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Bamboo fête ses 25 ans !

Entretien avec Olivier Sulpice

Propos recueillis par L. Gianati Interview 01/09/2023 à 10:07 3423 visiteurs

Les 20 ans de Bamboo avaient déjà fait l'objet d'une belle fête. Puis le COVID est passé par là, empêchant pendant de longs mois les auteurs et les lecteurs de se retrouver. C'est sans doute l'une des motivations d'Olivier Sulpice qui a décidé en 2023 de célébrer comme il se doit les 25 ans de sa maison d'édition créée, déjà, au siècle dernier. C'est aussi l'occasion de revenir rapidement avec lui sur les moments-clés de cette aventure, depuis les premiers albums humoristiques avec Les Assureurs ou Les Gendarmes jusqu'à la création de Drakoo en 2019.  


Les 20 ans de Bamboo ne sont pas si loin que ça. Pourquoi fêter ce quart de siècle ?

Olivier Sulpice : C'est vrai qu'on avait déjà bien fêté les 20 ans. Au début, nous n’avions pas prévu de fêter les 25 mais la décision a rapidement été prise. On vieillit, comme tout le monde, et c'était une occasion de retrouver tous les auteurs et de faire la fête. C'est la principale raison. Nous allons faire venir 150 auteurs à Mâcon et on s’est dit qu’il fallait donc organiser un festival. Quand on a des occasions de se retrouver, autant les prendre. On a désormais des commerçants qui organisent un petit festival à Mâcon avec une trentaine d’auteurs Bamboo qui viennent. C'est aussi un vrai plaisir de se retrouver au bureau, de faire des petites soirées avec food-truck ou autre, ça fait du bien.

Faisons un bond en arrière : la naissance de Bamboo, c'était l’humour avant tout ?

O. S. : Oui, c'était vraiment l’humour avant tout. On avait monté une boite d’illustration en 1993 avec Henri Jeanfaivre. On n’avait pas du tout d’argent, juste un papier et un crayon. J’allais montrer les dessins que faisait Henri sur du papier à carreaux dans les agences de pub et, finalement, ça a commencé à marchotter assez vite. Henri dessinait de petites bandes dessinées et c’est comme ça qu’on a commencé. On avait été refusé chez Spirou, chez Fluide Glacial et on s’est dit qu'il faudrait peut-être cibler des magazines qui n’ont pas de BD mais qui ont un thème assez marrant à illustrer. Comme Henri faisait du rallye, on a fait deux-trois gags sur du rallye. On l’a envoyé à Echappement et ils ont trouvé ça vachement bien. On a été publié une fois par mois. J’ai toujours cherché à avoir plusieurs sources de revenus dès le début parce que c'était très fragile et pour réussir à avoir un SMIC il en fallait trois ou quatre. On a donc aussi créé des cartes postales. Avec tout ça, on arrivait à avoir un salaire correct. En 1996, un éditeur, La Sirène à l’époque, nous a proposé de faire un album avec toutes les planches parues dans Echappement. Honnêtement, je n’ai pas adoré cette expérience parce qu’on n’avait pas trop de visibilité, même si avoir cet album était un rêve. Naïvement, je me suis donc dit que ce qu’ils avaient fait, on pouvait très bien le faire. Henri a préféré rester auteur indépendant et, en 1997, j’ai créé Bamboo éditions.

Après le refus de Fluide Glacial, c'était déjà un rêve à l'époque de racheter les éditions Audie ? 

