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« J'aime prendre mon temps pour le dessin »

Entretien avec Alexis Nesme

Propos recueillis par L. Gianati Interview 09/11/2017 à 11:06 7979 visiteurs

Quand on jette un coup d’œil à la file de passionnés qui attendent impatiemment un moment d'échanges - oui, il n'y a pas que les dédicaces - avec Alexis Nesme alors que son dernier ouvrage est sorti il y a tout juste un an, on ne peut s'empêcher de penser qu'il a forcément marqué les esprits de très nombreux lecteurs, petits et grands. En attendant sa version de Mickey, réalisé avec Lewis Trondheim, l'auteur des Enfants du Capitaine Grant revient en détails sur sa petite, mais si précieuse, bibliographie.  


Votre dernier album est sorti il y a tout juste un an et il y a pourtant beaucoup de monde dans la file pour obtenir une dédicace...

Alexis Nesme : Il y a parfois des salons dans lesquels les gens ne m'ont pas vu depuis longtemps. Il y a aussi souvent de nouveaux lecteurs qui découvrent la série.

La sortie de l'intégrale des Enfants du Capitaine Grant à la fin de l'année 2015 a-t-elle permis de renouveler un peu le lectorat ?

A.N. : J'en ai parlé à mon éditeur et, effectivement, les intégrales sont faites pour toucher un nouveau public. Ça ne m'empêche pas de rencontrer d'autres lecteurs qui ont déjà les albums et qui râlent parce que l'intégrale est tellement jolie qu'ils aimeraient bien l'avoir.

Avez-vous lu tous les romans de Jules Verne avant de choisir celui que vous alliez adapter ?


A.N. : Mon parcours a été plus chaotique que ça. Je suis arrivé un peu par hasard dans la collection Ex-Libris chez Delcourt. J'avais proposé une adaptation, avec un ami, de Frankenstein mais la collection était encore en cours de préparation et quelqu'un était déjà en train de réaliser cette adaptation. Delcourt, en voyant mes planches, a quand même eu envie de me faire travailler dans cette collection. Je me suis alors intéressé à d'autres auteurs. Possédant une technique assez lourde faite de couleurs directes, j'avais envie d'un récit qui me fasse utiliser toute ma palette. J'ai tout de suite pensé à Jules Verne et j'ai eu envie de me plonger dans ses romans. Effectivement, il commençait à y avoir deux ou trois d'entre eux qui étaient en cours d'adaptation, les plus connus notamment. Je ne connaissais pas Les Enfants du Capitaine Grant et, dès que je l'ai lu, ça m'a plu tout de suite. L'aventure m'a bien emballé et j'ai aussi trouvé intéressant que le roman soit partagé en trois parties qui possédaient chacune trois conclusions et trois lieux différents. Un premier très porté vers l'aventure dans lequel les personnages sont confrontés aux dangers de la nature, la deuxième partie est plus humaine et la troisième beaucoup plus dure. Ces parties m'ont permis de réaliser trois tomes de façon très naturelle.

À quel moment avez-vous eu l'idée d'utiliser des personnages anthropomorphes ?

A.N. : Dès que j'ai pensé à Jules Verne, j'ai pensé aux animaux. Il possède une écriture très réaliste notamment dans Le Voyage Extraordinaire quand il décrit ce qu'il voit. Il détaille tous les éléments, que ce soit la nature, les montagnes, les gens croisés... Par contre, ses récits sont plus légers et décalés. J'ai utilisé ce décalage en jouant avec un côté animalier. J'avais peut-être aussi en tête les séries animées de ma jeunesse comme Le Tour du Monde en 80 Jours. Quand je l'ai proposé à Delcourt et à Jean-David Morvan, directeur de collection, ce n'est pas tellement bien passé. Ils imaginaient quelque chose de plus sérieux. Ils m'ont donc demandé de faire un essai avec des personnages humains, c'est ce que l'on retrouve dans le cahier graphique de l'intégrale. Les humains étaient plutôt caricaturaux pour conserver ce côté frais de la jeunesse. Finalement, tout le monde a été d'accord pour que je continue avec des animaux.

