Bon, je me lance
Chaland est un auteur majeur de la bd francophone qui a principalement travaillé entre 1977 et sa mort survenue dans un accident, en 1990. Il a publié principalement dans la revue Métal Hurlant et la plupart de ses albums ont été édités par les Humanoïdes Associés; quelques autres chez Magic Strip. Pour lire
Chaland, soit faire les soldes et les bacs à occasion (mais ça devient de plus en plus difficile), soit (pour les collectionneurs) acheter en EO dans les librairies spécialisées, soit encore, se procurer l'intégrale sortie aux Humanos en 1996 (recemment rééditée) :
http://clicweb.aff.bdnet.com/9782731662085/alb.htm
Pourquoi parle-t-on et a-t-on tant parlé de
Chaland ? Pourquoi a-t-il ses détracteurs comme ses admirateurs fidèles ? Parce que sa démarche, par son côté radical, ne peut pas laisser indifférent. Après la naissance de la bd adulte dans les années 60, puis les explorations graphiques et narratives d'un Moebius ou d'un Druillet, la position de
Chaland à l'aube des années 80 est de revenir aux sources de la bd franco belge des années 50, non pas parce qu'il est reactionnaire, mais parce que c'est cette époque qui a vu la naissance d'une certaine bd qui revêt à ses yeux une certaine aura mythique: c'est l'époque des Jijé, Franquin, Tillieux qui ont posés les canons de la bd classique; ils ont inventé.
Les suiveurs (nombreux) de ces auteurs n'ont pas inventés, ils ont reproduit et déformé les codes mis en place de telle manière qu'ils ont aboutis à un style vide de sens, qui ne sont plus qu'une caricature des modèles initiaux (j'exprime le point de vue de
Chaland).
Chaland est un esthète qui amait les objets (design, voitures, meubles) et architectures attachés à cette époque. C'est aussi un virtuose du dessin. Après avoir subit l'influence de Moebius il en prend le contrepied en élaborant une oeuvre qui puise dans la bd des années 50.
Mais il ne fait ni pastiche nostalgique, ni parodie. A partir des éléments de la bd classique franco belge, il fait une autre bd, qui s'adresse avant tout aux adultes qui ont lu ces classiques et en ont été imprégnés. Ce public peut comprendre
Chaland, parce qu'il dispose des références nécessaires. Les bds de
Chaland sont à de rares exceptions près des bd référentielles. Chez lui les clins d'oeil ne sont pas gratuits, ils produisent du sens. Il y a un véritable discours sur la bd qui se créé à travers ses oeuvres et ça c'est essentiel si l'on veut apprécier
Chaland.
Mais il ne faut pas s'imaginer que
Chaland est inabordable, au contraire, quiconque a lu de la bd classique retrouvera les codes, et percevra ce qui relève du premier degré et ce qui relève de la critique. Parce que si
Chaland aimait par dessus tout la bd classique, il ne s'est pas gêné pour pointer ses défauts. Mais ce qui fait son charme c'est l'absence de didactisme, c'est l'interpénétration des premiers et deuxième degré, on est toujours dans une certaine ambiguïté qui a parfois gêné les lecteurs.
Ses albums évoquent des bds d'un autre âge, mais ils modernes. Dans les années 50 la bds se faisait au premier degré, c'était pour les ânes. Dans les années 60-70 la bd a pris conscience d'elle même et les adultes qui faisaient de la bd pour les enfants se sont mis à en faire pour les adultes. Dans les année 80, pour la première fois, avec
Chaland, la bd a pris conscience de son passé, de son histoire et de sa place dans l'inconscient collectif alors que la génération précédente avait tendance à renier cet héritage.
Il est mort à un moment où il commençait à explorer de nouvelles voies. On ne sait pas trop qu'elles auraient été les directions prises par sa carrière mais on peut rêver. Les auteurs de la dite "nouvelle BD" ne l'auraient sans doute pas laissé indifférent.