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Le rendez-vous d'Enki Bilal

Sortie du 3 tome de la tétralogie du Monstre - Interview

BDGest' (C. Steffan) News 03/05/2006 à 13:12 2806 visiteurs
En reprenant la totalité du fond d'Enki Bilal, (depuis les albums scénarisés par Pierre Christin jusqu'aux premiers tomes de la tétralogie du Monstre, en passant par la trilogie Nikopol), les éditions Casterman ont certainement fait une bonne affaire. Edité dans une douzaine de pays, très apprécié sur le marché asiatique, Enki Bilal est un des rares auteurs qui continuent de suciter l'admiration et l'intérêt de ses lecteurs avec la même ferveur depuis 25 ans.

Premier titre à sortir chez son nouvel éditeur, Rendez-vous à Paris est l'album de toutes les surprises. Tout d'abord, et contrairement à ce qui était initialement prévu, il ne clôt pas la série.

Le sommeil du monstre, qualifiée par son auteur lui-même comme une série très personnelle liée à sa naissance, devient donc une tétralogie comme l'explique Enki Bilal : "le sujet même de la tétralogie du monstre ne pouvait se faire dans un style traditionnel. Cela aurait été trop narratif, une sorte de redondance avec le texte. Or le texte dans le sommeil du monstre est fondateur et nécessite une liberté graphique. En m'embarquant dans ce découpage assez souple, j'ai été amené à envisager un 4e volume devenu nécessaire."

Enki Bilal nous surprend une nouvelle fois avec un album très différent des deux premiers. En choisissant de prolonger la série sur deux tomes au lieu d'un seul, l'auteur change par la même occasion le point de vue du lecteur.
"Dans Rendez-vous à Paris, il y a une rupture assez radicale avec 32 décembre : on bascule dans la folie d'un artiste fou et on quitte la folie des intégristes.
Tout a été dit sur le contexte, sur la violence du monde, sur la folie de la guerre et des hommes dans Le sommeil du monstre ; et tout ce qui suit n'est que la tentative délicate, difficile et aléatoire d'essayer de se retrouver.
En fin de compte, cette histoire est limpide : un orphelin qui se souvient des deux autres et qui décide de les retrouver. Tout le déroulement du 3 et du 4e tome c'est l'intimité de ces personnages qui sont freinés par des éléments qui les dépassent, par les horreurs qu'ils ont pu vivre, ils sont manipulés."

BDGest' : Sur la couverture, le personnage de Nike vous ressemble beaucoup, et en même temps vous avez crée ce personnage de Warhole, à la fois artiste et démiurge. Etes-vous plus Nike ou Warhole?

Enki Bilal : (rire) Je me sens plus Nike car je me sens plus humain qu'inhumain. Je ne peux pas trop parler de Warhole car je vais développer cet aspect du personnage qui, quelque part, est le plus important de ce travail. Je l'aime beaucoup, je commence à m'y attacher sérieusement donc il va forcément finir par faire le bien - je le dis car comme ça je n'aurai pas le choix de me renier (rires). J'ai envie de l'aimer, Warhole, c'est quelqu'un qui joue avec l'infiniment grand (le cosmos, il a quelque chose à voir à mon avis avec Mars) et l'infiniment petit, la technologie, l'origine de la vie. Donc c'est quelqu'un qui ratisse extrêmement large, il est un petit peu l'emblême de ma démarche : je ne peux pas imaginer une histoire qui se passe aujourd'hui avec les références du passé si je n'ai pas les conséquences dans l'avenir.

BDGest' : La vieillesse est un thème assez peu présent dans votre création : vos personnages se détruisent, se mutilent, mais on a l'impression qu'ils ne subissent pas le passage du temps.

Enki Bilal : Si on devait placer la tétralogie dans la durée, je pense qu'elle devrait se dérouler sur 3 / 4 ans...

BDGest' : ...vous ne les montrez pas non plus enfants ...

Enki Bilal :... ça ne me vient pas à l'esprit. Quelque part, le fait d'en faire des orphelins c'est une façon de zapper volontairement leur enfance. Il faudrait peut-être que je m'allonge sur un divan et qu'on continue (rires) mais ce sont des choix clairement assumés. En même temps, vous ne pouvez pas savoir puisque vous n'avez pas lu le quatrième (rires). La vieillesse est présente : le vieux Zoari a quand même 102 ans !

BDGest' : Oui mais on a l'impression qu'il a toujours été vieux, comme si chacun de vos personnages était positionné par rapport à un âge lui correspondant et qui serait immuable.

