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« J'ai fait ce bouquin pour que les gens comprennent pourquoi ils fument »

Entretien avec Pierre Boisserie et Stéphane Brangier

Propos recueillis par L. Gianati et S. Farinaud Interview 08/06/2019 à 18:18 5850 visiteurs

"La cigarette est ma meilleure amie". Qui n'a pas déjà au moins entendu une fois cette phrase au sein de son entourage ? À la lecture de ce remarquable ouvrage réalisé par Pierre Boisserie et Stéphane Brangier nul doute que ceux qui l'ont prononcée réfléchiront désormais à deux fois. On croyait tout connaître de l'industrie du tabac et de ses exactions commises depuis le début du 20ème siècle. Ce que révèlent, preuves à l'appui, les deux auteurs dépasse tout ce qu'on pouvait imaginer. Cigarettes est plus qu'un album indispensable, il devrait être remboursé par la Sécurité Sociale. 

Pourquoi réaliser cet album en 2019 ? Aviez-vous envie d’arrêter de fumer ?

Pierre Boisserie : Pour arrêter de fumer, il aurait fallu que je commence. Tout est parti d’un article de l’Huffington Post sur un bouquin de Robert Proctor intitulé Golden Holocaust. Je venais de lire cet article quand je suis venu chez Dargaud. En discutant avec Philippe Ostermann, le DG de l’époque qui venait de se remettre à fumer, il m’a convaincu que ce pouvait être un super sujet qui valait la peine d’être creusé. Je me suis donc procuré le bouquin de Robert Proctor et me suis mis à gratter, relever des sources… 

C’est un sujet qui a été rarement abordé en bande dessinée…

P.B. : …et même rarement abordé dans des publications accessibles au public dans le sens large du terme. Il y a eu pas mal de bouquins universitaires mais peu de livres en vente dans le commerce. Il y a bien eu un ouvrage du Professeur Dubois au début des années 2000 mais sinon pas grand chose en France traitant de l’industrie de la cigarette. 

Pourquoi selon vous ?

P.B. : Les informations ne sont plus cachées depuis un petit moment maintenant. Cela vient peut-être d’une certaine frilosité éditoriale… Le paradoxe ici c’est que c’est un éditeur qui a recommencé à fumer qui m’a donné son feu vert. (sourire) 

Les recherches d’informations sont-elles similaires à celles que vous avez pu faire sur Agents du Mossad ?

P.B. : Complètement. Pour Agents du Mossad, on a travaillé tout le fond de l’histoire avec les agents d’Israël, le Mossad… Même quand je travaillais sur La Banque, également avec Stéphane qui a participé sur deux tomes, il y a eu également un gros travail de documentation en amont pour avoir une base de construction au récit. Mais je n’ai jamais eu autant de boulot de recherches documentaires que pour Cigarettes. J’avais conscience que ce que faisait l’industrie du tabac n’était pas très réjouissant mais pas à ce point là. Parfois j’appelais Stéphane en lui disant : « J’en peux plus, c’est sidérant ! ». (sourire) On sait que les grands capitalistes ne sont pas des enfants de choeur mais on peut apparenter ce qu’il se passe à un crime contre l’humanité. 

Toutes les informations sont-elles libres d’accès ?

P.B. : Oui bien sûr. Tout a été jugé aux Etats-Unis et dans d’autres pays. On a obligé les industriels du tabac à rendre publiques toutes leurs informations et les documents internes. Cela constitue des millions et des millions de pages. Ils ont essayé de noyer les universitaires sous des masses de documents en espérant qu’ils ne pourraient pas s’atteler à la tâche. Manque de bol pour eux, c’est le moment où a commencé la possibilité de recherche par mot clé dans les documents informatiques. Ce sont justement les équipes de Robert Proctor et de Stanton Glantz, auteur de The Cigarette Papers, qui ont travaillé là-dessus. Elles ont pu faire un tri et accéder assez rapidement aux informations qu’elles voulaient avoir. 

Le choix de Stéphane s’est-il fait rapidement ?

P.B. : Comme si j’avais eu le choix… (rires) Que dire de notre association… On aurait du mal à travailler l’un sans l’autre. À chaque fois que j’ai un nouveau sujet, je lui en parle et c’est lui qui choisit ce qu’il a envie de faire. 

