de Bolt » 24/11/2021 21:26
Encore quelques extraits de l'artiche d'ActuaLitté posté plus haut :
Et avec un peu de recul ?
Et la résistance s’organise, d’ores et déjà. « En raison de problèmes logistiques manifestement irrésolubles de la part d’un grand distributeur de livres (MDS) d’ici le 24 décembre, l’ensemble de la chaîne du livre ne peut fournir en moins de 3 exemplaires à la commande les titres des éditeurs suivants », explique la librairie de Boulogne-Billancourt Les mots et les choses. Et de fournir les noms des différentes maisons du groupe Média Participations.
« Nous en sommes profondément navrés et vous recommandons de vous reporter sur d’autres éditeurs », achève-t-elle, tout en assurant que les titres clefs de ces éditeurs restent en stock.
« Les reports de ventes, c’est le cœur de métier du libraire : le conseil au client. N’importe quel professionnel se sortira aisément de ce 3 ou rien. Il suffit d’expliquer que la commande n’arrivera que dans un mois, et le client acceptera bien volontiers de se faire recommander un autre ouvrage », s’agace-t-on sur des groupes de libraires. Or, depuis le message de MDS, certains libraires ne manquent pas de s’en prendre à la diffusion. Que les représentants payent les pots cassés d’une communication très maladroite, voilà qui en dit long…
Nul doute, d’ailleurs, que Média Participations a déjà pris en compte les pertes financières, aussi bien que le déficit d’image qu’entraîneraient des reports de ventes. « Personne ne se souvient, voilà une quinzaine d’années, que Volument, justement à la période des fêtes, avait connu un accident informatique du même genre ? Ces choses arrivent : que les libraires nous tombent dessus, c’est dingue. »
Éditeurs, auteurs : dernière roue du carrosse
Plusieurs petites maisons nous ont fait part de leurs inquiétudes. « Sous la partie visible de l’iceberg, il y a la réalité des ventes de Noël : un libraire aura tôt fait de substituer un ouvrage à un autre, en comprenant que le distributeur ne peut pas assurer la livraison. Ou impose ces conditions commerciales étonnantes », nous confie l’un d’eux. « Il faut bien occuper les tables, et disposer d’une offre pour les fêtes de fin d’année. »
Suivant les segments éditoriaux, ces ventes de fin d'année pèsent jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires annuel, tout de même. « Donc des droits perdus pour les auteurs, sur une période cruciale. »
Conclusion ? « L’impact pourrait être limité sur les titres qui se vendent bien. Mais pour ceux qui, justement, sont achetés par les points de vente à l’unité, c’est la fin. Aucun libraire ne commandera trois ouvrages s’il n’a de demande que pour un seul », se désole l’éditeur.
« Il faudra sérieusement parler avec MDS des conséquences de leur décision, et des compensations induites pour nous. Le manque à gagner sur les cadeaux de Noël — le livre comme achat d’impulsion — c’est uniquement durant les fêtes. Si les livres n’existent pas, c’est une perte significative », reprend-il. Et d'insister : « D’autant que, rêvons tout haut : si une commande de trois exemplaires est passée, et que deux sont renvoyés, qui paye ces frais de retours ? L’éditeur. »
Quand l'impensable se produit
Reste en effet à poser clairement les faits de l’année 2021, pour mieux comprendre. D’abord, le recrutement chez MDS, un épineux souci que personne ne remet en cause. D’autre part, l’arrivée du Seuil/La Martinière, qui a achevé de tendre la situation. « Il y a des erreurs de préparations, bien entendu, mais une hausse de 84 % de l’activité, qui l’aurait encaissé en évitant la sortie de piste ? », questionne un observateur.
« Ils sont bel et bien victimes d’un accident industriel… positif : quand on commercialise le tome 6 de Blacksad, le nouveau Goldorak et le tome 28 de Blake Mortimer, cela représente plus de ventes que le prix Goncourt. Nettement plus. » Données à l’appui, 90.813 et 80.148 ventes pour les deux premiers titres. Le tome 28 de Blake et Mortimer vient juste de sortir, mais le précédent avait réalisé 233.224 exemplaires. À titre de comparaison, La plus secrète mémoire des hommes, prix Goncourt 2021 affiche 86.595 exemplaires (chiffres : Edistat).
Et impossible de passer à côté de la déferlante manga qu’a enregistrée l’année 2021. Selon l’institut GfK, 28 millions d’exemplaires écoulés entre janvier et août 2021, soit une hausse de 124 % des ventes. Le groupe Média Participations compte tout de même la maison Kana (Naruto et ses déclinaisons, Death note, etc.), celui-ci a pu “subir” l’explosion des ventes, que le Pass Culture a accentuée. Pour mémoire, Naruto avait fait près de 1,2 million d’exemplaires en 2020 — le dernier tome étant sorti en 2016.
Troisième plus grand vendeur de mangas en France, après Glénat (leader) et Pika/Nobi-Nobi, Kana aura vécu l’effet levier du Pass, comme d’autres. Pourtant, Hachette assure la distribution de tous les autres faiseurs du segment (Glénat, Delcourt, Bambou) et Interforum reste très solide : « Mieux structurés, peut-être », poursuit l’observateur.
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