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« Le dessin m’a sauvé, me sauve et me sauvera encore »

Entretien avec Vincent Perriot

Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade Interview 10/11/2021 à 11:41 7204 visiteurs

"Un projet d'anticipation ambitieux et quasi démesuré", c'est la juste remarque de la chronique BDGest rédigée lors de la sortie du deuxième tome de Negalyod. La lecture de cette fresque gigantesque imaginée par Vincent Perriot ne laisse en tout cas pas indifférent. La beauté des planches, parfois hypnotiques, accompagne un récit par moments hermétique. Peut-être alors faut-il simplement se laisser porter dans un univers esthétique et protéiforme dans lequel se perdre est devenu un véritable plaisir. 

Le deuxième tome était-il prévu dès le début du projet ? 

Vincent Perriot : Le tome un, comme le tome deux, sont des histoires improvisées, autant pour le dessin que pour le scénario. Du fait que j’improvise, ce sont des histoires avec lesquelles je me laisse surprendre par beaucoup de choses qui m’affectent au jour le jour, qui me donnent des émotions, qui me mettent en colère, qui me révoltent. Des choses que je subis ou des choses que j’imagine, qui m’éclairent. Je prends souvent des histoires personnelles, familiales, que je mixe avec des réflexions sur certains sujets d’actualité autour de l’environnement, des mouvements de société, autour de ce qu’on peut imaginer, anticiper, de ce que serait le monde à l’avenir. Ces deux tomes sont plus ou moins une métaphore d’un futur d’anticipation ou du présent tel que je le vis. Je me suis aperçu au fil de leur création que les deux tomes ont suivi leur propre courbe. Le premier tome est une sorte d’éveil, de métaphore du monde tel qu’il est selon moi au travers du regard de Jarri, ce berger de dinosaures. Il ne démarre de rien, il est dans son désert avec ces surfaces planes et horizontales avec juste ses bêtes et une très faible connexion avec le reste du monde. Par la force des choses, du fait que son troupeau se fait tuer, il est obligé d’aller en ville et de s’ouvrir à quelque chose auquel il n’était pas familier, à des choses qui vont le submerger : la foule, la population, le travail, les gens, l’amour aussi. Tout ça va le pousser à faire des choses inhabituelles. C’est un peu ce que j’ai pu ressentir moi-même dans mon parcours personnel. Il y a une sorte d’éveil politique à des questions d’environnement. Dans le premier tome, beaucoup de ressources naturelles, et notamment l’eau, sont canalisées au profit de grandes villes au dépens de la nature et de tout ce qu’il y a à coté. Toute la planète est en « mode survie » alors qu'il y a une abondance énergétique et numérique dans ces grandes villes. Ce constat est poussé à son paroxysme : la ville toute puissante et la nature asséchée. Pour le second tome, je ne me sentais pas de faire la même histoire avec les mêmes enjeux, ce qui était tentant parce que j’avais mis en place tout un univers vraiment très séduisant avec lequel j’ai vraiment pris un grand plaisir à dessiner. Cependant, mon éveil se poursuivait, avec une actualité abondamment fournie au niveau de l’écologie, de la montée des eaux, des grands mouvements de population à venir, du réchauffement climatique… J’ai pris toutes ces émotions-là, toutes ces mouvances-là, et j’ai décidé de les appliquer à ma propre histoire, à mon propre univers, de les pousser à bout et de sortir ce récit qui prend un ton bien plus crépusculaire, plus sombre, et bien plus vif aussi, plus vivant, avec l’éclatement et l’apparition bien plus prégnante de beaucoup d’éléments comme le feu, l’eau, le vent. Tous ces éléments-là, qui étaient plus ou moins maitrisés dans le tome un, se déchainent et viennent même à submerger l’espèce humaine. Elle vient remettre en cause son mode d’existence même, son mode de survie. C'était important pour moi de donner autre chose à voir aux lecteurs et aux lectrices et d’insuffler de nouveaux enjeux de vie à mes personnages par rapport au premier tome.

La narration à la première personne renforce cette idée d'incarnation du personnage de Jarri...

