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Et si le shérif était Robin des Bois ?

Entretien avec Vincent Brugeas, Emmanuel Herzet et Benoît Dellac

Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade Interview 31/01/2021 à 10:28 7428 visiteurs

Pourquoi adapter aujourd'hui une légende aussi célèbre que celle de Robin des Bois ? Voilà près d'un millénaire que l'histoire de l'homme à capuchon traverse les âges et les époques, par le bouche à oreille, par le jeu d'un acteur aussi charismatique qu'Errol Flynn ou par le talent de Walt Disney. Tout le monde connaît ses compagnons, de Frère Tuck à Petit Jean en passant par Marianne, et son ennemi juré, le Shérif de Nottingham. Son ennemi juré ? Et si le shérif était Robin des Bois ? 

Est-ce en travaillant sur La Cagoule que vous avez eu l'idée de travailler sur un personnage à capuche ? 

Vincent Brugeas : Travailler sur La Cagoule a été particulièrement difficile. On a bossé en sous-marin pendant deux ans et demi et on était en train d’écrire le tome 3 sans avoir jamais sorti le 1 et le 2. Finalement, tout est sorti en même temps en quelques mois d'intervalle. Nous avons passé autant de temps à faire le troisième tome qu'à faire les deux premiers premiers. Bref, nous avions envie d'autre chose et de changer d'univers. Robin des Bois en faisait partie. J'en ai parlé à Emmanuel qui me lance une boutade. J'ai toujours rêvé de montrer que le shérif de Nottingham n'était pas méchant et je lui répond qu'on n'a qu'à en faire un Robin des Bois. 

Vous êtes deux passionnés d'Histoire. Est-ce intéressant pour vous de bâtir un récit autour d'une assise historique ?

V.B. : Disons que la légende de Robin des Bois est très liée à son contexte historique. Le roi Richard est emprisonné hors de son royaume, fait assez rare, ce qui est prétexte à pas mal de légendes et de récits. De plus, si on veut changer les choses, si on veut rendre crédible que le shérif de Nottingham soit Robin des Bois, il fallait que l’on s’interroge sur les modifications que l'on devait apporter à l'Histoire. Nous étions conscients que beaucoup de personnes allaient nous dire que c’est n’importe quoi. Si, en plus, on se foire historiquement, les gens ne vont pas avoir envie de nous suivre. Si on part avec une bonne assise, que l’on explique ce qu’est un shérif, pourquoi est-ce que ça pourrait l’amener à faire ça, à prendre ces décisions-là, je trouve que là on marque des points.

Vous êtes vraiment très précis : d’un coté on rigole mais on ne plaisante pas…

V.B. : J’aime bien cette expression, c’est exactement ça, je la réutiliserai ! (rires)

Emmanuel Herzet : La contrainte nous offre beaucoup de libertés aussi, c’est ça qui est chouette. Le cadre historique n’est pas trop compliqué à gérer, maintenant tout le monder va sur Wikipédia et peut devenir "historien". C’est surtout ce que l’on va mettre dedans et tout ce que l’on va faire autour des personnages, se les approprier, les détourner et créer la surprise qui va être essentiel. C'est ça qui est très amusant et très fun. 

Comment se déroule le travail sur le scénario à quatre mains ?

E.H. : Vincent se lève et on travaille… (rires). 

V.B. : Il n’y a pas de partage entre nous de découpage de telle ou telle scène et l’autre qui repasse derrière… Non, on écrit ensemble. On a des réunions, en général un rendez-vous hebdomadaire le mardi, ce qui peut changer en fonction des horaires d'Emmanuel en tant que prof. Un rendez-vous par semaine donc où pendant trois-quatre heures on bosse. Il y a un secrétaire de séance, le plus motivé, et là ça part. On se fait un petit plan au début en se disant que ce serait bien de répondre à tel mail ou de répondre à ceci ou cela avant, les affaires courantes. Ensuite, nous sommes tous les deux et nous faisons le ping pong de nos idées. C’est plus long que si nous écrivions chacun de notre coté, ça limite nécessairement ce que nous allons produire à deux dans l’année, mais pour nous tant pis, nous ferons moins d’albums mais nous préférons travailler comme ça. Sinon je ne vois pas l’intérêt de travailler ensemble, je ne suis pas là pour corriger les travaux de qui que ce soit. Pour le coup, je trouve que ça marche bien en plus.