Stéphane Brangier : Ce qui m’intéressait, c’était l’angle abordé pour ce bouquin avec ce personnage dénué de complexes et qui balance à la première personne et au premier degré ses vérités. Il est d’un cynisme incroyable et c’est ça que je trouve intéressant. Il y a une différence entre ce qu’on a fait sur Agents du Mossad et La Banque et sur Cigarettes. Pour les deux premiers, la documentation sert de support pour construire une fiction. Pour Cigarettes, le sujet est le fond, l’album est un vrai documentaire. D’où le surplus de travail car il faut sans cesse alimenter le récit tout en faisant également un tri. Il fallait trouver un angle pour que ce soit fun à lire, parfois rigolo, parfois effrayant et non stigmatisant. Ce livre ne s’adresse pas seulement aux fumeurs mais aussi aux non-fumeurs. Si on doit faire un procès, ce n’est certainement pas aux fumeurs qu’il faudrait le faire, mais à ceux qui les manipulent. Le sujet peut paraître lourd et l’idée de ce personnage qui est un vecteur pour raconter l’histoire est une super trouvaille. 

Le fait d’avoir travaillé pour la pub vous a-t-il aidé ?

S.B. : Ça fait longtemps que je ne travaille plus dans ce domaine. En revanche, l’intérêt pour la communication, les visuels, les stratégies de confection d’une image pour qu’elle soit la plus parlante possible, c’est quelque chose qu’on retrouve dans les pubs des cigarettes et ce sont vraiment des cas d’école. C’est intéressant à reproduire mais surtout à remettre en contexte. 

La construction chronologique a-t-elle été une évidence ?

P.B. : Naturellement, des têtes de chapitre se sont détachées assez facilement. Ensuite, pour organiser tout ça et ne pas faire trop de retours en arrière, l’axe chronologique m’a paru le plus adapté. C’est l’histoire du tabac dans un premier temps et de la cigarette dans un deuxième qui explique la mise en place de toutes les techniques de manipulation qui ont été trouvées par l’industrie de la cigarette. Leur problème de base, quand ils ont commencé la fabrication de la cigarette à la fin du 19ème siècle, a été de trouver un moyen de vendre leur production. C’est à ce moment qu’ils ont créé ce besoin, même s’ils n’avaient pas encore pleinement conscience à cette époque des dangers pour la santé. Les premières techniques de marketing ont été inventées par le fameux James Buchanan Duke. L’industrie du Big Tobacco s’est alors organisée d’abord en trust puis en cinq grandes compagnies. C’est le besoin de vendre qui a créé cette nécessité de trouver des moyens de vendre. C’était d’une telle ampleur pour eux qu’il a fallu trouver des techniques innovantes et c’est là qu’ils ont tout inventé. Ils se sont ensuite retrouvés devant un dilemme quand les problèmes de santé sont apparus : reconnaître que le tabac était mauvais pour la santé et que ça faisait cinquante ans qu’ils vendaient un produit qui tuait les gens ou nier complètement en continuant à amasser le maximum de fric. 

Comment ne pas noyer les lecteurs sous un flux ininterrompu d’informations ?

P.B. : L’idée première est de ne pas dépasser une information par case. Sur mes pages de notes, j’avais des tonnes d’informations. Ce qui me prenait le plus de temps était de trouver la manière dont j’allais les agencer tout en donnant un fil conducteur pour que tout coule, l’une entraînant l’autre et ainsi de suite. Une fois que ce travail a été fait, le découpage était beaucoup plus facile. 

S.B. : C’est un travail qui m’a beaucoup fait penser à l’album de Marion Montaigne, Dans la combi de Thomas Pesquet. Il y a aussi dans ce bouquin des informations dans chaque case et on passe très facilement d’une case et d’une page à l’autre. 

Au début du 20ème siècle, les industriels devaient faire face à une contestation d’ordre moral plus que sanitaire…

P.B. : Exactement. Ce n’était pas bien de fumer car il ne s’agissait que de fainéants qui ne voulaient pas travailler. (sourire) Il y a même une époque où plusieurs Etats américains avaient interdit la cigarette non pas pour des raisons de santé mais pour des questions de puritanisme et d’ordre moral. Tout ça a été balayé par la Première Guerre Mondiale quand c’est devenu très tendance d’envoyer des cigarettes aux petits gars qui se battaient dans les tranchées pour leur remonter le moral. 

