I
l glisse sur cette étendue lisse, ses dix chiens tirent le traineau tellement facilement ! L'expédition a été fructueuse pour Max, heureux de rentrer à Tiniteqilaaq après plusieurs jours loin de chez lui. Pourtant, un rien pourrait faire dérailler ce bonheur, un frein mal arrimé, une meute canine surexcitée qui démarre sans son conducteur, une blessure… Mais l'homme est entrainé et garde son sang-froid. Cela fait trente ans qu'il a quitté la France pour le Groenland.
Simon Hureau (L'oasis) rapporte ici en bande dessinée une histoire vraie, celle d'un Marseillais qui réalisa son rêve de s'installer et de devenir chasseur dans un petit village de l'Arctique. Le lecteur apprend au fil des chapitres le quotidien dans ce monde fascinant certes, mais rude au demeurant. Les descriptions sont précises et documentées sans jamais être rébarbatives. C'est captivant de découvrir cette existence si différente dans ses conceptions, ses coutume etc... À coté de cette poésie, il ne faut pas oublier la dure réalité avec la solitude, l'ennui, le désespoir et le désintérêt des jeunes pour leur communauté et leurs origines. L'évolution des mœurs et la modernisation imposent des bouleversements douloureux car le progrès technique, la sensibilisation de l'opinion publique sur la chasse ou l'accroissement des contacts avec le monde extérieur transforment inexorablement la société. Le livre montre également très bien le courage et la ténacité du personnage principal qui ne renonce jamais malgré les difficultés et cherche toujours à améliorer la vie de son village. L'auteur donne aussi la parole aux volatiles, aux canidés, à une peau d'ours et un crâne de phoque pour ajouter une touche d'humour décalé à ce récit initiatique, émaillé de péripéties et d'anecdotes.
Les illustrations font honneur aux étendues blanches et pures, les fjords gelés ainsi que leurs impressionnants blocs de glace ; la liberté des grand espaces est palpable. Les personnages - humains et animaux - ne sont pas en reste, et dessinés de façon légèrement caricaturale. Les couleurs, surtout à base de bleus, sont très lumineuses et donnent un joli rendu général. Malgré un texte parfois envahissant, les cases restent bien lisibles.
Une lecture relativement intéressante et instructive avec Sermilik, rendue tout à fait agréable grâce au graphique sympathique.
En ce moment je m’intéresse aux BD environnementales...
Et il y en a un paquet ! Que ce soit des fictions (comme Neige de Convard et Gine) ou des BD du réel (comme Australes des frères Lepage), des enquêtes (comme celle d’Inès Leraud sur les Algues Vertes) ou des allégories (Loire d’Etienne Davodeau), des œuvres poétiques (Brousaille de Franck Pé) ou cartésiennes (Le Monde sans fin de Blain), des mangas (Nausicaä de la vallée du vent de Miyazaki) ou des comics (Environnement Toxique de Kate Beaton), des adaptations (L’eau des collines selon Jacques Ferrandez) ou des œuvres originales (Aquablue de Cailleteau et Vatine) etc.
C’est ainsi que j’ai lu Sermilik de Simon Hureau, auteur que j’apprécie pour ses dessins aquarellés, les rondeurs de son trait et surtout pour son regard anthropologique sur des peuples lointains, minorisés...
Il raconte dans cette BD l’histoire d’un homme du continent devenu chasseur au Groënland, sur un coup de tête, après avoir simplement ouvert un livre... Le personnage s’intéresse ainsi aux Inuits, apprenant leur langue, leurs coutumes... Puis il devient instituteur, cherchant à associer l’enseignement scolaire obligatoire (mathématiques, danois...) avec l’enseignement des connaissances ancestrales.
J’ai passé un très bon moment, même si j’avais été plus profondément marqué par son album sur les femmes Himbas.
En tout cas, cette BD m’a permis de me rendre compte de plusieurs choses concernant l'environnement, notamment l'usage controversé de la chasse traditionnelle dans cette région, coincée entre les rituels, l'économie touristique et la pression médiatique. Or, les coutumes des Inuits, qui vivaient auparavant en harmonie avec leur environnement proche, sont peu à peu remplacées par l’usage de machines, de téléphones portables ou d’objets en plastique, avec les avantages et les inconvénients que l’on connaît.
Instructif.