E.H. : On peut justifier les choix que nous faisons et c’est bien parce qu’il y a parfois un chouette exercice d’argumentation. Il y a aussi le coté où il faut accepter que tel chaton doit être noyé parce que le chaton de l’autre est plus sympa, il a un poil plus luisant ou autre. On sait ce qu’on gagne parce que jusqu’à présent nous ne nous sommes pas encore disputés…

V.B. : C’est parce que j’ai souvent raison ! (rires)

Comment Benoît est arrivé sur ce projet-là ?

Benoît Dellac : Un peu par hasard on va dire. C’est Mathias (Mathias Vincent, éditeur au Lombard, NDLR) qui a pris contact avec moi sur Facebook. Il avait vu mon deuxième tome de Serpent Dieu et il pensait que ça pouvait coller avec le pitch qu’il m’a fait de Nottingham. Quand j’ai reçu son mail avec écrit en gros Nottingham et le synopsis je n'ai pas hésité une seule seconde…

V.B. : Tout est allé très vite. On a eu l’idée et la semaine suivante on avait rendez-vous avec Mathias Vincent sur Paris, le jour de l’incendie de Notre Dame. C'était le 15 avril 2019, on signe les contrats dans la foulée et boum je rencontre Benoît à Saint Malo (Au festival BD Quai des Bulles, NDLR) qui suit en octobre et banco c’est parti. Il y a certaines séries que l’on met trois ou quatre ans à sortir et cette série là est partie super rapidement. Je croyais dur comme fer que nous avions eu l’idée en 2018 et c’est en regardant la date de l’incendie que j’ai réalisé que c'était en 2019.

B.D. : Vous avez pris contact avec moi en août 2019 et j’ai dit oui.

E.H. : On a commencé le découpage en septembre.

B.D. : J’ai attaqué directement les recherches et j’ai commencé en décembre.

Qu’est-ce qui vous a motivé Benoît ? Le mythe ? L’époque ? Les scénaristes ? (rires)

B.D. : J'avais commencé à faire des recherches sur Robin des Bois pendant une petite période de creux avec un ami et j’avais mis ça de coté. Quand j’ai vu de quoi parlait Nottingham, je me suis dit que c'était oui, encore plus quand j’ai vu le pitch, et quand j’ai vu les deux zozos….

V.B. : Je suis sûr que tu mens Benoît en parlant d’une période de creux parce que je sais très bien que ça n’existe pas chez toi (rires). Ce doit être quatre micro-secondes dans la journée, arrête de nous la raconter.

B.D. : C'était pourtant le cas. Enfin... J’avais une série en cours et un autre album.

V.B. : En effet, c’est un sacré creux !

Ce qui est intéressant dans le personnage de William, c’est son coté tiraillé, bien loin du manichéisme souvent associé à la légende de Robin des Bois...

E.H. : Mon collègue Vincent est un spécialiste des personnages en mi-teinte, pas forcément tous blancs ou tous noirs. La direction qu’il a fait prendre à William est quelque part un peu guidée par son rôle historique. Un shérif ne peut pas faire n’importe quoi avec ses prérogatives…

