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Rencontre de deux inconscients

Entretien avec Frederik Peeters

Propos recueillis par Fabrice Mayaud et Thierry Pinet Interview 04/11/2009 à 21:17 3312 visiteurs
Avec le temps, Frederik Peeters nous propose une œuvre atypique et variée qui témoigne de son goût pour l’exploration et l’exploitation des possibilités du médium « bande dessinée ». Dans cet entretien centré sur Pachyderme, il nous livre quelques clefs sur la conception, mais aussi sur sa lecture de cet album où le classique se mêle à l’étrange.

Comment le projet Pachyderme a-t-il mûri ? L’idée générale était là au tout début ou c’est quelque chose qui a évolué dans le temps ?
Il faut que je revienne en arrière… Ça a commencé avant RG, ce qui m’a permis pendant deux ans d’écrire, de retourner, de découper, d’apporter des modifications. Dans la toute première version, Carice était un homme, l’époque n’était pas la même. Par contre, certains éléments n’ont pas bougé, dont le retournement final à partir duquel tout s’est écrit à rebours. La figure du médecin s’est aussi imposée très tôt à moi, mais le reste a beaucoup bougé.
C’était très organique, une autre façon de travailler. J’ai volontairement écrit des séquences dans leur intégralité, sans aucune articulation. C’est sur ces bouts de transition dans l’espace qu’il y a eu une petite part d’improvisation, quand ça passe d’une pièce à une autre, d’un décor à un autre.

C’est un récit qui est très construit, tous les détails ont leur importance.
Oui, c’est pour ça que je dis qu’il n’y a pas tant d’improvisation que ça. Je savais dans les grandes lignes ce que devaient représenter les transitions, il restait à y apporter le design. C’était comme une réaction à ma façon de travailler jusque là, où justement la construction préalable était absente. Une tentative ! En l’occurrence, Pachyderme est le résultat d’une vraie construction compliquée.

Et alors ?
Et bien je n’ai qu’une seule envie : retourner à l’improvisation… Mais une fois que j’aurais repris l’improvisation, je n’aurais qu’une seule envie : retourner à la construction !

Cet album a-t-il été influencé par le cinéma ?
Oui, comme tout ce que je fais. Au même titre que tout a une influence sur ce que je fais, autant le cinéma que la littérature. Il y a un vague clin d’œil à ce qu’on pourrait appeler une structure hollywoodienne, de polar, de thriller, de film noir ; la grande influence cinématographique restant les comédies américaines. Tout le monde me parle de Lynch, parce que le dossier de presse y faisait référence, mais je n’ai jamais approuvé ça, je n’ai pas vu un film de Lynch depuis quinze ans. Il n’y a pas d’influence cinématographique de films du genre (oniriques, fantastiques, inquiétants). Les influences cinéma sont hyper classiques, elles sont au niveau de l’envie de rendre une ambiance graphique, un univers, des costumes, des voitures…

Alors justement, ce trait classique, ces couleurs tranchées, ça correspond à une volonté d’aller dans ce sens ?
Oui, pour se mettre au service de l’histoire. Cette BD est en quelque sorte très classique. Le format est plus grand, ce qui conditionne tout : les pages sont en 4 strips au lieu d’être en 3. Le papier aussi a changé. Conséquence, le trait va moins vite que ce que je faisais auparavant, se fait plus précis, c’est un peu compassé, ce qui correspond bien au personnage principal. Dans ce que je fais actuellement, le dessin a de nouveau changé.
Pour ce qui est des couleurs, c’est une époque que j’essaye de recréer. Pour vous dire si cette notion est diffuse pour moi, il faut savoir que si l’action se déroule dans les années cinquante, à vrai dire, l’arrière-fond graphique est plutôt enraciné dans les années trente. Tout ça est donc très fantasmé ! A priori, dans l’imaginaire, ça aurait dû être en noir et blanc, c’est ce qui m’a amusé dans l’idée de traiter ça avec de la couleur, c’était la première démarche. Au-delà, je me suis rendu compte assez vite que c’était aussi, et surtout, le seul moyen de rendre ça compréhensible, parce que si on n’a pas la couleur pour faire comprendre qu’on retourne en arrière, qu’on a changé de lieu, qu’on fait du flash back, ça ne fonctionne plus. Toutes les ambiances colorées sont faites en fonction de la lecture, pour situer l’action dans le temps, ce qui fait que même si l’on est perdu, tout d’un coup, on sent le changement de pièce, de lumière, qui permet de se resituer. Très vite, c’est devenu un instrument de clarté. Je me suis rendu compte que le bouquin était très arborescent, on se perd dedans comme dans un labyrinthe, et si au milieu on est toujours perdu, à un moment, il faut pouvoir comprendre où sont les murs, où il y a un chemin. La couleur sert à ça.

Vous jouez aussi sur les sonorités.
Oui, peut-être plus depuis RG notamment, où il y avait des conversations avec des portables qui s’y prêtaient.
En fait, il faudrait se poser la question : « rêve-t-on en sons ? ». Je ne le crois pas, je ne sais pas répondre à cette question. C’est un moyen de créer un trouble supplémentaire. De même, il y a tous les sons absents, comme le moment où elle traverse une salle, voit les gens discuter, mais ne perçoit pas le contenu de ces discussions. C’est un album très musical, l’aspect visuel de la chose a un rôle, la musique remplit tout ça, accentue le flottement.