O. S. : Ce n’était même pas envisageable ! J’avais à peine un SMIC par mois. On bataillait pas mal, on avait 20 ans, c'était bien mais quand même compliqué. Être publié, c'était déjà incroyable. Pour le premier album, on était comme des fous. Tous ceux qui ont eu un premier album le savent, c’est quelque chose qui est extraordinaire. Le bouquin est resté sur une table sans que j’y touche, j’ai tourné autour pendant une heure, et pourtant il est loin d’être parfait. Je ne retrouve plus ça maintenant même si je suis tout content quand je reçois un bouquin que j’ai scénarisé. C'était moi qui faisais le scénario et Henri le dessin parce qu’on n’avait pas les moyens de donner des avances à des auteurs. Au début, il n’y avait que nous, j’ai toujours consolidé et jamais cherché à avoir plus haut que ce qu’on pouvait. C'est pour ça que l’ADN de Bamboo est fait par les contraintes du début, c’est à dire de l’humour gag en une page car c'était la seule chose que je sais écrire. Nous n'avions pas de diffuseurs et le fait d’arriver avec des BD avec des thèmes nous permettrait de toucher un spectre plus large de vente :  le thème sur les assurances a été vendu chez les assureurs, Les Gendarmes ont été vendus dans les cercles de gendarmerie, Les Foot-maniacs ont été vendus chez Décathlon... Les contraintes du début ont été vraiment pénibles mais cela nous a obligés à être plus créatif, et peut-être des fois moins cons. Je me souviens des éditions Pointe Noire qui s’était montées quasiment en même temps que moi et qui ont tenu 3 ans alors qu’ils avaient un diffuseur. On a eu ce malheur mais aussi ce bonheur de ne pas avoir de diffuseur. Quand on a un diffuseur, on produit beaucoup plus de bouquins, on les pousse, mais ils reviennent parce qu'on n’est pas connu. À ce rythme, on ne tient pas longtemps.

Le rachat a finalement eu lieu des années plus tard...

O. S. : C'était important, un pari aussi parce que c’est quelque chose que je n’avais jamais fait. J’ai toujours tout monté à partir de zéro et le fait de racheter ce monument de Fluide Glacial qui nous avait refusés… Ça a été compliqué les premières années parce que c’est un magazine, c’est un autre métier, il a fallut reconstituer un peu l’équipe mais très peu finalement. Les cinq dernières années avec Jean-Christophe Delpierre en rédacteur en chef, ça a été un plaisir et un bonheur.

Pourquoi avoir attendu finalement aussi longtemps avant de créer votre propre réseau de diffusion ?

O. S. : Parce que les diffuseurs successifs que l’on a eus nous ont donné satisfaction. Quand on a commencé avec chaque diffuseur, c'était ce qu’il nous fallait. Au bout de quelques années, on avait d’autres besoins et d’autres envies, et c’est pour ça qu’on en a changé trois fois. Enfin, nous sommes arrivés à une taille suffisante pour avoir notre propre diffusion. Quand nous l'avons créée, il nous manquait 20% de chiffre d’affaire en plus pour la financer. On a pris le pari de se dire qu’on allait mettre deux ou trois ans avant de l’amortir et, finalement, on a fait plus 30% la première année et on a été rentables. Le risque d’une diffusion c’est que madame Fnac, monsieur Carrefour, ou les petits libraires traînent du pied pour accueillir une nouvelle personne supplémentaire.  Finalement, on a été accueillis à bras ouverts et ça s’est super bien passé. On avait un programme très court et les rendez-vous allaient très vite.

Justement, avec une quarantaine d’albums par ans chez Bamboo et une vingtaine chez Grand Angle, vous n’avez jamais succombé aux sirènes de la surproduction ?

O. S. : Non. Bien sûr, si on avait deux cents coups de cœur on le ferait. Par exemple, pour le manga, on a toujours été entre 50 et 60 sorties par an. C'est une équipe de 3 personnes qui fait un travail remarquable depuis maintenant seize ans. On pourrait peut-être accélérer depuis trois ans mais il faudrait pour ça embaucher et on a déjà beaucoup de monde. On a préféré garder ce palier de 50, ce qui fait environ 4 manga par mois, nous les travaillons bien et, finalement, ça fonctionne parfaitement. Il n’y a pas de volonté vraiment marquée de faire plus de bouquins. Au final, on arrive quasiment à 200 si on compte tout le groupe entre Fluide Glacial, Drakoo, Grand Angle et Doki-doki.