V.B. : Très souvent, on a la question « Pourquoi faire du shérif un gentil ? » et nous y répondons par « Pourquoi en faire un méchant ? ». La légende dit que c’est un méchant mais, historiquement, rien ne l’indique. C’est une magistrature comme une autre et donc, en faire un méchant, est quelque chose de très politique. À partir du moment où l’on décide que Robin des Bois est le shérif, il faut savoir qu’il se tire une flèche dans le pied. Ses victoires en tant que Robin des Bois sont ses défaites en tant que shérif. C’est forcément un personnage qui va s’auto-mutiler, il fallait qu’il ait des raisons de le faire. Cette dichotomie entre ces deux rôles, ça symbolise son tiraillement. Tout ceci est super intéressant parce qu’on fait une métaphore de la métaphore qui permet de symboliser cela, on a un personnage qui ne sait pas du tout où se mettre. Il va mettre du temps à vraiment accepter son rôle. C’est d’ailleurs pour ça qu’il avait besoin de quelqu'un comme Marianne qui va l’attirer sur d’autres domaines et qui va le pousser à aller à fond dans ce rôle-là alors que pour lui, au départ il ne s’agissait que d’un coup d’un soir, juste parce que la situation l’exigeait. Il faut savoir que Richard emprisonné c’est quelque chose de très spécifique et, à grand péril, il faut forcément des situations particulières.

Nottingham rime avec Gotham…

V.B. : On est dans l’idée de la justice personnelle à la grosse différence de Batman. Bruce Wayne ne représente en aucun cas la justice mais plutôt la richesse, il représente une classe sociale. Le shérif représente littéralement la justice, il est la justice puisque c’est lui qui est censé l’appliquer, il en est  le dépositaire. « Celui qui fait la loi peut la briser » c’est la phrase imaginée par Le Lombard, un marketing avec lequel nous n'étions pas tout à fait d'accord. J'estime que William ne brise pas la loi en jouant les Robin, il va au contraire l’appliquer peut-être même mieux qu’en jouant les shérifs où il doit se dissimuler. C’est ça qui est intéressant, il représente la justice et il va décider de la rendre de manière différente, par d’autres biais. Le parallèle avec Batman est quand même là avec la cagoule, tout ça, on est dans le même état d’esprit, Nottingham/Gotham on n’en est pas loin du tout.

E.H. : On me l’a déjà fait. C’est vrai qu’on a aussi un peu le coté « super héros » collé à la peau.

V.B. : Les deux sont similaires dans le sens où Batman est avant tout un justicier à l’instar de Robin.

Le témoin de ce tiraillement, la narratrice de l’histoire, c’est Marianne...

V.B. : C’est né d’une contrainte. Il y avait historiquement énormément de choses à placer. Pourquoi ne pas le faire sous forme de dialogues entre Marianne et Scarlett qui s’envoient des pitchs ? Ça rend les choses beaucoup plus dynamiques, plus intéressantes. Le fait que Scarlett s’emmêle les pinceaux et change les noms montre qu’au fond ce n’est pas important, ce sont juste des titres et qu’il faut juste voir la situation comme elle est. C’est une façon de dire au lecteur qu’il n’y a pas besoin de comprendre toute la géopolitique de l’époque, il suffit juste de suivre les petits fils que l’on vous met.

E.H. : Et Scarlett n’est pas née de la dernière pluie…

V.B. : Voilà, elle le fait avec son petit coté « populaire », vu du coté du peuple dans le sens « on nous prend pour des débiles mais on sait très bien les enjeux qu’il y a ». Le fait d’en faire un dialogue était très important. Faire de Marianne le témoin de cette transformation, c’est venu assez vite parce qu’on ne voulait surtout pas un narrateur objectif. Nous voulions le plus de subjectivité possible et c’est intéressant parce qu'elle-même se fourvoie sur plein de choses. Par exemple, elle va détester Oddard qu'on essaye de présenter comme le gentil « Sergent Garcia ». Nous trouvions intéressant d’avoir un narrateur qui soit totalement partisan. Le fait que Scarlett la titille un peu là-dessus c'était aussi pour lui montrer qu’elle a de grands principes mais que parfois elle se trompe. C’est aussi dû à cette contrainte que nous avions, d’expliquer énormément de choses d’un point de vue politique de l’époque et le fait qu’on avait 54 pages. En 16 pages on fait de l’action et on présente plein de trucs.

