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Entretien avec Manuele Fior

Entrevue du troisième type

Propos recueillis par Laurent Gianati Interview 23/04/2013 à 16:02 9309 visiteurs

"Je me sens vraiment comme un auteur italien vivant en France". Cette touche italienne, Manuele Fior la met au service de récits quasi intimistes qui font des relations humaines le socle de notre société. Des personnages perdus dans l'espace comme ceux de Cinq mille kilomètres par seconde, ou prisonniers de leur époque tels ceux de l'Entrevue, ils cherchent leur voie à travers des histoires toujours touchantes, teintées d'une douce poésie.  

Le jury d’Angoulême vous attribué le fauve d’or en 2011 pour Cinq mille kilomètres par seconde. Qu’est-ce que ce prix a changé pour vous ?

Professionnellement, beaucoup de choses. J’ai publié ce livre chez un petit éditeur, Atrabile. Recevoir des prix m’a fait entrer dans une autre dimension. Cela m’a donné un peu de notoriété et a permis surtout de faire vendre ce livre. J’ai été étonné par l’écho de ce prix en Italie. Certaines portes se sont ouvertes, même là-bas. En France, je pense que c’est grâce à ça que j’ai pu signer chez Futuropolis.

Dans ce livre, vous évoquiez notamment la peur des voyages et le sentiment de ne plus appartenir à aucun endroit. Aujourd’hui, comment vous définiriez-vous ? Un auteur italien vivant en France ?

Je me sens vraiment comme un auteur italien vivant en France. Dans mes bandes dessinées, il y a toujours des références à l’école italienne. Tous les auteurs italiens qui en sont issus, comme Gipi, prolongent un certain type de discours. Même au niveau technique, comme l’utilisation fréquente de la couleur directe, on remarque presqu’au premier coup d’œil la patte italienne.

Quelles sont les spécificités de cette « patte italienne » ?

Contrairement en France où il existe des spécialités liées à la bande dessinée comme scénariste, coloriste, dessinateur…, en Italie les auteurs doivent tout faire et ainsi déborder sur des compétences qui ne sont pas forcément les leurs à l'origine. Cet inconvénient est aussi un avantage car il permet beaucoup d’expérimentations. Il permet de mener la bande dessinée vers de nouvelles directions, telle que celle donnée par Mattotti… Sans ça, il n’y aurait pas eu tout ce développement, cette bande dessinée qui regarde vers la peinture ou le cinéma.

Vous avez l’habitude de dire que vous ne tracez jamais de scénario, que c’est le dessin qui vous suggère de nouvelles idées. Comment avez-vous imaginé concrètement l’histoire de l’Entrevue ?

Tout a commencé avec l’écriture des premières pages. J’avais dans la tête un accident de voiture et JE savais précisément comment j’allais dessiner cette scène. Comme la bande dessinée est un métier très lent, quand je suis arrivé à la page dix, beaucoup d’idées m’avaient déjà traversé la tête autour de ce personnage et de l’ambiance que je souhaitais. J’ai donc choisi de le suivre sans trop savoir au début où je le menais. J’essaie chaque matin de me remettre au travail en sachant que je peux me surprendre moi-même de la direction qui va être prise.

Qui vous a inspiré les personnages de Raniero et de Dora ? On pense notamment à Bill Murray…

(sourire) Je n’avais pas pensé à Bill Murray mais c’est vrai… Les rapports entre un homme âgé et une jeune fille peuvent faire penser à Lost in Translation de Sofia Coppola. À l’époque, je m’intéressais beaucoup à Freud. J’ai aussi un ami qui m’a beaucoup parlé de son travail à l’hôpital. Ce qui m’a fasciné, ce sont les travaux des thérapeutes avec des gens ayant des hallucinations. Des maladies qui font voir des choses à certaines personnes, c’est à la fois dramatique et incroyable.  J’ai essayé de construire mes personnages autour de ce mystère. D’ailleurs, la jeune fille s’appelle Dora, comme la première patiente de Freud. De fait, cette histoire vient d’une multitude de lectures, d’expériences et de rencontres.

La science-fiction n’est qu’un prétexte à l’évocation des sentiments…

Oui et non. J’espère que la fin du livre mène vers de la « vraie » science-fiction. C’est clair que la télépathie ou que les rencontres avec les extra-terrestres sont une métaphore vers un nouveau stade de développement de l’être humain mais aussi évoquent les rapports sociaux à la fois à l’échelle intime et dans un niveau plus global. On peut utiliser la science-fiction pour avoir un regard un peu plus écarté sur le présent. Mais je l’ai aussi utilisée pour essayer de présenter un futur possible, une société qui a évolué. 

Les relations humaines sont-elles intemporelles ? Sont-elles différentes suivant le lieu où l’on se trouve ou l’époque à laquelle on vit ?

J’en suis convaincu. C’est un thème qui m’intéresse et que j’évoque régulièrement dans mes livres, notamment dans Mademoiselle Else. Ce qui m’intéresse, c’est de remarquer combien les sentiments peuvent dépendre du contexte social, culturel et géographique. C’est pour ça aussi que dans l’Entrevue, j’essaie d’imaginer ce que pourraient être l’amour et l’amitié au temps de la télépathie. Sans aller jusqu’à la science-fiction, on s’aperçoit que les générations sont aussi très différentes les unes des autres. Ma grand-mère avait une conception de la famille très différente de celle de mes parents qui ont eux-mêmes des idées différentes des miennes.

