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Didier Comès

Entrée en matière 2/3

Fabrice Mayaud Webzine 13/02/2013 à 17:54 16605 visiteurs
C’est avec Silence que le nom de Comès commence à faire du bruit. Conçu en noir et blanc, avec un trait plus lâché et parfois plus suggestif, cet album se démarque par une grande liberté graphique, comme si l’auteur expérimentait de nouvelles techniques. L’unité de l’ensemble n’en pâtit pas le moins du monde. Bien au contraire, l’évolution graphique est en totale harmonie avec l’histoire contée et son lent glissement vers une certaine folie. Ainsi, Silence marque l’apparition des aplats d'un noir profond qui domineront plus tard les planches de La belette et d’Eva.

À l’époque, l’univers de prédilection de Comès n’est pas plus connu que l'auteur lui-même. Cela ne l’empêche pas de planter avec une remarquable économie de moyens une atmosphère ambivalente qui hante littéralement les lieux où il plonge son lecteur, et de camper la nature de ceux qui y errent. L’ouverture est aussi bucolique que déconcertante, tout du moins pour un être sensé - notion relativement triturée dans l’œuvre de Comès.

Entrée en scène de Silence, le personnage principal : ses traits sont plutôt durs et ses petits yeux ont quelque chose d’indicible qui met d’emblée mal à l’aise. Une vipère l’approche, il ne tremble pas et c’est davantage lui qui semble charmer le serpent que l’inverse. En contraste avec cette scène singulière, la dernière case de la planche contient un message d’une naïveté confondante : « je m’appel silence é je sui genti ». Non moins naïve est la planche qui suit et présente le paisible petit village ardennais qui sera le théâtre des événements à venir. Non moins inquiétante aussi, avec sa dernière case, également porteuse d’un message : une chouette clouée sur une porte. Bienvenue à Beausonge, terre de petitesse et de sorcellerie.

Si l’atmosphère est immédiatement posée, Comès prend ensuite le temps nécessaire afin de mettre en ordre de marche les éléments du drame : Silence, l’idiot du village, attrape coup sur coup deux maladies, "lamour" et "la hène". Même s’il ne saisit pas précisément le sens de la "hène", "lamour" éclaire son chemin et guide ses pas, lui ouvre les yeux sur les horreurs du passé et fait de lui le bras armé de la vengeance. Le récit peut alors tranquillement dégénérer dans une douce et violente folie, faite de poésie et d’incongruités qu’affectionne tant l’auteur, se délectant graphiquement d’avoir à représenter l’homme dans ses plus sombres états. Son dessin se met alors au diapason, accentuant et déformant les traits à l’envi, entrouvrant même des portes sur le "freak show" à venir dans Eva et certains éléments visuels de L’arbre cœur.





Si Silence est considérée par beaucoup comme la bande dessinée de référence de Comès, c’est qu’au-delà de ses qualités intrinsèques, elle contient en ses pages de nombreuses choses qui refont surface dans ses autres livres. Par là-même, elle préfigure l’œuvre de l’auteur, porte sa marque de fabrique, celle qui lui confère une identité propre.



Suit La belette, histoire profondément ancrée dans les Ardennes. Ce décor lui donne une tonalité assez proche de Silence, bien que les deux diffèrent : si le conte prédomine dans Silence, c’est plutôt le fait divers de voisinage qui l’emporte dans La belette. Sur cette base a priori sans saveur exceptionnelle, Comès parvient à réaliser un récit extraordinaire et porteur d’angoisses qui peuvent évoquer Rosemary’s Baby, le roman d’Ira Levin adapté au cinéma par Roman Polanski.

La belette s’ouvre sur une magnifique séquence en deux planches muettes, chacune composée de quatre cases tout en longueur dans lesquelles le noir s’est emparé de l’espace. Dans une nuit comme éclairée par la pleine lune, deux silhouettes inquiétantes se déplacent dans des paysages comme figés dans l’attente d’un événement imminent. Elles sont accompagnées par quelques feuilles mortes en suspension, symbole que l’on retrouve dans tous les albums de Comès quand l’étrange s’immisce dans le récit. Les deux dernières cases évoquent une atmosphère de fin du monde.



Retour à la réalité, le blanc retrouve sa suprématie. Un jeune couple en provenance de la ville vient de passer sa première nuit dans une maison isolée dans la campagne. "Isolée" n’est peut-être pas le terme qu’emploieront les voisins pour la caractériser, mais l’impression qui en ressort est tout de même là, d’autant que Comès semble vouloir placer son lecteur dans la tête de la jeune femme, Anne, enceinte et quelque peu désœuvrée. L’ennui étant propice à laisser l’esprit dériver, les quelques incidents qui vont émailler son arrivée en ces lieux, sans parler des autochtones un rien envahissants, vont rapidement altérer sa perception de cet environnement sur lequel elle n'a pas prise. Surtout, sa santé mentale s'en ressentira. Cet aspect des choses, son conjoint l’occulte complètement. Réalisateur pour la télévision, il ne cache pas sa joie de trouver en cette région ce qu’il faut de bizarreries pour réaliser un reportage sur le folklore local : "personnellement, je ne crois pas à de telles stupidités ; mais c’est un bon sujet d’émission… Les spectateurs sont friands de ce genre de niaiseries". Imbu de sa personne et convaincu que les locaux sont bonne pâte, il se comporte comme en territoire conquis et est bien évidement reçu en conséquence.

Ce récit est donc solidement ancré dans la réalité. Pourtant, tout paraît malsain et le malin semble partout. La dichotomie entre ces citadins, normaux, et ces voisins, différents, saute à la gueule. La grossesse d’Anne s’avère être l’objet d’enjeux qui la dépassent complétement et les protagonistes paraissent tous mus par des motivations absconses et folles. Tout au long de l’album, ces ingrédients vont s’exacerber les uns les autres, drainant dans leur sillage leur lot de décès.





Comme dans Silence, une chouette finira clouée sur une porte, mais la séquence qui marque l’esprit par sa force de suggestion est celle qui ouvre le chapitre intitulé La main dans la nuit. Un ectoplasme se promène à l’étage…

Entrée en matière - Première partie

Entrée en matière - Troisième partie




Couverture "Silence"



Planche d'ouverture de "Silence"



Nuit d'orage



Dans la neige



Nuit de Pleine lune dans les bois



Visions



Couvertures "La belette" (édition originale et tirage de tête)



Affiche du film "Rosemary's Baby" de R. Polanski (1968)



Planche d'ouverture "La belette"



Spiritisme et spirituel



Séquence "La main dans la nuit"



Dans la nuit, dans les bois



Télékinésie



À suivre...


Fabrice Mayaud