V. P. : J’avais en tête ces grandes questions autour de l’écologie, des grands systèmes humains et de société et, forcément, je me devais d’incarner cette histoire au niveau du point de vue d’un personnage. À force d’improvisations et de versions de l’histoire, le personnage de Jarry, le berger des dinosaures, est apparu. C’est délicat de transposer dans un autre monde ses propres sensations. J’ai trouvé que les montagnes et les déserts me rappelaient plein de choses que j’ai pu vivre moi-même et dans lesquelles je me sentais seul notamment dans le cadre de voyages. J’ai eu la chance de voyager souvent dans plein de pays, notamment en voiture, souvent en Europe de l’Est, en Turquie, en Grèce, en Albanie, en Croatie, en Inde, au Rwanda, et dans d’autres pays à l’ouest avec justement ces notions d’espace qu’il est difficile de ressentir en France parce que c’est un pays assez quadrillé. Il peut y avoir de très beaux paysages mais il y a rarement ce vertige des grands espaces qu’il peut y avoir dans d’autres pays. Quand on fait la démarche de partir, de laisser tout derrière soi et d’être à l’écoute des paysages, on se retrouve finalement dans la situation de Jarri. Dans ce second tome, j’ai voulu aller un peu plus loin dans son rapport avec Korienzé. Il vit l’amour d’une autre façon, d’une façon plus rude, peut-être plus dure, plus conflictuelle parfois et plus fusionnelle aussi. Ce sont des choses que j’ai pu vivre moi dans ma propre histoire personnelle et que tout un chacun peut vivre si on vit une relation amoureuse assez longue. 

Jarri est aussi un personnage qui rassemble, aussi bien le troupeau que la nature et les hommes…

V. P. : Dans le tome un, il y a encore ce rapport à l’animal en survie. C’est pour ça que j’ai pris plaisir à dessiner des dinosaures et que j’ai fait ce choix. Jarri est quelqu'un qui peut être assez sanguin, qui peut donner une réponse un peu brusque ou un peu trop brutale parfois, mais c’est sous couvert d’une forme de méditation. Il réfléchit pour essayer de trouver les meilleures solutions, les meilleures hypothèses. Dans ce tome deux, il est bien obligé de constater qu’il a fait le deuil de vivre avec les animaux avec lesquels il aimerait vivre, il a fait le deuil de cette solitude avec laquelle il a pu vivre avant et il est bien obligé de vivre avec les autres dans des conditions où le contexte climatique change. L’humanité tente de survivre et il se sent obligé de survivre avec les autres d'essayer de les diriger mais cette mission-là est sans doute la plus difficile. Ma vision du monde tel qu’il serait dans dix, quinze, vingt, trente ou cinquante ans, ressemblerait émotionnellement à ce que je décris dans l’album. Nous avons de la chance de faire ce que l’on fait actuellement avec tout le confort et l’abondance d’énergie telle qu’elle nous est donnée mais que je pense qu'on est dans une forme d’âge d’or qui va bientôt s'éteindre. On va devoir affronter des choses bien plus difficiles, bien plus dures. On devra se restreindre, anticiper, ou en tout cas faire avec des bouleversements auxquels on ne s’attend pas, auxquels on a à peine conscience. Cet album renferme un double sentiment : une angoisse très forte de cet avenir qui viendra à nous quoi qu’il arrive, mais aussi une petite lueur d’espoir émotionnelle. Ce n’est pas pour rien que sur le quatrième de couverture il est écrit : « l’amour traverse l’espace, l’amour traverse le temps ». 

La scène des retrouvailles, qui se font en silence, est très importante. C’est elle qui le rassure et lui ne dit rien à part « je t’aime »...

V. P. : C’est la plus belle formule du monde ! Il n’y a rien à dire de plus en fait. « Je t’aime » : on ne le dit pas souvent et on ne le dit pas assez. Déployer son amour ou le montrer à quelqu’un, à un proche, est tellement difficile… Nous sommes noyés par tellement de flux d’informations, tellement de choses que nous aimerions faire, qu’aimer devient presque accessoire. On sait tous que l'amour est vraiment difficile à construire et à faire perdurer. Je suis très content que vous rappeliez cette scène parce que quand je dessine ce genre de scène, je la vis. C’est ça qui est intéressant, c’est ça que je trouve beau dans l’improvisation, c’est que je ne pré-scénarise pas les choses, je les vis quand je les dessine. Quand je dessine cette page, avec deux personnes qui s’enlacent l’une l’autre, et qui se disent pardon, je la vis aussi intensément qu’eux, je suis prêt à pleurer avec eux. Chaque page est vécue avec intensité. Ça peut créer des errements parfois ou des maladresses dans le récit mais peu importe à partir du moment où le récit est vivant de toutes ces voix-là, de toutes ces personnes-là, de toutes ces émotions-là. 