L’accident de voiture de Raniero en début de récit, alors que la plupart des véhicules sont automatiques, c’était pour poser d’emblée ce personnage comme un original ?

En fait, je ne voulais pas que le lecteur sache d’emblée que c’était un récit de science-fiction, je souhaitais qu’il le découvre au fur et à mesure. Ensuite, c’est vrai que Raniero est un peu rétro. Comme l’histoire est basée sur cette confrontation entre jeunes et personnes plus âgées, je voulais vraiment montrer que Raniero a du mal à se confronter aux changements sociaux. À travers ce détail technologique, on voit qu’il est encore très attaché au passé.

En fin de compte, qui de Raniero ou de Dora est le plus perdu dans son époque ?

Dora a le privilège de sa jeunesse. Elle embrasse des idéaux qui font un peu écho à ceux de 1968 avec une grosse dose d’utopie et de naïveté. C’est à cause ou grâce à ça que Raniero et Dora ont trouvé un terrain commun pour discuter. Ils sont tous les deux perdus mais aussi à l’écoute l’un de l’autre.

Il est rare de voir un bouquin de SF en noir et blanc. Pourquoi ce parti pris ?

C’est difficile à dire. Ce sont d’abord des motivations esthétiques. On imagine toujours un livre d’une certaine façon plutôt qu’une autre. Quand j’ai commencé à écrire l’Entrevue, j’avais comme image les films de Michelangelo Antonioni, notamment La Nuit et L’Avventura. J’avais surtout été marqué par le côté très intime de ces films tout en ayant une dimension cosmique avec une éclipse. Du coup, le noir et blanc est venu spontanément. Je voulais quelque chose d’assez flou, un peu comme une photo argentique en noir et blanc sur laquelle je n’ai pas de couleur à mettre. (sourire) Je pense aussi que, naturellement, on balance toujours entre l’ombre et la lumière, la nuit et le jour. Dans ce sens-là, le noir et blanc retranscrit parfaitement cette alternance.

On peut voir sur votre site un trailer de l’Entrevue. Imaginez-vous que cet album puisse un jour faire l’objet d’une adaptation au cinéma ou sur petit écran ?

Ce serait un rêve pour moi ! (sourire) Je pense que l’Entrevue est une bande dessinée assez cinématographique. Beaucoup de gens qui l’ont lue me le disent. Pour Cinq mille kilomètres par seconde, j’ai eu des propositions d’adaptation. Le problème, c’est que je ne me sens pas du tout l’âme d’un réalisateur. Je préfère que mes livres restent des beaux livres plutôt qu’ils fassent de mauvais films. Il faudrait que le récit soit transformé tout en conservant son thème et son esprit.

Si, à l’instar de Brecht Evens cette année à Angoulême (La boîte à Gand), on vous proposait d’inviter des auteurs italiens à venir exposer leurs travaux dans le cadre d’une exposition, qui proposeriez-vous ?

J’inviterais sûrement Francesco Cattani, Alessandro Tota et Davide Reviati, auteur d’État de Veille chez Casterman.

Comment se porte la bande dessinée italienne ? Comment êtes-vous perçu là-bas ?

Le marché est beaucoup plus petit qu’en France. Les tirages sont aussi moins importants. Néanmoins, l’éditeur avec lequel je travaille là-bas, Coconino Press, fondé par Igort, a beaucoup ouvert le regard qu’ils ont sur le roman graphique dans les années 2000. On peut donc maintenant trouver nos livres en librairie, ce qui était avant impensable. On ne les trouvait avant qu’en librairies spécialisées et comme elles sont très rares… On a aussi maintenant droit à des critiques ou des coups de cœur dans des journaux comme La Republica. Il y a depuis quinze ans un regain d’engouement pour la bande dessinée. Regain car ce n’est pas la première fois et que l’histoire du 9ème Art en Italie est plein d’alternances, fait de mouvements populaires et d’acceptation par l’élite littéraire comme Umberto Eco et de retombées dans l’oubli. Il y a donc en ce moment un intérêt renouvelé pour ce medium. Mais surtout, ce que je trouve très intéressant, c’est que les jeunes lecteurs commencent à lire de la bande dessinée avec nos livres, ceux édités par Coconino. Ils n’ont aucune autre référence de BD qu’elle soit franco-belge, américaine ou japonaise. Cet équilibre est toujours très fragile, surtout pour un jeune auteur qui veut se lancer, mais le chemin est désormais tracé. 

Quels sont vos projets ?

Futuropolis a signé une collaboration avec le musée d’Orsay comme ils l’avaient déjà fait avec le musée du Louvre. Je suis en train de réfléchir à une idée sur ce thème. J’ai un autre projet que je consacre à mon premier éditeur, Atrabile. C’est encore très flou. Je veux faire une bande dessinée qui prenne un peu de distance par rapport au roman graphique. Je veux retourner à un format plus compact, une quarantaine de pages. C’est vraiment l’idée du livre qui m’intéresse. Il manque encore la substance. 




Propos recueillis par Laurent Gianati

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