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« On a du mal a imaginer beaucoup de choses qui pourtant se passent »

Entretien avec Céline Fraipont et Pierre Bailly

Propos recueillis par L. Gianati Interview 04/02/2014 à 14:04 8617 visiteurs

Difficile de croire que les auteurs du Muret sont les mêmes que ceux qui régalent régulièrement les plus jeunes lecteurs grâce aux aventures de Petit Poilu. Les aventures loufoques et ludiques du petit personnage au nez rouge ont laissé la place au parcours chaotique d'une adolescente livrée à elle-même. Le sujet est grave mais Pierre Bailly et Céline Fraipont l'évoquent avec justesse et beaucoup de sensibilité.

Comment est née l’histoire du Muret ?

Céline Fraipont : Je travaillais sur les scénarios et les découpages de Petit Poilu depuis quelques années, lorsque j'ai eu l'envie d'écrire une histoire plus sombre pour adultes. La série Petit Poilu commençait à être bien en place, j'avais trouvé mon rythme et, entre les coups, j'ai commencé à écrire Le Muret. Et puis j'avais aussi le désir d'écrire des dialogues, des textes.

Des dialogues qui sonnent immédiatement juste et font partie intégrante du récit...

C.F. : Ça me fait très plaisir parce que, le travail des dialogues, c'est très important pour moi. Il faut que ça sonne, c'est très musical. Le Muret est un récit de type social, il fallait un phrasé naturel, vivant, crédible. Je me suis laissée aller en me débridant le plus possible. Je n'ai pas cherché à faire un truc littéraire, absolument bien tourné, d'abord parce que je ne suis pas capable de le faire et ensuite (et ça tombe bien) parce que je ne suis pas fan de ce style en bd (rires). J'adore le ton des traductions américaines et je m'en inspire : Debbie Drechsler, Tomine, Chester Brown, Peter Bagge... Les gros mots ont une importance aussi. J'aime beaucoup les gros mots. Il faut que ça claque.

Céline, avez-vous écrit le scénario seule ou à quatre mains avec Pierre ?

C.F. : Non, j'ai écrit le scénario seule. J'avais une idée précise du style d'histoire que je voulais faire et du ton que je voulais lui donner. Pierre a lu quelques fois le scénario en cours de réalisation. Il me donnait son avis. Après nos échanges, il m'est parfois arrivé de remanier certains passages, parfois pas. Pour Petit Poilu comme pour Le Muret, je travaille le découpage de mes histoires dans la foulée car j'ai une vision plus ou moins précise de celui-ci au moment de l'écriture. Je vois les choses en cases, en pages aussi parfois. En storyboardant de façon très basique mes histoires, je travaille mieux l'articulation des séquences, je fais du montage et ça me permet d'avoir une vision globale du bouquin. Travailler le rapport image et texte pour faire éclore les émotions, c'est vraiment une partie du boulot qui me passionne. Ensuite, Pierre attaque les pages et, là, on voit si ça tient la route. Parfois, on change des choses, il me propose des modifications... C'est très riche, on discute beaucoup.


Comment cette histoire a-t-elle atterri dans la collection « Ecritures » de chez Casterman ?

C.F. : Nous avions d'abord signé Le Muret chez Dupuis et puis les choses ont bougé en cours de route. Nous avons donc présenté le livre, qui touchait presque à sa fin, à Reynold Leclercq, éditeur chez Casterman. Reynold a accueilli le projet à bras ouverts, il était très enthousiaste. En montant le dossier pour le présenter chez Casterman, nous avions travaillé une couverture fictive pour l'album sous le graphisme très caractéristique de la collection Ecritures. Cette collection nous semblait bien convenir pour Le Muret et Reynold s'est montré en phase avec cette suggestion.

Vous aviez à peu près le même âge que Rosie en 1988. L’histoire se veut elle autobiographique ?

C.F. : Certains éléments ont été puisés dans ma propre adolescence, d'autres pas. J'ai fait ma petite cuisine. Retirer, rajouter, transformer… Je me suis mise au service du récit dans le but de le rendre le plus juste possible. Mais, Le Muret n'est pas véritablement mon histoire, c'est une histoire.

À part cette date, les seules indications de temps sont  « un autre jour… », « des fois », « cette nuit ». Pour Rosie, seul importe le fait de grandir le plus vite possible et de quitter le monde de l’enfance…

C.F. : Il fallait que je donne un côté suspendu au quotidien de Rosie, que j'y introduise une sorte de flottement. Le temps ne pouvait pas intervenir de façon trop carrée, cela aurait sans doute cassé cette sensation d'errance que l'on ressent au fil des pages.

Les récitatifs sont quasiment absents, le récit étant centré sur Rosie et ses pensées…

C.F. : Pour s'attacher à un personnage, le lecteur doit vivre son intimité, sa douleur, sa sensibilité. On n'a pas trop d'éléments sur la façon dont le père de Rosie voit les choses par exemple. Pareil pour Jo. Toute l'histoire s'articule autour de son ressenti à elle. Le récit sous forme de journal convenait parfaitement car il permettait cette introspection.

Comment ne pas tomber dans le glauque et le scabreux pour une histoire telle que celle du Muret ? Vous êtes-vous fixée certaines limites morales ?