Il y a un thème important dans le premier et le second tome, c'est ce besoin de spiritualité…

V. P. : Quelle religion ou quelle spiritualité est la bonne pour soi-même ? Nous avons tous forcément une quête de sens. Ma pratique du dessin est un accès à une forme de spiritualité dans le sens où la puissance et le pouvoir du dessin c’est de pouvoir se voir soi-même. Le crayon est mon maître, la page blanche est mon âme. Quand je dessine, je me demande ce qui est important pour moi, et c’est difficile de se mettre en condition pour arriver à créer dans cet état d’esprit. Je veux en profiter un maximum pour pouvoir justement générer cet accès au miroir de soi quand je crée. Chaque trait, chaque case, chaque émotion, prend une place dans ma vie. Je mets dedans toutes mes obsessions, toutes mes angoisses, toutes mes émotions, mes amours. Par le dessin, j’arrive à me voir moi-même, à voir ma place dans le monde, et comme le dessin est une pratique assez lente, j’arrive à plus ou moins méditer sur qui je suis. Ce n’est pas pour rien que le tome deux parle d’un livre qui aurait anticipé ce qui va suivre, il y a une sorte de mise en abîme par rapport à ma propre pratique, moi qui fait des livres. Pour en revenir à la question autour de la spiritualité, je me sens piégé par beaucoup de choses dans notre société, un peu malgré moi. Je me sens drogué de façon consciente ou non, notamment par l’emprise numérique. J'ai appris énormément de choses grâce à internet et j’y ai aussi perdu énormément de temps. Je sens que je me suis fait piéger comme beaucoup de gens et j’essaye petit à petit de prendre conscience et de combattre cette drogue numérique que l’on vit tous. J’essaye de m'en préserver grâce au dessin et à d’autres choses comme les voyages, le jardinage, et de s’ennuyer, de ne rien faire.  S’ennuyer et ne rien voir devient un luxe. C’est cet ennui, ce regard sur soi-même, cette façon de s’oublier qui fait qu’on peut parfois gravir quelques échelons d’une forme de spiritualité. Le dessin m’a sauvé, me sauve et me sauvera encore. Je vais tout faire pour canaliser mon énergie et toute ma spiritualité vers ce média-là.

Peut-on faire un rapprochement entre vos pleines pages et les illustrations que l’on peut retrouver dans certains ouvrages religieux ? 