Avec le personnage de Mister Nico, vous cherchiez un narrateur capable de raconter cette histoire ? 

P.B. : Oui, c’est ça. On cherchait un narrateur qui soit à la fois porte-parole de l’industrie tout en étant détaché. On ne voulait pas d’un représentant légal pratiquant la langue de bois, au contraire. C’est à la fois le mauvais génie de Big Tobacco tout en n’ayant aucune auto-censure. Il balance les choses telles qu’elles sont en donnant parfois son avis ou pas. C’est un personnage qui est venu assez rapidement. Stéphane lui a ensuite créé une entité visuelle pour qu’on puisse le reconnaître très facilement. 

S.B. : Il sont tellement passés maître dans l’art de manipuler la réalité, en niant ou en mentant, que je trouvais intéressant de faire en sorte qu’on ait un personnage qui dise la vérité. 

Comment avez-vous créé graphiquement ce personnage ?

S.B. : Je voulais qu’on puisse le transporter dans n’importe quelle situation, la bande dessinée offrant une liberté de narration fabuleuse. Il se retrouve donc avec Christophe Colomb, dans les différentes époques modernes… Il fallait qu’il échappe au phénomène de modes vestimentaires. Je lui avais même collé au départ des lunettes noires. Sa coupe de cheveux n’est donc pas sujette aux modes. (sourire) Il porte un complet le plus sobre possible. En même temps, il a le parfait profil du type qui fait des présentations avec son tableau excel. 

C’est un peu le Monsieur Propre de l’industrie du tabac…

S.B. : C’est ça. (rires)

Avoir un personnage qui apparaît sur toutes les planches, cela n’entraîne pas une forme de lassitude ou de recherche permanente d’attitudes différentes ? 

S.B. : Ce type d’écriture évite le dessin. Il ne faut pas que ce soit trop bien dessiné. Il n’y a donc pas de contre-plongées, d’effets de mise en scène… Effectivement, c’est toujours très théâtral mais avec le moins de décors possible. Il faut évoquer le maximum et tout le reste passe par l’expressivité. 

P.B. : Ce qui est l’un des points forts de Stéphane. Il parvient à rendre parfaitement les sentiments des personnages qu’il dessine. 

S.B. : Il a fallu aussi trouver des gueules à tous les personnages à qui il s’adresse, y compris des personnages récurrents comme le fumeur standard. D’ailleurs, ce dernier énonce lui aussi ses propres vérités. Cela a représenté un an et demi de boulot et j’ai donc eu le temps d’en parler autour de moi. J’ai entendu des choses comme : « La cigarette, c’est ma meilleure amie ». C’est exactement pour ça que j’ai fait ce bouquin. 

Créer un personnage aussi cynique, c’est jubilatoire pour un scénariste ?

P.B. : J’adore écrire des horreurs. (rires) Je le fais beaucoup dans ma vie privée, donc pour une fois c’était très bien de pouvoir le faire ici et sans filtre. J’avais les infos et je les réinterprétais dans la bouche de Mister Nico avec tout le cynisme et tout le côté cash dont je suis coutumier. Ce qui est très marrant, c’est que beaucoup de gens me disent que j’ai fait ce bouquin pour empêcher les gens de fumer. Ce n’est pas du tout ça. J’ai fait ce bouquin pour qu’ils comprennent pourquoi ils fument. À eux ensuite d’en tirer les conséquences pour leur santé, pour leurs économies et pour l’écologie. 

S.B. : Le thème central de ce bouquin est la liberté. C’est un sujet qui a été martelé par les marketeux de l’industrie du tabac, ce qui est un contresens flagrant. Une fois que l’on commence à fumer, on n’est plus libre. D’une certaine manière, on n’est pas non plus totalement libre même avant de commencer à fumer. En effet, tout l’inconscient collectif est baigné par cette image sexy du mec ou de la femme qui fume. L’idée du bouquin est de dire : « Tu seras libre de choisir, tu as désormais toutes les informations pour faire ce choix. » 

Une statistique présente en fin d’ouvrage est étonnante : seulement 5% des Australiens de moins de 17 ans ont déjà fumé contre 16% en France. Pourquoi un tel écart ?

