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Big Crunch : une série croustillante

Entretien avec Rémi Gourrierec

Propos recueillis par L. Gianati Interview 27/08/2013 à 08:53 10086 visiteurs

Une grande densité narrative au service d'un récit de science-fiction, voilà comment on pourrait qualifier le travail de Rémi Gourrierec sur Big Crunch. Ses multiples références, du manga au comics en passant par le franco-belge ou les séries TV, confèrent à la série une saveur particulière qui occupe désormais une place de choix dans la collection Shampooing des éditions Delcourt. Avis aux amateurs, le deuxième tome vient de paraître.


Comment passe-t-on d’un blog, celui de l’esbroufe, à un album édité chez Delcourt ? Quel a été votre parcours ?


Rémi Gourrierec : J'étais graphiste salarié quand j'ai commencé à me remettre à dessiner avec la montée des blogs BD, il y a quelques années. En-dehors de l'exercice, quasi-imposé à l'époque, des petites BD autobiographiques sur le blog, j'ai commencé à faire des histoires plus longues, de pure fiction. Les retours étaient bons et ça m'amusait plus. Dans le même temps, pas mal de jeunes auteurs autour de moi signaient leurs premières BD, ça m'a décomplexé. Après deux ou trois ans de blog, j'ai osé monter des projets à soumettre aux éditeurs.


Présenter d’emblée à un éditeur une série de six tomes, cela n’a pas été trop difficile pour un jeune auteur ?



R.G. : En fait, j'allais signer Big Crunch avec un autre éditeur au format 48CC mais lui, ne s'engageait que sur un seul tome. Le même week-end, j'ai appris que Lewis Trondheim lançait des séries de « type manga » chez Shampooing (dans la forme) : format poche, grosse pagination, parution rapide. Je rêvais de faire un bouquin comme ça, même si j'avais encore l'impression que je devais me faire confirmer comme auteur par une BD « classique » avant de partir dans ce genre d'aventure... C'était idiot. Du coup, je lui ai envoyé deux projets par mail, trois quarts d'heure après on s'engageait sur six tomes de deux cents pages pour Big Crunch. Ça m'a permis de quitter mon travail avec légèrement moins de pression.


C’est donc la collection Shampooing qui a accueilli Big Crunch, qui aurait pu d’ailleurs trouver sa place également chez Comics Fabric. Lewis Trondheim vous a-t-il accompagné dans l’écriture de ce projet ?


R.G. : Comics Fabric n'existait pas encore à l'époque, la question ne s'est pas posée. Lewis n'aime pas trop s'impliquer sur le scénario, il craint de trop influencer les auteurs. Et vu que je n'aime pas trop ça non plus, on s'est parfaitement entendu. Mais il est très disponible si besoin, du genre à répondre aux mails dans les dix minutes. Quelque part, l'accompagnement dans l'écriture, il l'a fait avant même que j'arrive, en créant les conditions au sein de Shampooing pour qu'une telle série soit envisageable. C'est comme ça qu'il a le plus influencé ma narration. Sans sa vision de directeur de collection, je ne l'aurais pas fait sous cette forme qui m'apparaît pourtant clairement aujourd'hui comme la plus adaptée.


Big Crunch est souvent qualifiée de « BD Fusion », au même titre que Freaks’ Squeele. Vous retrouvez-vous dans cette définition ?


R.G. : Je vois bien une sorte de courant qui pointe, oui, mais je ne savais pas qu'il y avait un petit nom. Nous sommes plusieurs auteurs autour de la trentaine avec une certaine culture commune, plus internationale : entre le comics, le manga et le franco-belge. On peut aussi ajouter les domaines du jeu vidéo, le cinéma ou les séries TV. Nos bouquins sont simplement le résultat de ce dans quoi on baigne. J'imagine qu'il y a aussi une certaine frustration avec les 48 pages classiques et le cadre qu'elles imposent au scénario. Les lecteurs ne s'en rendent pas forcement compte mais faire du 48 pages est un exercice très technique qui ne convient pas à tous les scénaristes. Après, on a rien inventé : Nomad de Morvan, Buchet et Savoia date de 1994 et mélangeait déjà toutes ces influences...