Ces 16 pages mêlent trois trames narratives : le dialogue entre Scarlett et Marianne, la course poursuite de Robin et le flashback de la rencontre entre Marianne et William… Comment avez vous travaillé sur ce chevauchement ?

E.H. : Si je me souviens bien on a d’abord fait les dialogues et on a découpé ensuite.

V.B. : C’est surtout que nous nous sommes dit que ça n’allait pas rentrer mais que Benoît allait se démerder (rires)… Le vrai truc, c’est que nous avions fait un premier découpage de l’album et nous nous étions rendus compte que sans intégrer les trois les uns dans les autres on arrivait à la page 24 voire 28 au lieu de la 16 actuelle. Ça nous bouffait une bonne moitié de l’album, c'était beaucoup trop de temps pour la mise en place, il fallait dynamiser tout ça. On s’est dit qu’il fallait vraiment faire des retours. Encore une fois, c’est né de la contrainte du nombre de pages. Il fallait tout lier pour que ça avance le plus vite possible, que ça dynamise une grande scène de dialogues, ça marche mieux avec une scène de combat autour. Il y avait cette idée de gagner du temps…

E.H. : On a perdu beaucoup de temps à l’écrire parallèlement…

V.B. : Si on voulait tout rentrer et laisser tout de même la part belle au braquage ou autre, il fallait aller le plus vite possible à l’essentiel et là nous avons été magnifiquement secondés par Benoît qui a su relever ce défi. Il fallait que l’on amène des choses un peu neuves et l’idée c’est que chaque flashback aurait un peu sa construction spécifique, il a relevé le défi de main de maître.

Commencer un récit par un dialogue, c’est une sacrée prise de risque !

V.B. : Mathias nous l’a dit dès le départ.

Le travail sur ce dialogue a-t-il été particulièrement difficile ? 

E.H. : Paradoxalement, en voulant gagner du temps en pages et donc gagner de la place, nous avons perdu beaucoup de temps en écriture. C'est la partie qui nous a pris le plus de temps.

V.B. : C’est la seule fois où l’on s’est disputés avec Mathias parce qu’il est revenu vers nous en nous demandant si nous n’avions pas peur que le dialogue soit un peu long. Je lui ai dit qu’il avait le droit de nous dire qu'il était mauvais, qu'il marche bien ou pas, mais pas qu'il est trop long. J’avais avancé comme argument que dans un film, on peut mettre trente minutes de dialogue de Tarantino et ça passe très bien mais parfois ça peut être mal écrit, mal torché, et on a l’impression qu’un dialogue de deux minutes dure une plombe. On s’était donc dit que si c'était bien écrit, si c'était vif, s’il y avait du répondant, de la dispute, ça passera. C’est pour ça que le rôle du dialogue entre Scarlett et Marianne est important. Pour le moment, avec les échos qu’on en a, je pense que ça passe. C'était un pari, oui, mais c'était le seul moyen d’avancer le plus rapidement possible dans l’album. Le problème que l’on a avec les premiers tomes, c’est qu’on a souvent l’impression que c’est trop peu et nous ne voulions pas que les lecteurs aient ce sentiment.

Derrière ce dialogue, il y a un sentiment de passage de flambeau entre une femme en fin de vie et une jeune aventurière qui doit encore faire ses preuves...

V.B. : Il y a un peu de ça.

E.H. : Il y a des aspects auxquels nous n’avons pas forcément pensé mais, en y réfléchissant après, il y a pas mal de choses en sous texte. C’est vrai que ça fait écho à pas mal de thèmes actuels tels que le pouvoir, la place de la femme... Ce sont les personnages en prenant vie dans l’histoire qui révèlent ce genre de thème… Dire qu’on y avait pensé de A à Z, ce serait mentir.

