L
e jeune inspecteur aux affaires criminelles Stamford Hawksmoor doit gérer une vague d'assassinats. Des prostituées sont massacrées selon un rituel identique. Un minable pickpocket semble avoir été victime du même meurtrier. Pour couronner le tout, le propre frère de Hawksmoor s’est suicidé, mais cela dénote complètement avec son caractère éminemment orgueilleux. Se pourrait-il que toutes ces affaires soient liées ? En toile de fond, après une période marquée par des attentats sanglants et une répression brutale, le jour tant attendu de l'Indépendance de la Perfide Albion s'annonce !
Bien que la saga Grandville soit officiellement terminée, Bryan Talbot a décidé d'en faire découvrir plus sur ce riche univers qui fourmille de références. Ce volume se présente comme un préquel (situé vingt ans avant et qui peut se lire indépendamment) avec, comme figure centrale, le mentor de Lebrock, le détective Stamford Hawksmoor (rencontré dans le dernier tome Grandville – Force majeure). L'auteur immerge de nouveau dans un polar qui interroge finement sur les tentations liées à l'exercice du pouvoir, la mince limite entre résistance et terrorisme et l’utilisation du patriotisme au service la haine. Pour rappel, le lecteur fait face à une uchronie dans laquelle la France a colonisé et occupé l’Angleterre grâce à Napoléon 1er. Il règne donc une sorte d’époque victorienne mâtinée de steampunk avec des animaux anthropomorphes.
Bryan Talbot entremêle plusieurs intrigues tout en dressant le portrait d’un héros complexe, à la vie amoureuse anarchique et entièrement investi dans ses enquêtes jusqu’à franchir la ligne rouge, légale et morale. C'est dans ce contexte de tension sociale et politique extrême que le policier va se trouver impliqué dans un cas de chantage et de crimes impliquant des membres éminents de la haute société. Les protagonistes sont nombreux et les interactions complexes. Cependant, le talent de narrateur de l'artiste captive et tient le lecteur en haleine jusqu'au dénouement, sombre et grandiose.
Les dessins sont magnifiques. Une profusion de détails dans les décors, une reconstitution d'ambiance rétrofuturiste réaliste, des têtes d'animaux expressives et des séquences d'action dynamiques : autant d'éléments à verser à la liste des qualités de cette œuvre. La technique à l’aquarelle utilisée, toute en teintes ocre, extrapole parfaitement les ambiances à la Jules Verne et ravira les détracteurs de la couleur un peu artificielle utilisée dans la série principale.
Les Carnets de Stamford Hawksmoor est une œuvre riche au scénario dense et aux personnages profondément humains, que se soit dans leurs ambivalences, leurs faiblesses et leur grandeur. Elle peut aisément se hisser aux cotés de Blacksad, autre série de référence dont elle partage le style et fait montre de qualités similaires.
Toujours dans l’univers de Grandville, un préquel aux aventures de Lebrock à travers son mentor, dans une Angleterre bientôt indépendante de l’Empire français. Le style diffère de celui de Grandville, mais j’ai été captivé de bout en bout. Une mention très bien pour la qualité de l’ouvrage en lui-même. Bravo à l’éditeur !