Tous les animaux ne sont pourtant pas anthropomorphes...


A.N. : (Sourire) J'appelle ça le complexe de Pluto. Depuis Mickey, Dingo et Pluto sont deux chiens mais un seul des deux ressemble à un humain. Quant à Mickey, il va aussi monter sur un cheval et Donald va manger du poulet. Mais c'est vrai que ça devient un peu plus bizarre quand on se trouve dans un registre réaliste. Selon les générations, on est plus ou moins habitués. Je reviens sur la série animée Le tout du monde en 80 jours dans laquelle des animaux tirent des charrettes, chassent... C'est une sorte de code que l'on a appris à intégrer notamment avec Disney.

En revanche, il est hors de question aujourd'hui qu'un personnage de Disney mange de la nourriture animale. Les auteurs des aventures de Mickey chez Glénat s'y sont cassés quelques dents...


A.N. : Oui, alors que dans tous les dessins animés de notre jeunesse il y avait des poulets rôtis sur la table. Maintenant, Lucky Luke a un brin d'herbe dans la bouche et Pat Hibulaire mange de la saucisse végétarienne.

Comment avez-vous réalisé le casting de tous les animaux ?

A.N. : Cela s'est fait plutôt naturellement. Quand j'ai lu Le Capitaine Grant pour la première fois, à chaque description d'un personnage, j'avais déjà un animal en tête. Il y a bien évidemment des animaux que j'avais envie de dessiner. C'est beaucoup plus intéressant de dessiner un loup qu'un poisson. Tous les prédateurs ont déjà une palette d'expressions très fournie : un chien ou un félin peuvent montrer la peur, l'énervement ou la gentillesse. J'ai aussi ajouté quelques clins d’œil comme la grenouille pour représenter le seul français de l'équipe, d'autant que c'est un personnage qui est sans cesse en train de s'exclamer, de crier et de rire.

Un personnage qui n'est pas sans rappeler celui de Crapaud dans Le Vent dans les Saules...

A.N. : Oui. Il y a des morphologies animales qui imposent une humeur. Quand on veut un personnage râleur et bougon, on pense à un ours. Quand on voit une grenouille, on a du mal à l'imaginer calme. Avec ses grands yeux et sa grande bouche, on l'imagine plus bruyant que la moyenne. Le Blaireau de Plessix avec son nez tout rond est lui plutôt calme et placide. Il semble d'ailleurs assez vieux, difficile d'imaginer un blaireau jeune. Alors que le renard, par exemple, comme celui que l'on retrouve dans Le Capitaine Grant a un visage fin qui transpire la jeunesse jusqu'à sa mort.

Panganel est un personnage très bavard dans le roman, un peu moins dans la bande dessinée...

A.N. : Le continent américain est un peu plus connu donc un peu moins magique pour le lecteur d'aujourd'hui que pour le lecteur du 19e siècle. De plus, pour les compagnons de route de Paganel, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont aussi des lieux plus impressionnants que les autres. Paganel s'exalte de ça, mais il est vrai que la flore et la faune de ces deux pays n'ont rien à voir avec ce que l'on pouvait connaître par ailleurs. J'ai aussi eu beaucoup de mal à faire rentrer la première partie du roman dans un seul tome. Il arrive aux héros beaucoup de choses alors que dans les autres parties, il s'agit beaucoup plus de rapports humains et d'aventures. J'ai donc dû vraiment couper en début de récit dans tout ce qui était histoire et géographie. Cette envie de Jules Verne de raconter aux jeunes européens comment est le monde du côté des tropiques est vraiment l'essence de ce roman. Il est vrai que ce qui était magique à l'époque l'est beaucoup moins maintenant.

On a la sensation que le cheminement est plus important que le but de la quête qui se joue finalement en quelques planches...

A.N. : C'est effectivement un prétexte pour faire un tour du monde et décrire tous ces pays traversés. C'est aussi un retour de scénario intéressant : à partir du deuxième tome, l'équipage est perdu, le bateau également et des amis ont disparu. Du coup, les héros sont dans un tel état de désespoir que la quête est devenue secondaire. Il ne reste plus que Paganel qui l'a conservée dans un coin de sa tête. La résolution, malgré tout ça, est donc vraiment intéressante.