P.B. : Comme l’explique le professeur Martinet, en Australie, et encore plus en Norvège, on a réussi à dénormaliser l’acte de fumer. Fumer est devenu dans ces pays aussi nocif moralement que de se piquer ou de se bourrer la gueule. Il y a également une grande chance en Australie, celle de n’avoir aucun marché transfrontalier. Ils ont donc mis en place parmi les premiers le paquet neutre et une augmentation très forte des tarifs. La consommation a baissé naturellement. Cela sera beaucoup plus difficile à appliquer en France avec la contrebande et le marché transfrontalier. Il y a beaucoup plus de fronts contre lesquels lutter. Il existe aussi ici une frilosité des politiques qui sont toujours soumis aux lobbies de l’industrie du tabac qui ne fait pas de bruit mais qui est toujours très active. Cela dit, il existe quand même une baisse dans le monde occidental de la consommation de l’ordre de 10% tous les deux ou trois ans. Il y a aujourd’hui en France 16 millions de fumeurs dont 12 millions de façon quotidienne. Les profits de Big Tobacco en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis sont en chute libre mais ils se rattrapent très largement sur les autres continents et sur les autres marchés. Je pense en revanche que l’affaire est plus ou moins pliée dans le monde occidental. L’image du fumeur est de moins en moins considérée dans l’inconscient collectif. Dans les années 80 en France, c’était 60% des lycéens qui sortaient du lycée en fumant, sans parler de l’armée. Aujourd’hui, ce chiffre est passé à 16%. Ceci-dit, il y a encore du boulot à faire. 

D’où est venue l’idée de la double numérotation des pages ?

P.B. : Je me suis aperçu que le chiffre 7 revenait constamment : la nicotine qui met 7 secondes pour monter au cerveau, un mort lié au tabac toutes les 7 secondes… Je me suis rendu compte que le temps de lire une page, 7 personnes étaient décédées à cause du tabac. J’ai donc suggéré de faire une double numérotation et de constater qu’à la fin de la lecture tant de personnes étaient mortes. 

Quels ont été les premiers retours des lecteurs ?

P.B. : Dans mon entourage, beaucoup de gens qui ne lisent pas forcément mes bouquins se sont précipités dessus souvent dans l’optique de l’offrir ou de le faire lire à quelqu’un qui n’arrive pas à arrêter de fumer. Parmi elles, au moins deux personnes m’ont avoué vouloir reconsidérer le fait de continuer à fumer. 

S.B. : C’est d’autant plus flagrant quand ça vient de quelqu’un que tu ne connais pas, ce n’est pas juste de la politesse. Cela concerne aussi beaucoup de parents qui ont des ados qui fument et qui ont du mal à aborder ce problème avec eux. J’ai aussi vu un médecin qui l'a laissé trainer sur la table de sa salle d’attente. 

Justement, c’est un album que vous aimeriez voir dans quel endroit, en dehors des librairies spécialisées ? 

S.B. : Il faut qu’il soit le moins possible chez les librairies, ça voudra dire qu’il s’est bien vendu. (sourire)

P.B. : C’est un bouquin qui a vocation à sortir du rayon BD. Il y a malheureusement le problème de la structure du marché en France qui fait que dans les grandes surfaces culturelles il est impossible de référencer un ouvrage sur deux rayons différents. Dans les faits, il faudrait qu’il soit présenté en BD, en santé, en société… Après, effectivement, le plus on le verra dans les librairies généralistes et dans les cabinets médicaux, le mieux ce sera. On va aussi reprendre contact avec le CNCT (Comité National Contre le Tabagisme, NDLR) pour essayer d’aller toucher la même cible que celle que vise l’industrie du tabac, c’est à dire la jeunesse, avec un discours non pas stigmatisant mais qui déconstruit le mythe et toute sa logorrhée. 

S.B. : Il faut se rappeler que des centaines de millions d’euros ont été dépensés par l’industrie du tabac pour chercher des causes de cancer autres que la cigarette. 

Comment s’est déroulée votre collaboration avec le CNCT ?

