la sensualité, à l'attirance sexuelle (ici Pat Ryan ne résiste pas aux charmes de la splendide Burma).


Le feuilleton Terry est appelé à évoluer considérablement avec l'adoption du pinceau et le travail sur les clairs-obscurs, comme on peut le constater sur l'original de cette sunday page, pourtant appelée à recevoir de la couleur.


C'est à la même époque que par patriotisme, pour soutenir le moral des troupes (et de multiples témoignages attesteront de l'efficacité de la formule), Caniff réalisera des strips humoristiques saupoudrés d'érotisme dans un "spin-off" de Terry, mettant en scène la blonde et sensuelle Burma.
Puis, se verra contraint de l'abandonner (pour des raisons contractuelles le liant à son syndicat, propriétaire de Terry) au profit d'une brune non moins sexy, Miss Lace, l'affriolante héroïne de "L'appel du mâle" (Male call).

[Le Tapir]

Je vais finir par craquer avec tes conneries! C'est le truc qui me fait le plus envie ces derniers temps! Seul le prix me stop! Net par contre!

En tous les cas merci pour cette rétrospective géniale de la progression de son dessin (que je trouve vraiment sublime et tellement racé) !

[Cabarezalonzo]

Seul le prix me stoppe ! Net par contre !

C'est l'éternel dilemme. Le problème souvent difficile à résoudre, sauf si on s'appelle Crésus.

Au début des années 2000, mes beaux-parents, pour éviter de mauvais choix, avaient la délicatesse de me demander ce qui me ferait plaisir. J'avais annoncé à ma femme des trucs à 20 euros. Et comme elle s'entendait dire que ce n'était pas assez pour un présent de Noël, qu'ils voulaient marquer le coup, me gâter en quelque sorte, ils en sont arrivés à acheter des bouquins dont les prix tournaient dans la fourchette 75/100 euros. On a commencé par des bouquins de la Pléiade (ma femme et moi, nous en avions chacun un petit lot quand on s'est mis ensemble).
Puis ce furent des BD ou des bouquins s'y rapportant.
C'est ainsi que je me suis fait offrir, sans vergogne, puisque c'était fait de bon cœur :

Ce coffret

renfermant ceci


Puis cet autre coffret


Et enfin les tomes 2 à 6 de cette somme consacrée à Hergé.
J'ai seulement acheté le premier et le dernier volumes.

Pour me payer ce tome 5 de Terry, j'ai fait une croix sur quatre albums à 15 euros l'unité ou cinq dans la gamme des 12 euros par pièce.
Ça commence en premier lieu par toutes les nouveautés Astérix, Lucky Luke, Blake et Mortimer, Spirou, Petit Spirou, Tuniques Bleues, Valérian et j'en passe... Je peux faire une exception, mais c'est très rare. J'arrive assez facilement à faire l'impasse et ma carence ne doit pas trop peser dans les comptes.
Même chose avec d'autree séries délaissées depuis plus ou moins longtemps, comme Buck Danny, Jérémiah, XIII, XIII Mystery, Thorgal, Largo Winch (en ayant acheté seulement trois ou quatre albums au début, puis-je dire que j'ai même abandonné la série ?). Il ne faut surtout pas y revenir...
Je fais l'impasse systématiquement sur les productions d'Hermann père et fils comme Duke (j'en ai acheté suffisamment pour savoir qu'un miracle ne devrait pas se produire). Et d'autres trucs du même acabit.
Mais ça ne suffit pas. Il y a toujours un Goossens ou un Hugot pour venir saper, au moment où on ne s'y attend pas, nos sages résolutions. Il faut que je sois encore plus sélectif.
Et pourtant, je renonce aussi à des palanquées d'albums que j'aimerais acheter et/ou lire.
Si je sais que je peux me contenter de le lire (emprunt en médiathèque), alors, je considère que j'ai fait un premier pas décisif dans la bonne direction, celle de l'épargne qui permettra de satisfaire quelques caprices.
La médiathèque, j'avais réussi à lui faire acheter un tome de Terry, mais le responsable des achats n'a pas récidivé.
Or, le tirage (d'environ 2000 exemplaires) ne va pas rester disponible encore longtemps. Je ne sais pas si le tome 3 n'est pas en train de s'épuiser en douceur. C'est cette perspective qui m'a incité à acheter la série. Au départ, je comptais la lire "à l'œil", en empruntant les volumes à la médiathèque du coin. Mais comme ils n'auront jamais la série complète, après avoir emprunté leur unique exemplaire, je l'ai acheté à mon tour et me suis lancé dans l'aventure.
Mais il est certain que ça me bloque sur d'autres livres. C'est un choix. Facile pour certains titres, moins pour d'autres.

[Le Tapir]

Et oui, moralité, il faut se désembourber des séries mainstream FB pour s'acheter enfin de beaux albums...