V.B. : Je trouve que ça prend écho pour ce que l’on est en train d’écrire dans le tome 3 et la scène que Benoît vient de dessiner pour le tome 2 où ils se disputent au feu de camp. En fait, Scarlett choisit Marianne parce qu’elle estime que les autres sont vraiment trop nuls pour prendre la suite. On le voit un peu plus lorsqu’elle parle à son fils. Elle estime que tous les autres sont comme des enfants qui ne peuvent pas prendre leurs responsabilités. Il y a une part de castration par rapport à son propre fils. Donc oui, il y a une thématique là-dessus, on veut montrer une femme forte, montrer que c’est un matriarcat. On veut voir où nous amènent les filles quand on suit un personnage comme Scarlett, une vieille dame qui s’en laisse pas conter, et que ça peut aussi être négatif. On le verra avec son fils qui va prendre plus d’importance dans les tomes suivants. On tire des fils, il y en a de plus intéressants que d’autres et je sais qu’à la fin de ce cycle 3 on ne les aura pas tous tirés. Vu qu’on travaille en binôme, il y a des fois où l’un rebondit sur un autre truc et on se dit que ça pourrait être sympa, il arrive même que parfois cela vienne de Mathias ou Benoît de faire remarquer que l’on pourrait appuyer sur telle chose. Mathias peut nous dire « tu n’as pas peur que…? » Et ça nous fait réfléchir. On a un plan sur le cycle, on sait où on va, mais on se laisse carrément la liberté de pouvoir tirer sur telle ou telle ficelle pour pouvoir y aller. Justement, la relation entre Marianne et Scarlett en fait partie. Ça permet également de garder des surprises pour nous pendant l’écriture mais aussi, en fonction des retours des lecteurs, d’orienter, de réagir, par rapport à ce qu’on aura entendu, des choses que nous n’aurons pas forcément vues. Ça peut modifier notre façon de voir les choses pour les creuser et les approfondir.


Marianne tient son rôle dans le fait qu’elle a un aspect plus humain ?

V.B. : Évidemment, Scarlett n'accepte finalement pas en connaissant les explications géopolitiques et juridiques mais c’est plutôt une fois que Marianne s’est dévoilée. Scarlett joue là-dessus, c’est un peu la marâtre, qui voit les choses là où les autres ne le voient pas et qui joue sur les sentiments. Il y a une part de ça et c’est ce que nous voulions donner un peu avec l’aspect « vieille sorcière ». C'était surtout une façon de pouvoir parler de la relation entre William et Marianne sans passer par une scène romantique. On sait qu’il y a quelque chose mais on ne le dit à aucun moment.

E.H. : Il y aussi cette tension sexuelle qu’on ne dévoile pas forcément…

La vraie personnalité d'Oddard est dévoilée en seulement trois cases, presque muettes...

V.B. : On y tenait à cette scène. Oddard est le seul personnage qui ne soit que de nous, il n’existe dans aucune légende de Robin des Bois. Nous avons pris un nom très moyenâgeux exprès. Nous avons cherché dans tous les patronymes de l’époque et nous nous sommes dit que celui-ci était bien moche et nous l’avons donc choisi. C’est littéralement notre « Sergent Garcia ». C’est venu d’une discussion où on se disait que dans les Robin des Bois, les gardes du shérif s’en prennent plein la poire, ils meurent tous, sauf que ce sont des types qui sont élevés dans la population, ce sont des pères de famille. On savait très bien que William allait être confronté à ça. En tant que Robin des Bois, il affronte ses propres hommes. Oddard est important de par sa propre existence, il représente les gardes du shérif, on ne pouvait pas se permettre de tous les présenter, il doit donc être le témoin de ces gens-là. Comme on réhabilite le shérif, on voulait montrer ça. Le shérif est un noble, c’est quelqu'un qui est au-dessus de la population, il ne peut pas se mélanger. Historiquement, il est dans une classe supérieure et on a besoin d'Oddard pour faire le lien. On vient d’ailleurs de storyboarder une scène dans laquelle Oddard s’adresse à William en lui expliquant qu’il est seigneur et qu’il y a des choses qu’il peut dire et d’autres pas. Il est un peu le pendant de Scarlett mais du coté légal. C’est bien d’avoir le point de vue de Marianne qui sait et qui dit beaucoup de choses mais ça permet de faire parler William qui est un taiseux.