Les premières planches de Big Crunch, présentes sur votre blog, sont en couleur. Pour quelles

raisons avez-vous choisi par la suite le noir et blanc ?

R.G. : Dans l'esprit, ces sept pages couleur était seulement une sorte de teaser. Une note d'intention qui permettrait de lancer la discussion avec l'éditeur. La forme finale, couleur, N&B, nombre de pages était encore à définir en fonction des différents projets éditoriaux. J'avais mes préférences mais autant ne fermer aucune possibilité dès le départ. Finalement, heureusement que c'est en noir et blanc. La couleur est un exercice particulièrement fastidieux pour moi. J'y passe un temps fou sans jamais vraiment savoir si c'est satisfaisant. Colorier les illustrations de couvertures me suffit.


Quelles sont vos références en termes de mangas ?



R.G. : Qui influencent directement mon travail, je dirais : Urasawa (Monster, 20Th Century Boys), Otomo (Akira), Obata (Death Note, Bakuman) et Adachi (Touch).  Mais franchement, c'est un univers tellement riche qu'à la même question hier, je vous aurais donné d'autres noms. Le manga en général, c'est toujours une grosse partie de mes lectures. J'essaie de combler mes lacunes : il y a des choses très fortes dans les classiques. J'ai récemment été emballé par Ashita No Joe et Slam Dunk par exemple.

Des super-héros faillibles… Vous êtes plus Batman que Superman ? (sourire)



R.G. : Oui. D'ailleurs, je crois même n'avoir jamais lu un comics de Superman. J'ai sûrement tort, il faudra que je teste. Bizarrement, les super-héros à l'américaine ne me passionnent pas plus que ça. Dans Big Crunch, le personnage du super-héros, même si on en parle beaucoup, est finalement quasi absent des pages. Avec le recul, la vraie ambition n'est pas créer un super-héros de plus, c'est plutôt d'explorer cette thématique en y cherchant un meilleur équilibre entre les enjeux dramatiques. Afin que les événements forts ne soient pas uniquement des scènes d'action. Que les difficultés de la vie quotidienne puissent être aussi marquantes pour le lecteur qu'une scène de destruction. Mais j'aime bien les deux. Juste une question de dosage.

L’histoire est-elle déjà entièrement écrite ? La découpez-vous au fur et à mesure ?


R.G. : J'ai un synopsis très général de l'ensemble de la série (fin comprise) qui me sert de guide depuis le début du projet. Il y a plusieurs étapes d'écriture, du général au particulier. D'abord le synopsis du tome, assez succint, qui permet d'identifier les moments forts et de structurer les chapitres.  Ensuite, le

synopsis du chapitre pour lister les infos qui doivent y être présentes, définir les ellipses, combiner des séquences... Et finalement j'écris le scénario définitif séquences par séquences sur traitement de texte et parfois directement sur le storyboard. Je crayonne et encre chacune de ses séquences de 4/5 pages avant de passer à la suivante. Comme ça, ça reste amusant à écrire. Le temps du dessin est la concrétisation immédiate d'une scène à peine finie d'écrire. Ça m'enlève cette désagréable impression d'être un ouvrier de la mise en image. Et puis, ça laisse de la place pour intégrer de nouvelles petites idées qui viendront densifier l'univers.


Ce découpage de l’histoire très feuilletonnesque, à la façon « comics », a-t-il été d’emblée une évidence ? Que vous apporte-t-il  par rapport à une narration plus classique ?



R.G. : Mes influences en terme de narration sont surtout du coté des séries TV. C'est là qu'à mon avis, on trouve aujourd'hui le meilleur équilibre entre arcs narratifs à long et court terme, empathie avec les personnages et relance permanente de l'intérêt du spectateur. Donc, mon espoir est qu'on retrouve tout ça dans Big Crunch. Je ne sais pas si c'est mieux ou moins bien qu'une histoire plus compacte, plus efficace. Ça plaira à certains de passer plus de temps à découvrir les persos, d'autre trouveront peut-être ça longuet... De mon coté, c'est ce qui me tient dans une histoire en tout cas.

Vous dites avoir changé plusieurs fois vos méthodes pour l’encrage. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?