Une résolution qui doit beaucoup plus au hasard qu'aux recherches scientifiques omniprésentes en début de récit...

A.N. : (Sourire) Oui, et en même temps, cela participe beaucoup au récit. Au départ, on fait beaucoup appel à la géographie et toutes les pistes explorées se révèlent fausses. Du coup, cette montée du désespoir et de l'angoisse assombrit beaucoup le récit dans le deuxième tome. Le fait de trouver sur ce 37ème parallèle, qu'ils suivent depuis le début, le but de leur quête est à la fois un peu magique et improbable. Ça l'est d'autant plus que la fameuse île où le Capitaine Grant est retrouvé est en fait véritablement considérée comme une île fantôme qui n'existe plus de nos jours.

Des enluminures ornent les couverture des Enfants du Capitaine Grant...

A.N. : Pour Les Enfants du Capitaine Grant, je souhaitais coller avec tout l'univers du 19e avec beaucoup de choses baroques présentes dans les dessins, l'architecture... Il y avait aussi beaucoup d'enluminures autour des cartes, parfois autour de pavés de textes. La couverture est vraiment un clin d’œil aux éditions Hetzel, notamment les rouges. D'ailleurs, Jules Verne est l'un des seuls auteurs anciens dont on connaît les livres originaux.

Votre dessin a-t-il évolué entre les trois tomes ?

A.N. : Un peu, oui. Il y a tout d'abord les personnages qui ont évolué, puisqu'à force de les faire, on ne les dessine plus de la même façon. Je me suis d'ailleurs rendu compte que même en ne les ayant plus dessinés depuis longtemps, ils ont changé quand j'en réalise en séance de dédicaces. Le plus flagrant étant Paganel qui change pas mal de tête. (sourire) Pour le premier tome, plus humoristique, j'ai mis des couleurs très vives qu'on peut remarquer par exemple sur le bleu de la mer. Et plus l'histoire avance, moins les couleurs sont saturées et virent plutôt dans des registres sombres. Dans le dernier tome, en Nouvelle-Zélande, j'ai essayé de retranscrire dans les images la dureté du récit.

Vous êtes-vous rendu dans certains pays traversés par les héros ?


A.N. : (Rires) Non. Évidemment, la lecture du roman donne forcément envie d'y aller, notamment en Nouvelle-Zélande dont on connaît maintenant la beauté de certains paysages grâce à un cinéaste... D'un autre côté, mon but n'était pas d'aller vers quelque chose de très réaliste. J'ai préféré m'inspirer des descriptions de Jules Verne que de documents photographiques trouvés sur internet. Si, par exemple, Jules Verne écrit qu'il y a des rochers abrupts avec une végétation coulante, j'essaie de trouver de la doc sur ce type de rochers plutôt qu'une photo de Nouvelle-Zélande. Je voulais donc réaliser quelque chose de plus onirique que réaliste, ce qui se voit notamment dans les bateaux.

Des enluminures ornent aussi la couverture du Maître des Tapis....

A.N. : (Rires) Oui, je vais peut-être décider d'en faire pour tous mes albums. Comme pour Les Enfants du Capitaine Grant, je ne l'ai pas fait gratuitement. On est dans un conte, dans un univers un peu magique. J'aime beaucoup Bilibine et d'autres illustrateurs russes qui réalisent aussi des enluminures. Je trouvais intéressant d'avoir en couverture quelque chose de très travaillé.

Comment vous a-t-on proposé de dessiner Le Maître des Tapis ?

A.N. : Ce que j'ai adoré chez Jules Verne, c'est de travailler sur un texte qui existait déjà et de m'occuper de toute la mise en scène, les plans, les séquences, les découpages... N'ayant pas d'histoire en tête, je souhaitais donc travailler avec un scénariste qui me laisserait beaucoup de latitudes. J'ai donc rencontré Olivier Bleys qui est plus romancier que scénariste. En discutant, je me suis rendu compte que je pouvais m'entendre avec lui aussi bien sur l'univers que sur la façon de travailler. Quand on s'est vus, on avait des appétences peut-être un peu plus ambitieuses : on a pensé à un récit adulte ou une série. Mais mon éditeur, Grégoire Seguin, m'a proposé cette collection, Les Enfants Gâtés, qu'il souhaitait mettre en place. Le fait d'avoir des grandes pages avec très peu de cases m'a bien plu. J'en ai alors parlé à Olivier qui m'a écrit cette histoire.