Ce qui est étonnant pour un album de 54 planches c’est le nombre d’ambiances différentes : de la pluie, de la neige, du soleil, nuit comme jour... Un vrai terrain de jeux pour un dessinateur ? 

B.D. : C’est moins usant parce que faire un album complet sous la neige c’est particulièrement lassant. Ça permet de varier et surtout, en terme d’encrage, je peux m’amuser beaucoup plus. Si c’est toujours plein ciel, les masses de noir et les ambiances dramatiques ne sont pas terrible à jouer alors que quand on voit la scène où le braquage débute en pleine nuit, j’ai pu y aller avec les petites bougies, les petites lumières à droite à gauche, vraiment comme je voulais. D’ailleurs, personne ne m’a dit qu’il y avait trop de noir, ils m’ont dit de continuer. J’ai vraiment pu me faire plaisir et varier. La chance, c’est que j’ai pris contact avec Denis (Béchu, coloriste de l’album, NDLR) avec qui je voulais travailler et ça a matché de suite. Il a rajouté des choses au fur et à mesure. J’ai pu échanger avec lui, j’ai juste donné les directions et après il s’est éclaté. Au final nous sommes très contents de l’album, c’est bonus.

En regardant la couverture, on se rend compte que le costume est le personnage principale bien plus que celui qui le porte...

B.D. : Typiquement on représente LE personnage de Robin des Bois.

V.B. : C’est carrément notre volonté. Disons que nous n’avons pas la même conception d’une couv’ avec Le Lombard. L'éditeur veut en dire le plus possible tandis que j’ai toujours cru qu’une couv’ devait en dire le moins possible même si je comprends qu'ils ont envie de vendre… À partir de là, difficile de pouvoir s’entendre. Benoît à fait des propositions et ça a été très long pour se mettre d’accord. 

Trois tomes prévus en deux ans, c’est du rapide !

E.H. : C’est le travail de Benoît !!

V.B. : Même nous, nous ne savons pas si nous serons à l’heure !

B.D. : Ne t’inquiète pas !

Tout est déjà écrit ?

V.B. : Non, à cause de vous d’ailleurs ! (L'entretien a été enregistré pendant une réunion de travail des auteurs, NDLR) On aurait dû avancer sur le 3 qui est en cours d’écriture. On a de la marge car il n’y a seulement que le storyboard du tome 2.

B.D. : Ça sera fini aux alentours du 10 février et j’ai hâte de terminer.

V.B. : On aura terminé d’écrire le tome 3 fin février je pense. Parce qu’on a envie de passer à autre chose aussi et qu'on a d’autres ambitions et d’autres envies. On veut conclure, le tome 3 sera fini à temps. Ça va faire un mois qu'on y est. On a fait une très bonne scène d'introduction dans le premier et on veut faire encore mieux pour celui-ci. On sait désormais qu'avec Benoît on trouvera toujours les solutions pour que ça colle. Le Lombard a prévu en amont la sortie pour que ça puisse convenir aux plannings de chacun. 

Le cycle 2 est déjà signé ?

V.B. : Pas du tout ! Il va dépendre de ce qu’il va se passer dans les deux-trois prochains mois.

E.H. : Il faut dire aux lecteurs qu’ils auront quand même leurs trois albums…

V.B. : C’est clair qu’ils sortiront.

E.H. : Oui, ils peuvent foncer en librairie !

V.B. : Ça c’est le bonheur d’être chez Le Lombard, je leur ai un peu tiré dans les pattes, mais quand ils signent, ils signent par groupe d’albums, c’est un gros avantage sur lequel on se repose et là on sent vraiment qu’ils ont de l’ambition pour cette série, ça fait vraiment plaisir.

