M
anon et sa mère quittent Paris pour s’installer au pied de la montagne Sainte-Victoire, à Aix-en-Provence. La Parigote est attendue de pied ferme par ses camarades de classe en rogne contre la capitale et ses habitants. Peu importe, puisqu’elle se lie d’amitié avec François, un vieil homme vivant tout près de chez elle. Ce dernier, peintre amateur, l'initie aux arts et lui raconte la vie de Paul Cézanne, qu’il tente d’imiter et auquel il voue un véritable culte. Ensemble, ils découvrent la Route Cézanne, seule voie de passage française classée Monument historique.
Bernard Fauconnier signe un premier scénario de bande dessinée. Sous sa plume s’entrecroisent les destinées de trois artistes : le génie incompris (lequel attire maintenant les foules dans les plus grands musées), l'admirateur béat et l'ingénue. Chacun cherche sa place, dans les arts comme dans la vie.
Le récit aborde également le rôle de la figure paternelle. L’enfant, qui n'en a pas, en trouve une de substitution. Le paysagiste du dimanche s’est déniché un père spirituel… décédé depuis plus d’un siècle. Le maître est le seul des trois à en avoir un en chair et en os ; le climat n’est cependant pas au beau fixe avec un paternel autoritaire, opposé aux choix professionnels de ce fils qu’il voudrait banquier. Bref, des destins à la fois semblables et différents.
Le projet présente un important volet didactique. Le vieillard initie la jeune fille à l'œuvre du peintre et aux lieux qu'il a fréquentés, mais aussi au cercle d'artistes dont il faisait partie, notamment Émile Zola. Ce contenu scolaire est d'abord amené par petites touches, avant de s’imposer et d’entacher la fluidité de certains dialogues.
Le dessin naïf d’Aré prend la forme d’un crayonné léger, sur lequel il pose ses couleurs à l’aquarelle. L'hommage à Cézanne est assumé, particulièrement dans des paysages plutôt réussis. Le jeu des acteurs se montre convaincant, particulièrement les regards toujours justes et expressifs. Un bémol : la taille de l’héroïne fluctue. Lorsque, au début de l’album, le lecteur la croise aux côtés de sa mère, il lui donne à peine six ans, alors qu’elle en a onze.
Un joli récit initiatique, où l’art s’impose comme sanctuaire, langage et vecteur d'émancipation. Un album sensible, d’une lecture fort agréable.
Poster un avis sur cet album