U
n dramatique accident survenu au cours de l'enfance a laissé une trace insupportable et indélébile dans la psyché de Lukas. Des années après, il réussit néanmoins à surnager, mais un suivi médical, des médicaments et une hygiène de vie stricte lui sont indispensables. Pour un maximum de distance avec cet ancien trauma, il s’est exilé à l’autre bout de la planète, en Australie. Sur le point de clore son cursus universitaire, il parcourt depuis quelques semaines le Queensland afin de capter les images nécessaires à son projet de fin d’étude. En cours de route, il prend Paul en stop, un Français un peu bohème, qui passe de petits boulots en petits boulots entre deux rencontres festives sans lendemain…
Deux caractères totalement différents lâchés au cœur d’un cadre géographique exotique et infini, tous les ingrédients pour une rencontre aux multiples possibilités ?
Road-movie stricto sensu, Huis clos est un album intimiste dans lequel chaque mot et regard pèsent une tonne. Parfaitement en phase avec ses personnages, Naomi Reboul suit simplement le fil ténu de ce dialogue entre ces âmes perdues à l’orée de l’Outback. Pour nourrir cette trame classique, la scénariste joue habilement de la personnalité troublée de Lukas. Son existence est un brouillard qui reste vivable seulement s’il s’en tient scrupuleusement à son programme (séance-zoom avec sa docteure, antidépresseurs, exercices physiques et travail). L'arrivée inattendue de cet inconnu vient perturber cette routine. Osera ou saura-t-il l’intégrer, sans sombrer ? Le risque en vaut-il la chandelle ? Et Paul ? Ce beau gosse hédoniste, est-il capable de comprendre la douleur qui habite son bon samaritain aux comportements si étranges ? Ils ont quelques centaines de kilomètres pour se faire une idée et faire le bon choix, si choix il y a vraiment.
Visuellement, la dessinatrice a choisi une certaine simplicité dans la construction de son récit. Découpage et mise en page mettent logiquement l’accent sur les protagonistes. En contre-champ, l’immensité des lieux est également très bien retranscrite. L’horizon, en particulier, quand il est présent, semble toujours éloigné et inaccessible. Seul l’habitacle de l’automobile est «gérable» et solide. Dès que les héros en sortent, se dégourdissent les jambes et plantent leur tente, le temps se fige ouvrant les portes à tous les possibles.
Lecture basse tension et à haut potentiel humain, Huis clos est un roman psychologique de haute tenue. Technologiquement et socialement solidement ancré dans son époque, il s’agit avant tout d’une lecture incarnée, touchante qui évite heureusement toute forme le pathos ou de misérabilisme.
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