Le Figaro (mardi 9 décembre 2025)
Xavier Bonnefont : « Angoulême va bel et bien célébrer la BD fin janvier pendant trois jours »Aurélia Vertaldi et Olivier Delcroix
ENTRETIEN - Le maire de la cité angoumoisine réagit à l’annulation de l’édition 2026 du festival international de la BD. Il allume un contre-feu face à l’actuelle gouvernance controversée.
Tonnerre de Brest ! Le festival international de BD d’Angoulême traverse une crise sans précédent ayant mené à son annulation. La 53e édition qui devait être orchestrée par le FIBD et son opérateur privé 9eART+ n’aura donc pas lieu. Le boycott des auteurs, des autrices et des éditeurs qui rejettent en bloc l’actuelle gouvernance représentée par Delphine Groux et Franck Bondoux a mis le feu aux poudres. Mais la bande dessinée ne sera pas absente pour autant à Angoulême, fin janvier 2026. La profession et les pouvoirs publics, main dans la main s’attellent à maintenir la traditionnelle célébration annuelle du neuvième art au cœur de la cité. Xavier Bonnefont (Horizons) maire d’Angoulême, répond à nos questions.
LE FIGARO. Comment avez-vous vécu ce séisme lié à l’annulation du Festival d’Angoulême 2026 ?
XAVIER BONNEFONT. À la fois comme un choc et un véritable moment d’espoir. Cette crise est pour nous l’occasion de refonder le Festival. En ce moment, l’équipe municipale, à laquelle j’associe, évidemment les services et tous nos partenaires culturels est pleinement mobilisée sur le sujet. On ne chôme pas, les journées sont un peu denses. Je me lève BD, je mange BD, je dors BD. Nous voulons dessiner les contours d’un événement 2026 qui sera unique.
Vous attendiez-vous à une crise d’une telle ampleur ?
En annonçant le 8 novembre dernier la reconduction de 9e art + (la société de Franck Bondoux, l’actuel organisateur dont la profession souhaite ne plus voir à la gouvernance du festival, NDLR) , l’association du festival a mis tout le monde devant le fait accompli. Elle s’est finalement empêchée d’organiser le Festival 2026. Face à cette situation, la ville était confrontée à un choix. Soit nous mettions la tête dans le sable et laissions l’association et 9eArt+ s’enliser pour un scénario catastrophe fin janvier, soit nous transformions cette situation en opportunité pour refonder un festival en ligne avec les attentes de toutes et tous.
Comment comptez-vous la saisir ?
Avant tout, je tiens à préciser que les élus et les citoyens de la ville sont très attachés à ce festival. Aussi bien que le FIBD, la ville se sent dépositaire d’une tradition BD. Les Angoumoisins estiment à juste titre que le festival fait partie de leur héritage. Depuis plus de cinquante ans, Angoulême a construit sa notoriété et son ADN autour de la BD. Au fil des années, avec la Cité internationale de la bande dessinée et le Pôle Images Magélis, tout un écosystème s’est créé autour de cet art. En 2019, la cité a même été reconnue par l’UNESCO ville créative littérature et bande dessinée.
Qu’est-ce qui se profile pour 2026 ?
Je vous annonce que nous organisons un événement unique et créatif, qui s’étalera sur trois jours en accès libre, fin janvier à Angoulême. J’invite la France entière, tous les passionnés de la bande dessinée, à apporter leur soutien à notre communauté d’auteurs locaux, à une profession, à un art. Pour l’heure, nous pensons intituler l’événement « La BD dans tous ses états ». Il s’agira d’une manifestation éphémère et non un festival pour des raisons que vous pouvez imaginer. Des rencontres animées par des journalistes et des dédicaces sont notamment prévues. Les quatre librairies indépendantes sont également sollicitées.
Au départ l’initiative était locale mais a acquis assez rapidement une dimension nationale. Entre les initiatives des uns et des autres, c’est plusieurs centaines d’auteurs qui seront présents à Angoulême, fin janvier. Des expositions également sont en train d’être imaginées, coordonnées par la Cité de la BD que nous avons missionnée sur la partie artistique. La ville intervient sur la partie technique. L’événement prévoit également de maintenir un festival off, une initiative autour de la BD chrétienne, la présence des scolaires et la remise du Prix BD Hippocampe qui couronne un auteur en situation de handicap. Toute cette énergie positive risque bien de surprendre.
Une lettre du FIBD postée sur les réseaux sociaux vous accuse de «mentir». Que leur répondez-vous ?
Le chien aboie, la caravane passe. Moi, je suis déjà passé à autre chose.
Quels sont vos griefs à l’encontre de l’actuelle gouvernance ?
Le FIBD a totalement délégué l’organisation de l’événement à la société privée 9eART+ qui durant un certain nombre d’années a assuré le bon fonctionnement du festival. Cette société a géré les choses sur le plan économique de manière acceptable. Les comptes ont rarement été déficitaires. C’était une sécurité pour la ville. Pour autant, il est impensable qu’une association et son opérateur puissent organiser un festival sans même parler aux auteurs et à la profession. Les deux entités ont fini par s’enfermer dans une situation ahurissante qui devient dangereuse pour la ville.
Comment voyez-vous l’avenir du festival ?
Moi, j’ai une obligation : je dois me projeter sur les prochaines éditions du festival, elles seront différentes et ambitieuses, construites avec les professionnels de la bande dessinée. Nous avons fait clairement le choix de la profession, des artistes et des éditeurs pour co-construire le futur festival. L’association du FIBD et 9e art+ a vécu. Nous allons désormais nous appuyer sur l’’association pour le développement de la bande dessinée à Angoulême (ADBDA) créée en 2017 à mon initiative sous l’égide de la ministre de la Culture Audrey Azoulay. Les statuts de cette entité vont être redéfinis dès début janvier pour piloter un appel à projets en toute transparence destiné à choisir la prochaine gouvernance du festival. Les résultats seront communiqués en avril. Aujourd’hui, cette crise nous oblige à prendre des risques, notamment juridiques, mais nous les assumons. Nous souhaitons un avenir serein au travers d’un cadre solide et partagé.
Comment gérez-vous le mécontentement des commerçants angoumoisins face à l’annulation du festival ?
Nous avons mesuré l’impact dès mi-novembre. Je rencontre en fin de semaine tous les syndicats d’entreprise (cafetiers, hôteliers, restaurateurs...) pour discuter avec eux et esquisser les contours d’un fonds de soutien qui permettra un accompagnement économique pour le secteur qui le nécessite.
L’échéance des municipales complique-t-elle votre gestion de la crise ?
Pour être clair et transparent, je suis avant tout et tout d’abord maire d’Angoulême avant d’être candidat à ma succession, je reste aujourd’hui prioritairement et pleinement mobilisé sur l’avenir de la BD à Angoulême...