C.F. : L'histoire est dure, elle suscite un certain malaise. Mais la détresse rend mal à l'aise, c'est inévitable. Je me suis fixée des limites, oui, car je ne voulais pas tomber dans un truc sordide, un peu cliché ou tape à l’œil. Rosie aurait pu se faire un shoot à l'héroïne par exemple, se prostituer, que sais-je…Mais ce n'était pas ce type d'histoire que j'avais envie de raconter. J'avais envie de raconter une dérive simple et discrète. La poésie des images a été particulièrement travaillée aussi. Il fallait suggérer plutôt que montrer. Pierre est fort pour ça.


On a du mal à imaginer une jeune fille de 13 ans laissée seule chez elle et livrée à elle-même…

C.F. : On a du mal a imaginer beaucoup de choses qui pourtant se passent (sourire).

La famille de Nath, même imparfaite et de revenus apparemment modestes, est présente alors que celle de Rosie, aisée, est absente…

C.F. : Oui, ça convenait bien à l'histoire. Puis, adolescente, j'ai fréquenté des milieux très différents. Du très modeste au très friqué. J'ai appris que la dureté dans les rapports humains n'est pas toujours là où on l'attend.

Les problèmes d’alcool et de solitude rencontrés par Rosie étaient-ils répandus en Belgique dans les années 80 ? Les choses ont elles évolué aujourd’hui ?

C.F. : Je ne sais pas trop si ces problèmes étaient fréquents dans les années 80. Par contre, la société actuelle étant tellement dingue, je trouve que les jeunes de maintenant ont vraiment de bonnes raisons pour se bourrer la gueule. Cette histoire aurait pu se passer maintenant. Mais je n'aime pas trop mon époque, c'était l'occasion de me plonger dans le passé. J'ai une forte tendance à la nostalgie.

Pierre, comment passe-t-on du dessin de Petit Poilu à celui du Muret ?

Pierre Bailly : J'ai toujours cherché à adapter mon dessin aux histoires. Chaque projet induit une réflexion sur la manière de transmettre, de traduire les émotions. Parfois, c'est simple, ici ce fut compliqué… Pour Le Muret, je sortais de dix albums de Petit Poilu, très minimalistes, assez boulonnés dans leur mécanique narrative. Je fonctionne comme un diesel, ça a pris des plombes pour passer de l'un à l'autre. Céline me suggérait d'utiliser la palette graphique, j'ai fini par l'écouter et ça s'est débloqué!

Céline avait-elle une idée très précise des personnages, notamment de Rosie, ou avez-vous laissé libre cours à votre imagination ?


P.B. : Oui, son scénario est découpé, rythmé, mis en scène, elle esquisse la plupart des cases. Et elle joint un dossier composé d'images référentielles, pour les personnages, le climat, les ambiances. J'ai plutôt un rôle de cadreur, d'éclairagiste, d'acteur. On est très complémentaires.


Travaux préparatoires

Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?

P.B. : Le projet est passé par plusieurs versions : une couleur en aplat, une autre tramée avec des grisés. Tous ces artifices déviaient le lecteur des émotions brutes qu'on essayait de mettre en place. Le noir et blanc permet un décalage immédiat avec la réalité, on est dans la représentation du monde, pas dans l'imitation, c'est beaucoup plus fort, plus poétique. C'était parfait pour cette histoire, avec ces grandes masses noires. Et puis ça correspondait aussi à mes goûts de lecteur. Je pense en vrac à des gens comme Muñoz, Masereel, Oji Suzuki, Shinichi Abe, James Sturm, Tomine, Tsuge... Les dessinateurs qui me touchent ne sont ni dans l'esbroufe, ni dans la virtuosité. C'est la même chose en cinéma avec Aki Kaurismaki par exemple.

Vous dites avoir eu l’idée d’écrire Petit Poilu pour votre fille, née en 2004. Est-elle encore une lectrice de la série ? (sourire)

P.B. : Oui, mais en tant que critique et conseillère particulière. Tout comme son frère.



Petit Poilu a bientôt 7 ans. Quels sont les retours de vos premiers lecteurs qui doivent maintenant avoir autour de 10 ans ?

P.B. : En séance de dédicaces, ils viennent avec leurs petits frères et leurs petites sœurs, ils passent le flambeau mais on a l'impression qu'ils restent sentimentalement attachés au personnage.

Malgré la sortie du Muret, le rythme de parution des Petit Poilu reste inchangé (deux par an). Travaillez-vous deux fois plus ? (sourire)


P.B. : Non, Céline est rapide. Moi très lent au démarrage et puis je fonce.

Avez-vous d’autres one shots ou projets dans vos tiroirs ?

P.B. : Céline a terminé d'écrire un nouveau one-shot, un huis-clos campagnard hyper tendu qui met en scène deux personnages assez opposés… Je vais le dessiner, en poursuivant un travail en noir et blanc qui mélange les masses noires et les traits hachurés de façon moins rigide, avec moins de lignes droites. Et le prochain Petit Poilu est presque bouclé. Il abordera la question du genre dans les jeux des mouflets, les jouets pour filles qui ne sont pas pour les garçons et vice-versa.






Propos recueillis par L. Gianati

Petit Poilu
1. La sirène gourmande

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Le muret

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