V. P. : Absolument ! Je n’avais jamais pensé à lier la spiritualité à l’espace de la page. Souvent, au lieu d’expliciter quelque chose par le dialogue ou par le texte, je préfère ressentir par le dessin ces émotions-là, ces espaces-là. Généralement, je ne sais même pas où je vais quand je commence une illustration, je ne connais pas sa structure, je ne connais pas sa mise en page, son architecture. Je pose le crayon sur la feuille blanche, je peux avoir une idée de certaines sensations mais je me laisse aller. Très souvent, au crayonné, je peux faire plusieurs versions sur la même page. Je dessine par exemple une ville, tout à coup émerge un tuyau qui a poussé comme une plante sous ma main, de façon non préméditée. Tout à coup, il y a un petit vaisseau qui vient s’agréger sur la planche pour peut-être rentrer dedans, il y a des motifs qui viennent se conglomérer, il y a un ciel avec une certaine lumière qui vient… Parfois, je me surprends à me dire « mince, il y en a trop ». À ce moment arrive un travail que j’aime énormément, celui de l'épure. On a envie d’en dire beaucoup, mais il faut canaliser et centrer l’illustration sur un ou plusieurs éléments et trouver, dans cette multitude, dans ce fatras d’informations, un point d’accroche, un point d’entrée. Généralement, je peux gommer de grandes surfaces de dessin, je peux même le retourner à 180° pour savoir comment il peut me parler autrement. C’est marrant parce que quand je gomme, il reste des traces de ce qu’il y a derrière, une espèce de substrat de cette architecture qui existait. Quand je recrayonne par dessus, j’utilise ces crevasses d’anciens traits de crayon, je sculpte dedans, je les suis, je crée de nouvelles architectures. Par exemple, je vais créer une nouvelle ville à partir d'une ancienne,  d’autres bâtiments sortent de bâtiments qui ont déjà été gommés et ça fleurit comme ça de façon impromptue. J’ai même une petite image intéressante… J’ai un criterium et je trace un trait dans le papier, je le gomme assez fortement mais ça fait vraiment un petit trou, un sillon. Plusieurs fois, en dessinant, je me suis vu rentrer dans ce sillon, moi-même, dessinateur. Je me dis que la surface de papier c’est mon désert à moi, je peux aller à la surface de la feuille en étant un tout petit atome, je peux voir ces crevasses, qui sont minuscules à mon échelle humaine, comme des immenses planètes à une autre échelle. Souvent, ça m’a amusé de changer d’échelle et de point de vue et c’est ce que j’ai fait de façon assez prégnante dans le tome deux. Je me suis autant amusé à dessiner chacune des gouttes d’eau de pluie qui tombent que de partir dans l’espace visiter des milliards de mondes et faire des boucles infinies de mondes parallèles. Dessiner, c’est cette joie de pouvoir explorer tous ces espaces et d'aller autant au plus loin qu’au plus microscopique.

Le traitement des couleurs semble renforcer cette sensation de reliefs…

V. P. : Florence Breton, la coloriste, est une personne exceptionnelle en plus d’être une artiste exceptionnelle. Je ne lui ai donné absolument aucune consigne et pourtant, nous étions dans une complémentarité parfaite. Comme j'improvise, elle découvrait l’histoire en même temps que moi. Elle prenait les lots de planches que je lui envoyais, une dizaine ou une vingtaine, avec autant d’émotion que moi. Elle n’hésite pas à aller dans plusieurs directions, dans plusieurs teintes, dans plusieurs dominantes, dans plusieurs rapports de couleurs qui font sa force. Ce qui est magique, c’est qu’elle me surprend. Je pouvais m’attendre à une certaine chose, à certains types d’ambiances, mais quand je voyais ses couleurs, je me disais que c'était absolument parfait, c’était mille fois mieux que ce que j’avais imaginé. Elle arrive à faire ressentir toute une profondeur que je peux parfois avoir du mal à faire valoir dans mon dessin. Il y a certains espaces qu’elle a plus soulignés avec certaines de ses couleurs et elle va mettre le point de focus sur un arrière plan, un bâtiment ou un type d’élément comme l’eau ou le feu, ou une percée dans le ciel, qui fait qu’on voit la scène autrement. Elle arrive a sculpter la lumière et les espaces de manière à ce que ce soit plus puissant et plus immersif. C’est vraiment une sculptrice de lumière, une amoureuse des rapports colorés. Ça a toujours été son plaisir, surtout depuis qu’elle a commencé ses couleurs avec Moebius et plein d’autres artistes.

Pourquoi avoir laissé deux pages en noir et blanc en fin d'album ?

V. P. : C’est un choix d’ouverture, de respiration, dans le sens où j’ai l’intention de faire un tome trois en allant explorer encore d’autres palettes d’émotions, un autre univers peut-être plus lumineux, plus coloré. Comme je suis en train de m’ouvrir à la réflexion pour ce tome trois, je laisse infuser plein d’idées, je n’ai aucune idée préconçue, je vais faire comme pour les deux premiers, improviser totalement. Cette illustration-là n’avait pas besoin de teinte. La couleur est tellement forte, tellement puissante, parlante, sur la dernière case de l’album, que je sentais que ça ne servait à rien de donner une « virgule » supplémentaire. Le point final était donné avec la puissance de ce bleu, de cet orange, dans cette dernière illustration que je trouve absolument magnifique. Pas parce que je l’ai dessinée mais parce que pour moi elle est importante dans son sens, dans sa composition et surtout dans sa couleur, exceptionnelle.

Le jeu de tarot, présenté en pleine page, était-il un moment de détente ? 