Quel regard portez vous sur les diverses interprétations que vous avez pu lire sur votre album ?
En gros, il y a ceux qui ont compris et ceux qui n’ont pas compris. Dans cette dernière catégorie, il y a ceux qui le lisent en plusieurs fois, évidement… L’idéal, ce serait de le lire deux fois de suite - j’aurais dû mettre un sticker « deux lectures pour le prix d’une ».
En réalité, il y a peu d’interprétations différentes, c’est dans les détails qu’on peut trouver des divergences, parce qu’en fait, là où les gens buttent, c’est là où moi-même je bute. Le retournement, les flash-back, les cheminements, les dialogues sont clairs, mais au milieu de tout ça, il y a quand même un gros nœud qui est volontairement très dur à défaire. Il ne faut peut-être pas trop se poser la question. D’ailleurs, si l’on se pose trop la question, c’est que j’ai moi-même raté mon coup. Qui est dans quelle réalité ? Est ce que les deux rêvent ? Est ce que l’un est le produit du rêve de l’autre ? Enfin, ce ne sont pas des rêves, en l’occurrence… Il y a quelqu’un sur internet qui a fait une chronique sur un blog, et il y a une formule qui est assez bien foutue où il dit que c’est « la rencontre de deux inconscients ». Quand je l’ai lue, je me suis dit « mais oui, c’est ça ».
Je conçois qu’il y a une part qui n’est pas déchiffrable, mais à mon avis, elle n’est pas indispensable à la bonne compréhension de l’ensemble, c’est juste qu’à un moment, les gens aiment bien savoir s’ils sont complètement dans le fantastique ou bien dans le réel. Mais il y a un moment où moi-même je ne le sais pas, et quand j’ai déconstruit le scénario pour essayer de m’assurer que tout tenait à-peu-près, je suis arrivé à ce moment où il y a un équilibre très précaire qui tient, ou ne tient pas, suivant les gens.
Ce qui m’amuse plutôt, parce qu’il y a des films, des livres, qui sont construits sur ce genre de modèle, et qui sont tellement bien bouclés que quand l’histoire est terminée, il y a ce sentiment que quelque chose s’est refermé, que l’on ne peut plus bouger. Pour ma part, j’aime bien l’idée qu’il y a des aspérités, que ça continue à trotter dans la tête parce qu’il y a un truc qui reste insaisissable. Je suis assez peu client de ce qui est trop fermé, car si c’est très jouissif de les regarder, de les lire une fois, on n’a pas nécessairement envie d’y retourner, si ce n’est pour s’assurer que tout se tient, comme dans Le sixième sens, Usual suspect, … On est alors bluffé parce que tout se tient, mais après, c’est fermé.

Plus anecdotique : à un moment, vous faites exploser le moteur d’une voiture avec un « BOUM » caractéristique, or le récit se passe à la même période que Tintin au pays de l’or noir. Un clin d’œil ?
Ah non, ça aurait pu, mais non… C’est cependant vrai qu’il y a peut-être quelque chose, dans la case, le dessin, l’explosion, alors pourquoi pas, mais c’est totalement inconscient ! Mais j’ai été un très gros lecteur de Tintin, il y a donc des réminiscences.

Des projets ?
Je suis en train de dessiner le scénario de quelqu’un pour Atrabile. C’est un récit très concis, très sec, sans concession, implacable, ce qui me permet d’user d’un trait assez rapide.

Donc une collaboration ?
Oui, même si j’essaye de me limiter dans cette démarche. On me conseille d’ailleurs de ne pas travailler sur le texte d’un autre, de faire mes propres scénarii. Mais celui-là, j’aurais bien aimé l’écrire, il y a une vraie idée de scénario. Autant pour Pachyderme, c’était l’illustration d’un univers, d’un scénario, autant là, pour le coup, il y a un véritable défi de dessin. Je ne peux pas vous révéler l’idée, mais il y a dedans quelque chose du niveau de l’exercice de style qui est particulièrement plaisant à faire. De plus, comme c’est du noir et blanc, ça fuse, ce qui me « nettoie » une peu…
Après, je vais retourner à la S.F., faire de l’impro, reprendre les choses en main en quelque sorte.

Qu’est ce que ça change pour vous de travailler avec Gallimard, par rapport à un éditeur spécialisé ?

C’est difficilement comparable. Atrabile, c’est une bande d’amis, c’est situé en bas de chez moi, alors certes, c’est une maison d’édition, mais le rapport que j’entretiens avec n’est pas un rapport d’éditeur. Gallimard est le seul éditeur avec lequel j’ai travaillé, avec lequel j’ai le sentiment qu’il y a un boulot d’éditeur.

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A lire également : La chronique de l'album
Propos recueillis par Fabrice Mayaud et Thierry Pinet

Information sur l'album

Pachyderme

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