Comment avez-vous abordé la planche 17 ?

B.D. : J’ai utilisé plusieurs techniques. Sur la case centrale, c’est de l’encre de Chine. À coté, c’est crayon et fusain. À coté encore, j’ai scanné en mi-teinte que j’ai recomposé sur photoshop en les superposant et par dessus j’ai mis du blanc directement avec photoshop pour les lumières afin d’opposer le blanc et le noir. Dès que j’ai vu la scène, j’ai eu l’idée immédiatement pour les flashbacks. Vincent et Emmanuel d'on-dit oui de suite. Je me suis servi du blanc dans chaque image pour refaire sortir ce qui était essentiel. Si vous prenez la dernière où William s’en va, tout le tour est positionné pour faire ressortir Marianne en opposition à William. La case d’avant c’est pareil, la lumière me permet juste de faire ressortir les personnages. 

V.B. : C’est justement ce genre de choses qui fait qu’on est en train de faire une super scène d’intro dans le tome 3. On se dit qu’on a les moyens, que Benoît sait réagir pour bien différencier les flashbacks, pour que le lecteur ne soit pas perdu. C’est vrai que ce n’était pas simple et pourtant on y arrive bien dans ce tome 1… On s’amuse.

Une idée de la date de sortie du tome 2 ?

B.D. : Si ça ne change pas, ce sera janvier 2022 et le 3 en octobre 2022. D’habitude, les sorties sont proches entre le 1 et le 2 et nous faisons l’inverse. 

V.B. : D’ici là on aura signé le cycle 2 et on aura le premier tome du cycle 2 en 2023 (rires) !!!

Un mois de Janvier sans Angoulême, ça vous fait quoi ?

V.B. : Je n’ai jamais habité aussi près d’Angoulême et depuis ça n’existe plus ! 

C’est le coté « chat noir » ! Après l’incendie de Notre Dame…

V.B. : C’est vrai que je commence à me poser des questions ! 

E.H. : Tu débarques dans le Limousin et Angoulême ne se fait plus…

V.B. : Doit y avoir un truc en effet, il faudrait que je regarde…

Si les corbeaux se mettent à voler à l’envers on viendra vous voir ?

V.B. : C’est ça ! Angoulême n’a jamais été le meilleur festival que l’on pouvait faire, j’avoue que j’ai beaucoup plus regretté Saint Malo, c’est le petit moment bien sympathique qui m’a manqué cette année. Après, j’avoue que j’ai eu huit semaines de dédicaces sur onze sur la deuxième moitié de l’année 2019. J'en suis sorti sur les rotules, c'était beaucoup trop. Avec mon collègue Ronan Toulhoat on a eu beaucoup trop de rendez-vous d'autant que je venais de déménager dans le Limousin et que j’avais parfois 6-7 heures de train pour faire le trajet… Je dois avouer que le COVID est arrivé au bon moment parce que j’en avais plein les bottes pour être poli. Là, ça commence à me manquer un peu.

B.D. : En 2019, j’ai fait trois albums, trente-six dates en six mois, les six premiers mois de l’année. Ça allait mais je me suis rendu compte que j’ai perdu deux mois de boulot sur six mois. Nottingham, en tout cas, c’est du plaisir du matin jusqu'au soir. C’est un vrai régal, du coup, forcément, ça vient naturellement. Quand ça coince, je me pose deux-trois questions auxquelles je réponds dans la journée, j’échange, je fais une modification le lendemain… Je m’éclate et je profite.

V.B. : Tu te rends compte Manu ? On rend les gens heureux !!! Et dès le début ! 

E.H. : Par contre pour répondre à la question de la dédicace, la question elle est vite répondue, moi j’en fais aucune (rires). Je pensais aller avec vous à Saint-Malo, vous m’avez vendu du rêve…



Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade

Bibliographie sélective

Nottingham
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La cagoule, un fascisme à la française
1. Bouc émissaire

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Serpent Dieu
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