V. P. : C’est un jeu de cartes qui n’existe pas et qui est de ma pure création. Symboliquement, c'est un peu la métaphore de notre volonté toujours constante de jouer à vide. On est dans une société qui joue beaucoup. J’avais imaginé dans ce monde-là ce jeu de cartes qui a le malheur de remplacer les livres. Les pirates et les gens à bord des bateaux qui restent en survie préfèrent jouer et utilisent le jeu comme monnaie d’échange. Je voulais que le papier de ces jeux remplace le papier des livres, que le plaisir remplace la réflexion profonde. C'est aussi un jeu de cartes divinatoire directement inspiré d'Alejandro Jodorowsky et de son interprétation. Je la trouve fascinante et riche de sens. J’ai eu la chance de le rencontrer, nous avons failli faire quelque chose ensemble et je pense que nous aurions fait un album absolument magnifique et stratosphérique (rires), mais ça n’a pas abouti et les choses ne se sont pas faites. Ce jeu, c’est un peu un clin d’œil à tout ce que j’ai pu lire de lui, à toute sa pensée actuelle et même certaines de ses réflexions antérieures dans sa carrière. 

Sur le patchwork de la page 181, en forme de « vitrail », auriez-vous aimé que l’on puisse animer cette page pour en faire un flot d’images kaléidoscopique ?

V. P. : Absolument ! Vous avez tout compris, c’est très juste. C’est à la fois les limites et les enjeux du dessin et de la BD en particulier, que l’on sente l’animation, le mouvement, par des images fixes. Que l’on sente qu’entre chaque espace qu’il y a entre chaque case il y a un temps qui s’est passé. Dans ce « vitrail », je voulais faire en sorte qu’il y ait à la fois les personnages dans chacune des cases, qu’ils convergent vers un point, qu’on sente à la fois une urgence et une rapidité. On ne sait même pas ce qu’il se passe entre une case et une autre, il peut y avoir encore un million de mondes dans ce blanc-là. C’est une espèce d’illustration d’espace-temps infini qui, en même temps, peut converger en une fraction de seconde. 

Quel serait le budget d’une adaptation au cinéma de Negalyod ? Si elle devait exister, qui aimeriez-vous voir derrière la caméra ?

V. P. : Il y en a plusieurs mais celui avec qui naturellement je serais le plus heureux de pouvoir collaborer c’est Denis Villeneuve, notre grand ami à tous ! Il incarne la puissance et la justesse de mise en images, de savoir twister ou donner des émotions fortes.  Je me permets également de faire un petit clin d’œil à mon ami Arnaud Malherbe qui est le scénariste avec lequel j’ai collaboré sur Taïga Rouge et Belleville Story dans mes premiers projets, qui est lui aussi pour le coup cinéaste réalisateur… C’est une bouteille jetée à la mer (rires) ! Mais je pense aussi souvent à Arnaud parce qu’il a un sens de le mise en scène, une dynamique et une véritable empathie pour ses personnages qui fait que, sait-on jamais, s’il a envie de changer de registre un de ces jours, je le suivrais avec grand plaisir !

Villeneuve travaille également énormément sur le son… Ça pourrait apporter une dimension supplémentaire et complémentaire à votre œuvre, à l’instar des couleurs...

V. P. : Je ne peux que vous rejoindre. En dessinant, la création a un son, quand je dessine, j’ai un son en tête. Ce n’est pas forcément une musique que j’écoute mais une certaine ambiance. Quand c’est dans le désert j’entends le souffle du désert, quand c’est dans la ville j’entends le grouillement de cette dernière, j’entends les gens parler, le frottement des vêtements, les clinquements des tuyaux ou de travaux qui peuvent se passer au loin... Comme vous le faites remarquer, le son fait partie intégrante de la création physique des personnages mais aussi sa propre voix mentale. Sa voix vient se superposer parfois de façon très intelligible, très claire, même parfois de façon marmonnante, plus lancinante, mais il y a toujours une voix, il y a toujours ce son et cette envie de puissance sonore qui vient à l’esprit.



Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade

Bibliothèque sélective

Negalyod
2. Le dernier mot

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Belleville Story

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Taïga Rouge
1. Première partie

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