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wénaëlle Régereau, autrice et narratrice, rentre à Saint-Brieuc en Bretagne voir ses parents. Le trajet en voiture de la gare à leur maison passe devant l’ancienne usine du joint français. C’est l’occasion pour elle de questionner son père sur l’histoire du lieu et plus particulièrement sur la grève de 1972. Le récit alterne, à partir de là, du présent de l’élaboration de la BD au passé de la lutte sociale.
La réussite de cet album vient en grande partie de sa forme, via un choix de représentation différencié entre les deux périodes. Le récit de l’écriture ressemble à du crayonné alors que les années 70, où les faits sont figés, semble plus fini, rempli d’aplats de nuances de gris. Cela donne une identité graphique très cohérente à l’ensemble et permet de s'y retrouver facilement dans les passages d’une période à l’autre.
La partie contemporaine de l’album est agréable à suivre, mais n’apporte malheureusement pas grand-chose au propos global. Le lecteur suit l’autrice dans ses interviews, recueillant la parole des uns et des autres avant de la mettre en scène au passé. Ce ne sont finalement que des pastilles qui introduisent tel ou tel aspect de la lutte, de manière un peu forcée parfois. Les ponts entre les deux époques ne se font qu’à sens unique, des vieux qui se souviennent. Cela laisse l’impression étrange que les luttes sociales sont de l’histoire ancienne et ne résonnent pas au présent. Cet effet pervers de la narration est contraire à la volonté du récit qui se conclut justement sur les influences du conflit, en France et en Pologne. La partie de 1972 est quant à elle passionnante, sur les conditions de travail, la lente organisation du mouvement puis son apogée et ses difficultés pour tenir.
Le joint français est une enquête intéressante sur une grève emblématique des années 70. Un développement des enjeux plus large et des suites historiques des événements aurait permis de sortir ce reportage de son côté anecdotique et donné tout son sens à cette mobilisation. C’est peut-être le prochain projet de Gwénaëlle Régereau comme le sous-entend l’épilogue. Il sera à suivre.








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