Qu'il y ait eu de la censure à l'époque Lug, c'est certain, mais pour le coup, les dialogues de Stan Lee sont exempts des vulgarités que lui prête à outrance la version Panini.
On en a justement reparlé il n'y a pas longtemps dans un autre topic, fraîchement déterré (
clic), tout ça fait partie des lubies de la traductrice Geneviève Coulomb, qui a d'ailleurs quitté le métier depuis, et de quelques autres collaborateurs de chez Panini, qui, c'est à craindre, sévissent toujours, eux.
Maintenant, pourquoi faire un travail qui a déjà été fait ? Dans l'absolu, ça n'a rien d'absurde. Autant une œuvre originale reste une référence forcément immuable, autant une traduction, elle, se périme. D'autant que nous avons une solide tradition, nous autres Français, sous prétexte qu'un jour Baudelaire a traduit Poe, de croire que nous pouvons "améliorer" les piètres productions de ces barbares d'étrangers...
Je me souviens avoir bossé à la fac sur le roman de Hardy
Tess d'Urberville. La seule traduction française existant, à ma connaissance, dans le commerce (au Livre de Poche), date des années 30. Après ma lecture (en traduction), j'avais une vision de l'œuvre et du personnage totalement différente de celle qu'avait ma compagne, qui l'avait lu des années plus tôt (en anglais). J'ai compris d'où venait notre désaccord quand j'ai travaillé sur certains passages avec la v.o. en regard de la traduction : un bon tiers du texte original passait à la trappe. L'impression rendue au final, notamment sur ce que l'auteur nous donne à penser de son héroïne, était tout à fait différente. Une bonne retraduction de ce classique, plus proche du texte original, s'imposerait.
Si l'idée (saugrenue, je l'accorde) d'aller lire du Plutarque me prend, j'irai le lire dans une traduction récente et moderne, pas dans celle d'Amyot qui date du XVIe siècle et dont le français m'est à peine moins indéchiffrable que le grec ancien original. Le français de François-Victor Hugo (fils de...), lui, est encore très lisible, mais sa traduction de Shakespeare à destination du public bourgeois du XIXe siècle ne rend pas tout à fait justice au grand Will (la Pléiade n'a retiré ces traductions de son catalogue que récemment, pour les remplacer par des travaux plus récents).
Dans le milieu universitaire, les traductions de textes antiques dans la prestigieuse collection bilingue des Belles Lettres sont désormais connues comme des modèles... de ce qu'on cherche désormais à éviter. La vision académique - et totalement biaisée - que l'on véhiculait, il y a quelques décennies, des - forcément admirables - auteurs Anciens, a poussé à tout traduire dans un style uniformément soutenu. Un peu gênant, non seulement quand il s'agit d'aborder le
Satyricon de Pétrone ou certains passages de Suétone, mais même pour du Platon (disons juste que les Athéniens ne s'adressaient pas vraiment à Socrate par des "ô noble Socrate, voudras-tu nous honorer de ta présence ?"
). Depuis une petite dizaine d'années - et (coïncidence ?) l'incendie d'entrepôt qui a emporté l'essentiel de leurs réserves -, on voit paraître de nouvelles traductions, mais il reste du boulot.
Dans un tout autre registre, pour ne pas dire à l'autre bout du spectre, il y a la mythique cas de la collection Série noire, qui a commis bien des abominables charcutages dans le répertoire du polar américain. Tous les volumes étaient censés avoir le même nombre de pages, les traducteurs avaient donc toute liberté de couper dans le texte original, par paragraphes voire chapitres entiers au besoin, quand ce n'était pas carrément la fin (
The Killer Inside Me de Jim Thompson...) ! Et ce, tout en rajoutant à l'envi, à côté de ça, des pelletés d'argot qui n'avaient pas forcément grand chose à faire là, si ce n'est que ça "faisait polar" dans l'esprit des Français. Quand un échange de deux lignes au discours indirect et dans un style sec et économe devient une demi-page de dialogues à la manière d'Audiard, il faut bien trouver de la place ailleurs... Là encore, les chantiers ont été rouverts récemment, au moins pour les "grands auteurs". Dashiell Hammett et Raymond Chandler ont eu droit à de nouvelles traductions dans la collection Quarto, et Rivages/Noir a récupéré les droits et a commencé à s'employer à retraduire Thompson. Mais les vieilles traductions restent disponibles en Folio Policier...
Etc., etc., etc.
Tout ça pour dire, sur le principe, il n'y a aucun problème à justifier une nouvelle traduction d'un texte déjà traduit. Encore faut-il que ce soit bien fait. Ce qui n'était pas le cas chez Panini.