Je commence non par une BD mais une biographie historique :

Ecrite en 1994, elle est très intéressante pour un lecteur de Jhen. Elle a notamment le mérite de replacer Gilles de Rais dans son contexte : Jacques Heers montre que les dépenses inconsidérées n'étaient pas une de ses spécificités mais étaient fréquentes dans le milieu de la noblesse car elles permettaient de montrer sa puissance. Il relativise aussi certains clichés (pas tous : les crimes de Gilles de Rais sont bien réels, comme le montrent les nombreux témoignages recueillis pour son procès) ou préjugés, dus notamment à des sources défavorables : sa famille avait ainsi intérêt à mettre en valeur son incapacité à gérer ses biens alors qu'il apparaît qu'il a vendu plusieurs de ses seigneuries au prix du marché, voire au-delà, et que certaines de ses ventes concernaient des terres qu'il n'avait pas la possibilité d'exploiter.
Jacques Heers relativise aussi son rôle durant la guerre de 100 ans, et notamment auprès de Jeanne d'Arc, montrant qu'il l'a suivi assez peu de temps et que, s'il était présent, il n'était pas une figure majeure de son armée et était plutôt lié à d'autres clans nobiliaires. Au final, il a fait la guerre assez peu de temps et s'est ensuite souvent comporté comme un chef de pillards parmi d'autres.
Le 12ème album des aventures de Jhen est un très bon cru. Après son séjour en Italie, celui-ci se rend dans les Flandres avec Francisco Prelati et va faire la rencontre de 2 personnages importants : Jacques Coeur sur le bateau, qui n'aura pas un rôle majeur dans cet album (peut-être dans un des prochains ?) et surtout le duc de Bourgogne, Philippe le bon, ancien allié des Anglais et ennemi de Jeanne dArc. Si celui-ci a fait la paix avec le roi de France, celle-ci reste cependant précaire, Philippe le bon lui reprochant toujours d'avoir fait assassiner son père – ce à quoi Jhen lui rétorque que Jean sans peur avait lui-même assassiné le duc d'Orléans : cela donne lieu à un échange un peu long (l'album est très bavard à certains moments) mais tendu et prenant.
Des histoires d'alchimie et de femmes se mêlent à tout cela pour mettre en avant des personnages marquants : j'ai bien aimé Antoine le bâtard, fils de Philippe qui informe Jhen des us et des dangers de la cour ; Charles le téméraire est aussi montré mais n'a pas un rôle majeur. Chez les femmes, on peut dire que l'épouse de Philippe a aussi son caractère, de même que Marie de Crombrugghe. La fin est en revanche trop facile et bâclée (Jhen s'échappe d'un lieu où se trouvent de nombreux partisans et soldats de Philippe et on a l'impression, dans la 4ème case de la dernière page, que ceux-ci lancent des imprécations mais ne font même pas l'effort de bouger pour l'arrêter. Même si c'est absurde, cela ne gâche quand même pas le plaisir pris à la lecture de l'ensemble de la BD.
Je n'en dirais malheureusement pas autant du suivant. Ca partait pourtant d'une idée intéressante avec Jhen qui emmène un Gilles de Rais malade et trahi par les siens pour un pèlerinage et une quête de pardon. Mais ensuite, ça part dans des histoires de cathares sans queue ni tête et sans véritable rapport avec les cathares originaux. L'histoire n'a plus vraiment de lien avec les débuts de l'album et se contente d'aligner des péripéties ni très intéressantes, ni très logiques.