Enki Bilal : J'ai l'impression que mes personnages n'ont pas d'âge. Là, par exemple Nike a 33 ans ; il fait beaucoup plus physiquement.
Ca ne répond pas à la question de la vieillesse, mais j'ai du mal à dessiner des personnages très jeunes, très lisses. Je n'y crois pas. Mes personnages portent beaucoup plus les stigmates du temps qu'on ne les porte à leur âge. Ca m'absout de traiter la vieillesse, car ils portent en eux le temps, l'expérience.
Un jour quelqu'un m'a dit que tous mes personnages se ressemblent... ce qui n'est pas le cas ! J'ai essayé de dessiner des personnages différents : c'est amusant pour un dessinateur de mettre des physiques différents : gros, gras, maigre, on peut faire beaucoup de choses amusantes... j'ai fait une planche et j'ai arrêté immédiatement car je répugnais d'aller dans le réalisme de manière aussi anecdotique.

BDGest' : qu'est ce qui vous motive dans le cinéma, sachant que dans le BD vous avez une plus grande liberté, étant seul à la réalisation ?

Enki Bilal : Immortel c'était une rencontre avec un producteur. C'était passionnant aussi de travailler avec une liberté totale. C'est aussi impressionnant de se retrouver à la tête d'une entreprise de 400 salariés. Mais il n'est pas question de nouvelle "adaptation". Déjà on a trop tendance à acheter des droits, alors qu'il serait peut-être mieux de donner de l'argent à des scénaristes pour qu'ils développent leur histoire et leur univers. Pour un prochain film, j'irai vers quelque chose d'original.
J'aime profondément le cinéma et cela m'a aussi influencé sur mon travail de dessinateur. je pense que si je n'avais pas fait de cinéma, je n'aurai pas travaillé de cette manière, c'est le cinéma qui m'a donné envie de remettre en cause l'aspect statique de l'encrage.


Un dessin au service des sensations

Ainsi, ce Rendez-vous à Paris est une nouvelle fois dans le ton graphique initié par le dessinateur ces dernières années : mélange d'acrylique, de gouache, et de pastel.
"Il y a eu plusieurs facteurs : d'abord une forme de lassitude du dessin traditionnel, des 3 étapes obligées. Le crayonné, c'est incontournable et c'est un vrai plaisir. Mais l'étape qui m'a toujours posé le plus de problèmes c'est l'encrage : la main se fige, c'est là que tout devient moins souple et qu'on se perd un peu. On entre dans une précision qui ne me convenait plus, je cherchais immédiatement le passage à la couleur qui me permet de jouer avec les matières, c'est là le sens de mon travail pictural. J'ai trouvé facilement la solution : maintenant avec une photocopieuse, vous agrandissez un dessin et vous avez l'encrage qui est tout prêt, vous n'avez plus qu'à peindre."

Le rapport à la réalité

Répugnant à montrer les images de la guerre en ex-Yougoslavie, Enki Bilal lie cependant son futur imaginaire à la réalité du passé récent.
"Quand j'ai raconté la vie d'Amir, tout naturellement je me suis dit qu'il a été gardien de but de football ; parce que je sais à quel point le sport et le football sont au coeur des Balkans. La folie a été annoncée dans les stades par des clubs qui s'affrontaient au-delà du sport et des supporters qui annonçaient la violence à venir. Le nationalisme et l'identité religieuse s'y sont énormément exprimés."

De même sa vision de Paris reflette un constat assez peu encourageant. Même si dans Rendez vous à paris, la ville est à peine esquissée à travers l'utilisation volontaire des poncifs, Paris sera beaucoup plus présente dans la 4e partie en cours de réalisation.
"Ce travail n'est pas une prospection du futur, mais il y a quand même des clins d'oeil. J'ai vraiment l'impression qu'on va vers une muséification de Paris. Qu'elle vieillit en se muséifiant ce qui me déplairait beaucoup. Non seulement Paris, mais la France et l'Europe. C'est un peu le sentiment que j'ai après avoir fait pas mal de voyages sur d'autres continents où l'énergie est utilisée différement.

L'avenir de l'humanité serait-il alors cosmopolite ?
"On peut avoir un "happy end" sans qu'il y ait le poncif "le retour sur la terre". A la limite c'est ce que je dénonce : l'obsession du sol. J'aime cette idée que ces 3 orphelins soient parfaitement à l'aise dans le monde. A la limite c'est peut être ça la solution : déracinons-nous, tous !"
BDGest' (C. Steffan)