[Cabarezalonzo]

Oui, mais pas forcément que le mainstream.
Par exemple, je me régale à lire l'Arabe du Futur et j'ai acheté tous les tomes, jusqu'à ce jour.
Mais en fait, j'aurais pu m'en dispenser et j'aurais alors économisé pas loin de 90 euros. Le tirage et la diffusion des albums de l'ADF sont tels, que trouver à lire l'ADF c'est assez facile. On peut l'emprunter en médiathèque dans les jours qui suivent son arrivée dans le fonds de la biblio ou encore se le faire prêter par quelqu'un de son entourage.
C'est le genre de BD qui ne va pas s'arrêter de circuler du jour au lendemain. Même si les réimpressions s'arrêtaient net, il restera un volume d'albums imprimés qui le rendra accessible pour longtemps.
Et l'eo n'apporte rien de spécial par rapport aux réimpressions, sur ce type d'ouvrages. Quant à Sattouf, il est loin d'être dans les difficultés matérielles auxquelles sont confrontés nombre d'auteurs. Des paramètres, parmi tant d'autres, qui peuvent entrer en ligne de compte, au moment de faire des choix.

[Cabarezalonzo]

Toi, je le sens, tu vas avoir hâte de défaire quelques paquets le 25/12...

[Murakami]

J'ai reçu mon exemplaire de ce tome 5 hier et je dois avouer que BDArtiste a encore fait un excellent travail. Reproduction des bandes au top et dossier introductif très intéressant. Je ne regrette pas mes 60 euros !

[sketch]

Rhaa!! Vous m'avez fait trop envie avec ces "Terry et les pirates" en VF! Je viens de me prendre le 1er...
....et faut que je pense dorénavant à me désembourber...

[Cabarezalonzo]

Oh, désolé sketch...

Convoquons Alex Toth pour observer chez ce dernier la forte influence exercée par Caniff et Sickles.

Typiquement, la vignette 2 pourrait être de Milton Caniff.


Quasiment toute la planche est marquée par l'influence du maître ; la deuxième vignette me fait songer également à Hubinon pour Tarawa.


Là encore, quasiment toute la planche nous renvoie vers Caniff, à l'exception du visage en gros plan de l'officier, cases 3 et 4.


Plus spécialement les vignettes 1, 2, 3, 4 et 6 à 8


Typiquement les vignettes 4, 5 et 7


Spécialement les vignettes 2, 3, 5, 6 et 8.


On aurait aussi pu établir quelques passerelles avec Uderzo, à ses débuts sur Tanguy.

[Cabarezalonzo]

De l'influence de Caniff sur "Giant" Joe Kubert, cette fois... à une époque où son dessin comportait encore quelques maladresses dans les proportions, mais l'auteur abattait un boulot énorme.
En revanche, son sens remarquable de la composition pour une image unique ou une case et du découpage pour des planches entières, se manifestait déjà. Il excellait en particulier dans le "cover art".

L'influence Caniff est ici plus particulièrement perceptible dans les vignettes 3 à 5 et 7.


Ou encore dans ce magnifique clair-obscur de la vignette 4

[sketch]

Oh, désolé sketch...

Parce que j'ai pris le 1er tome qui est loin d'être le plus intéressant? Faut pas...déjà parce que, contrairement à toi, je pars de zéro concernant Milton Caniff.
Et puis, si déception il devait y avoir, ce ne sera que normal à ce qu'il semble.
Déjà, à la fin de la préface de cet album Howard Chaykin écrit ceci:
"Donc, comme je le disais au départ: patience. Vous tenez entre les mains les deux premières années (sur douze) de ce que moi et bien d'autres considérons comme le meilleur comic strip jamais réalisé - un authentique chef d'oeuvre de cette forme d'art.
Donnez à Caniff et à sa création une chance de croître, de respirer, de se trouver - les récompenses seront insignes."
Donc je suis prévenu qu'il ne faut pas en attendre trop et que le meilleur est à venir...les tomes 4, 5 et 6 étant les meilleurs et les plus représentatifs du génie de l'auteur, si j'ai bien lu.

[Solomon]

Terry et les pirates est une série qui doit être lue en commençant par le début. Comme Chaykin lui-même le dit : il faut être patient. Le charme est de découvrir progressivement la maturation du talent de Caniff. Non seulement du point de vue graphique (qu'il ait été un dessinateur extraordinaire est évident), mais aussi du point de vue narratif. Caniff était un écrivain exceptionnel.
Personnellement (je ne sais pas où tu es embourbé), je pense que le premier saut qualitatif aura lieu très tôt en 1935, avec l’épisode de la captivité de Normandie Drake. Une belle séquence, où les protagonistes jouent très vraisemblablement pour rendre leurs ennemis fous.

Pour la première période, je recommande de lire une histoire des dailies et une histoire des sundays, une histoire des dailies et une des sundays... et ainsi de suite, jusqu’à ce que les deux lignes narratives se mélangent ; et pas en bloc d’abord les sundays, puis les dailies, comme le premier volume d'IDW les divise.

[Cabarezalonzo]

Voilà, sketch, solomon t'a rassuré ? Le charme opère très tôt, dans cette série avec son savant dosage d'aventures exotiques riches en moments romantiques. Pratt, un des innombrables lecteurs enthousiastes de la série, aura su en tirer profit.

Solomon t'a donné un bon conseil en ce qui concerne la bonne approche des histoires publiées dans les pages des sundays et des dailies.
Instinctivement, j'ai procédé personnellement comme solomon le préconise, c'est-à-dire en lisant en parallèle, par petits paquets de pages le récit qui se développait dans les dailies en n&b et celui des sundays (couleurs) en tachant de rapprocher leurs dates respectives de parution en vue de la jonction opérée (avec brio) par Caniff lui-même.

[Cabarezalonzo]

Quelqu'un aurait-il des nouvelles relatives à la sortie du tome 6 de Terry ? Ou du tome 2 de Steve Canyon ?