A
près avoir terminé son enquête sur une secte sataniste sévissant à San Francisco, Kim Tyler est dépêchée à New York, où elle doit assurer la sécurité de Bob Cavendish, un jeune politicien prometteur. L’homme, qui est le frère de John, président assassiné quelques années plus tôt, semble au cœur de nombreux complots. L’histoire s’inspire ouvertement de celle de la famille Kennedy, sans la plagier.
Hervé Bourhis poursuit son incursion dans la mythologie américaine de la deuxième moitié du XXe siècle, vue à travers les yeux d'une jeune policière. Cette dernière se veut aussi intrépide que fragile et attachante. Malgré son air ingénu, elle mène sa quête avec entêtement dans un monde où rien n’est acquis pour les femmes, surtout si elles bousculent les mœurs patriarcales.
Le récit trace le portrait d'une société en transformation. Certes, il y a les droits féminins, mais également ceux des homosexuels et d’une jeunesse en quête de liberté qui n’a plus vraiment le goût de servir de chair à canon au Vietnam. L'art n'est pas en reste, d'Andy Warhol à Nicky de Saint-Phalle, les créateurs se font audacieux. Une chasse à l'homme dans les galeries circulaires du musée Guggenheim se montre particulièrement réussie et réjouissante.
L'histoire souffre d’un certain éparpillement. La trame policière cède souvent le pas au regard que l'auteur porte sur le monde et s'égare parfois dans des séquences se révélant finalement d'une utilité secondaire. Le scénariste s'attarde à la dynamique familiale du politicien et dégage certaines pistes, sans toujours aller au fond des choses. Il aurait pourtant été intéressant d’explorer davantage les secrets de cette famille dysfonctionnelle, dominée par un patriarche manipulateur. Le récit aurait du reste gagné à poursuivre l’exploration de la psyché de l’héroïne, au cœur des deux premiers albums. La conclusion, bien qu'elle réserve une double surprise, apparaît un peu courte. Peut-être cette deuxième aventure aurait-elle dû se déployer dans deux albums, ce qui n’est pas le cas puisque le communiqué de presse annonce un retour en Californie dans le quatrième tome.
Le dessin semi-réaliste de Lucas Varela rend bien l'atmosphère poisseuse de la Grosse Pomme. À l’instar de ses collègues Nestor Burma, Jérôme Bloche et Jack Palmer, l’enquêtrice porte un imperméable, un cliché assumé qui provoque le sourire. La protagoniste est affligée d’immenses yeux bleus et globuleux, une tare qu’elle a transmise à son bébé, lequel se voit doté d’un faciès presque monstrueux. Les acteurs affichent tous une certaine raideur, d’abord étonnante, puis agréable. Enfin, l’artiste fait le choix d’une colorisation en rouge et bleu (les couleurs du drapeau américain) ; ces teintes, généralement foncées, insistent sur le côté noir du projet.
Un album un chouïa moins convainquant que les premiers, qui est tout de même d'une lecture fort agréable.
Tout le scénario est largement inspiré (ou plutôt repompé) de la vie des Kennedy. La lecture du coup n'est pas franchement passionnante pour qui, comme moi, connaît leur histoire. Cela donne la désagréable impression que le scénariste ne s'est pas trop foulé pour pondre ce troisième album.
De son côté, si le dessin en soi a un certain cachet (j'aime bien ce style fantaisiste et cette colorisation dans les tons noirs, rouges et bleus), il est hélas toujours autant en décalage avec le propos, beaucoup trop sérieux. Au final, rien de particulièrement emballant en ce qui me concerne.