Avoir un format aussi grand, c'est finalement plus de libertés ou plus de contraintes ?

A.N. : Je pensais prendre plus de plaisir mais ça n'a pas été le cas. (Rires) Je me suis senti oppressé dans ce format. Dans Les Enfants du Capitaine Grant, j'avais envie de mettre des tonnes de choses et rares étaient les planches qui comportaient moins de dix cases. En même temps, avoir moins de cases, c'est finalement plus compliqué à remplir et il faut travailler presque autant que si l'on avait trois petites cases. Dans Les Enfants du Capitaine Grant, il y avait certaines séquences de mouvement qui devaient rentrer dans de petits espaces où je pouvais me passer de décors. Dans les grandes cases, il y a des décors tout le temps. Du coup, c'était beaucoup moins exaltant que ce que j'espérais.

Le mouvement d'un tapis, c'est un casse-tête à dessiner ?


A.N. : Oui, clairement. Pas forcément sur le fait de faire bouger un tapis mais de dessiner quelqu'un assis, à genoux ou en équilibre dessus. En général, les gens ont plutôt l'image de quelqu'un de calme sur un tapis volant tout droit. (sourire) J'ai donc fait des petits roughs en essayant de trouver quelque chose de dynamique. Le souci avec ma technique, c'est que ce qui est dynamique au crayonné ne l'est plus forcément après y avoir déposé quinze couches de gouache. J'ai beaucoup lutté dans Les Enfants du Capitaine Grant contre cette rigidité qu'apporte la couleur directe. Ma technique n'est pas forcément en cause. Beaucoup de dessinateurs trouvent que leurs crayonnés sont beaucoup plus dynamiques que leurs encrages.

Avez-vous pris du plaisir à concevoir le pop-up ?

A.N. : Quand il a fallu que je commence à y réfléchir, Chloé Cruchaudet avait déjà réalisé le sien pour La Poudre d'Escampette et Olivier Supiot n'avait fait qu'une page de jeux dans Pieter et le Lokken sûrement par manque de temps. (sourire) C'est quelque chose qui fait partie de la collection et chaque auteur décide de ce qu'il fait. J'aime bien réaliser ce genre de choses mais ça demande aussi beaucoup de temps. Il y a énormément d'allers-retours avec le fabricant.

Après Les Enfants du Capitaine Grant et Le Maître des Tapis, vous êtes plutôt catalogué comme auteur jeunesse...

A.N. : Oui, d'autant que je viens vraiment de ce monde. Avec Grant, pourtant, j'avais envie d'en sortir un peu. En ce moment, je travaille sur un Mickey avec Lewis Trondheim qui doit sortir chez Glénat. Bon, ça reste encore jeunesse...

Un Mickey aussi déjanté que celui réalisé avec Kéramidas ?

A.N. : Non, un peu plus calme, même si c'est de toutes façons la marque de fabrique de Lewis.

Écrire votre propre scénario, c'est dans vos projets ?

A.N. : J'y pense... J'ai un univers de dessinateur plutôt restreint. J'aime bien les choses anciennes et prendre mon temps sur le dessin. J'ai trop de boulot par ailleurs pour apprendre l'encrage ou bosser plus vite. Je préfère rester dans mon univers qui, du coup, me limite un peu dans ce que je peux raconter.



Propos recueillis par L. Gianati

Bibliographie sélective

Le maître des tapis

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Les enfants du Capitaine Grant (Nesme)
Intégrale

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Le vent dans les Saules
2. Auto, Crapaud, Blaireau

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Pieter et le Lokken

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La poudre d'Escampette

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Mickey et Cie (collection Disney / Glénat)
2. Mickey's Craziest Adventures

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