P.B. : Ce sont les éditions Dargaud qui l'ont contacté. On souhaitait trouver des partenaires pour avoir une sorte de caution scientifique à ce qu’on racontait. Le CNCT a immédiatement été très emballé et nous a dit que c’était le bouquin dont il rêvait. Les outils de communication ne sont pas faciles à utiliser dans ce domaine et il explore constamment de nouvelles pistes. On lui a tout fait lire, il nous a orientés sur d’autres sujets, fait faire certaines corrections… L’idée est venue de lui demander de faire ce cahier à la fin de l’album avec cette espèce de lexique vrai/faux pour remettre en perspective tout ce qu’on a raconté. 

S.B. : C’était aussi une façon de mettre en perspective le côté positif, notamment dire ce qu’il se passe quand on arrête de fumer. C’est la force du Professeur Martinet de dire les choses vraiment clairement. 

Des vidéos du Professeur Martinet ont également été réalisées…

S.B. : Oui, visible sur Youtube via le site de Dargaud. C’est très intéressant car il ne prend pas de détour. C’est le seul que j’ai entendu dire que la nicotine est bien une drogue dure. C’est bête à dire mais c’est quand même un produit qui est en vente libre. 


Une idée d’une prochaine collaboration ?

P.B. : En sortant de ce bouquin qui a représenté deux ans de travail, on souhaitait se prendre une petite récréation avec une BD d’aventure. C’est un album que je suis vraiment ravi d’avoir terminé. Je me suis longtemps demandé comment j’allais le finir d’ailleurs… Puis ça m’a semblé naturel de renverser la situation et de faire sortir Mister Nico de l’histoire. On est sur deux projets qui ne sont pas encore définitivement arrêtés. Je pense ensuite que l’on va repartir sur le même type de boulot qui découle de Cigarettes et qui aura comme sujet la propagande, particulièrement sur le délicieux Edward Berneys qui a inventé toutes les techniques de marketing et de propagande, la fabrique du consentement et la soumission des masses. Je veux montrer, qu’une fois de plus, nous ne sommes pas libres de grand chose et qu’on se soumet passivement et volontairement avec le sourire et la gueule ouverte au bon vouloir des conseillers en relations publiques. 

S.B. : La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas forcément irrémédiable. 

P.B. : Chacun a son libre arbitre mais il faut qu’on nous ouvre les yeux pour pouvoir faire nos choix. 

Encore un album qui va demander beaucoup de documentation…

P.B. : Oui ! (rires) J’ai déjà commencé. J’ai quasiment enchaîné car finalement ce sujet découle beaucoup de Cigarettes. C’est quand même Edward Berneys qui a trouvé comment faire fumer les femmes. Quand on reprend sa carrière, on a du mal à imaginer tout ce qu’il a pu faire…

S.B. : Il est connu par les spécialistes mais assez méconnu du grand public. 

P.B. : C’était le double neveu de Freud puisque sa mère était la soeur de Freud et son père était le frère de la femme de Freud. On reste donc en famille… (sourire) Il a été le premier à appliquer les techniques de la psychanalyse individuelle de Freud pour la transposer sur la manipulation des masses. 

S.B. : À la fin des années 20, les femmes qui fumaient dans la rue étaient jetées en prison. La moitié de la population n’était donc pas cliente. Edward Berneys y a remédié en sexualisant le geste de fumer chez la femme et en leur instillant l’idée que c’était le moyen de s’affirmer face aux hommes. C’était l’époque des suffragettes et donc parfaitement dans l’air du temps. Tout ça ne sert bien évidemment que des intérêts privés. 

P.B. : Il y a beaucoup d’éléments que j’ai dû mettre de côté, faute de place, par exemple l’histoire des poches sur les chemises qui ont été créées pour y mettre les paquets de cigarettes. Il y aussi l’histoire des cigarettes au menthol. Ces cigarettes ont été inventées pour les populations noires africaines car il fallait "couvrir leurs odeurs corporelles". C’est bien entendu du verbatim d’une note interne. C’est chic, non ? On a décidé de ne pas mettre cette dernière anecdote. 

S.B. : Par ailleurs, le menthol étant aussi un anesthésiant, cela servait aussi à mettre le pied à l’étrier aux nouveaux fumeurs. Cela donnait aussi supposément l’haleine fraîche.


Propos recueillis par L. Gianati et S. Farinaud

Bibliographie sélective

Cigarettes, le dossier sans filtre

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