R.G. : Ça vaut surtout pour les premiers chapitres du tome un où les changements d'outils se ressentent. Au départ, je fonctionnais avec des stylos plume de calligraphie, au trait gras et avec peu de variations de pleins et déliés. Tout-terrain de l'encrage mais pas très subtil.  Au fur et à mesure, l'assurance dans le dessin aidant, je suis passé à des plumes fines, sensibles qui permettent des traits très fins comme très épais. C'est plus exigeant et, justement, ce supplément de concentration nécessaire m'oblige à ralentir pendant l'encrage. La qualité s'en retrouve améliorée naturellement. Pour les intéressés, ce sont des plumes « G » zebra de chez Deleter, une marque japonaise grand public distribuée dans certaines boutiques françaises.


Quel a été l’accueil du public pour le premier tome de Big Crunch ?



R.G. : De ce que je peux en savoir, très positif. Le premier tome a eu pas mal de coup de cœur de libraires, a gagné le prix spécial du jury aux Utopiales de Nantes, a été conseillé dans des collèges, lycées, bibliothèques, et les critiques sont bonnes, voire enthousiastes... C'est extrêmement motivant, il n'y a pas à se plaindre. Mais il ne faut pas non plus se voiler la face : le premier tome est passé inaperçu auprès de nombreux professionnels et donc auprès de lecteurs potentiels. À cause notamment de la couverture, trop sombre...  J'espère qu'avec ce deuxième tome et les suivants, de nouveaux lecteurs auront envie de découvrir la série.

Les deux premiers tomes de la série devaient paraître dans un laps de temps assez court. Devrons-nous attendre dix-huit mois pour découvrir le troisième ? (sourire)



R.G. : Ça aussi ça n'a pas aidé. J'ai cru que je n'avais pas besoin de bosser à l'extérieur, en atelier, que je

pouvais travailler chez moi. Grosse erreur. J'ai fini le deuxième tome en retournant en atelier, avec une rigueur de travail plus grande et là je continue sur cette lancée. Donc pas de gros délais à craindre pour le troisième tome. Dépasser une année serait un échec, le but est de faire moins.


Certains lecteurs jugent le prix de l’album un peu élevé pour un format souple en noir et blanc, et ce, malgré une pagination importante. Avez-vous eu votre mot à dire sur cet aspect ? Qu’en pensez-vous ?



R.G. : À titre personnel, je trouve toutes les BD trop chères en ce moment, la mienne incluse. C'est un peu basique, ce n'est pas une analyse poussée du marché, mais une analyse poussée de mon compte bancaire. Pour Big Crunch, avec son coté manga, noir et blanc, couverture souple je comprends que certains puissent avoir l'impression que le prix devrait être plus proche de celui des véritables mangas. J'en rêve. Mais c'est impossible en l'état. Ce n'est pas un simple achat de droits à l'étranger sur une série déjà rentabilisée. C'est de la création sur laquelle l'éditeur avance des droits qu'il ne remboursera qu'en cas de gros succès. De petits tirages de quelques milliers d'exemplaires, imprimés en France sur papier de qualité, et sur lesquels, pour l'instant, personne ne sort gagnant financièrement. À mon niveau, tout ce que je peux faire, c'est tenter de prendre cette donnée en compte dès la conception. J'essaie de rester dense dans la narration, d'être de plus en plus généreux sur les dessins, que ça vaille l'argent que le lecteur y met. Au moins, pour l'instant, le ratio prix/temps de lecture n'est pas trop dégueu...
 

Votre rythme de travail vous permet-il de réfléchir à d'autres projets ?


R.G. : Je n'ai pas le temps de dessiner autre chose, ça c'est certain, par contre j'ai toujours envie de raconter d'autres histoires. Je suis en train d'écrire en parallèle un scénario pour un autre dessinateur, de nouveau sur de la grosse pagination. Et si vraiment j'avais une grosse frustration d'auteur, je pourrais toujours me débrouiller pour l'intégrer dans un chapitre de Big Crunch...







Propos recueillis par L. Gianati

Information sur l'album

Big Crunch
2. De nouveaux héros

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