À quel moment avez-vous décidé d’ouvrir vos lignes éditoriales à autre chose que de l’humour ? 

O. S. : Grand Angle est arrivé suite à une rencontre avec Hervé Richez en 1999. Il m’avait alors proposé Sam Lawry que j'avais trouvé très bien, mais je n’avais à l'époque ni distributeur ni diffuseur. Deux ans plus tard, quand on a été diffusés par Interforum, je lui ai dit qu'on pourrait peut-être faire Sam Lawry s’il n’avait pas trouvé ailleurs mais que si on en faisait un, il allait falloir en faire plein d’autres. Il est donc devenu directeur de collection alors qu’il était banquier. Il a continué à faire ces deux métiers en parallèle et, en 2005, il est venu à Mâcon. Tout s'est fait sur un coup de foudre, sur la personne et sur son projet. Pour le manga, c’est plus par opportunité. C’est un créneau important qu’il faut avoir. Je ne lisais pas de manga mais j’avais Arnaud Plumerie comme collaborateur que j’avais embauché au début comme graphiste et qui, finalement, a fait le site internet et plein d'autres choses. Il s’est avéré qu’il aimait beaucoup le manga, on a rencontré d’autres personnes directement au Japon et c’est comme ça que Doki-doki est né. Je lui fais confiance à 120% parce qu’à chaque fois que je lui donnais des conseils sur le manga ce n'étaient pas les bons. Mon idée a toujours été d’être éditeur généraliste. Je ne l’ai jamais caché, mon modèle a toujours été Dupuis voire Dargaud. Ce sont des éditeurs populaires avec quelques titres pointus.

Comment expliquez-vous le quasi doublement des ventes chez Doki-doki après le COVID ?

O. S. : Le Pass Culture a énormément aidé. D'autre part, il y a eu beaucoup d’animés pendant le COVID et les gamins ont découvert ou redécouvert beaucoup de choses et ont voulu acheter les albums derrière. Ce sont des bouquins qui restent pas trop chers par rapport à l’inflation et qui ont une grosse pagination comparée à leur prix de vente. Il y a aussi un engouement des jeunes pour le Japon. C’est assez paradoxal qu’un ado en période de rébellion s’intéresse au Japon alors que c’est finalement une société très rangée mais je trouve ça respectable parce que c’est un chouette pays. 

Comment vous adaptez-vous aux nouvelles exigences du lectorat ? 

O. S. : Tout est histoire de goût, on vieillit et on évolue. Pour les tous premiers Grand Angle, on adorait les séries à la télé comme Prison Break. À l’époque, c'était un épisode par semaine et maintenant c’est tous les épisodes d’un coup. Nos BD étaient en deux ou trois tomes à raison d’un par an et les lecteurs sont de plus en plus impatients. On a des thèmes maintenant : des polars, des thèmes historiques pour apprendre des choses... En ce moment, j’aime plutôt les BD ou les films qui sont feel good, la vie est déjà suffisamment stressante ces temps-ci. Les pavés sont aujourd'hui plus importants même si, personnellement, je ne suis pas un grand fan des romans graphiques parce que je trouve qu’on se rapproche un peu trop du manga et qu’on délaye les actions. Ce que j’aime dans la BD,  c’est ce qu’il se passe entre deux cases. Ça, on l’a de moins en moins dans les romans graphiques, on détaille tout. On a des BD que l’on aère pour en faire un bel objet mais je pense qu’il faut faire attention à ne pas partir sur des grosses paginations, ce qui est en plus au détriment des auteurs car ils sont payés la plupart du temps sur des forfaits.

La rémunération des auteurs est un sujet qui vous tient à cœur...

O. S. : C'est primordial. Quand j’entends certains auteurs dire qu’ils se font entuber, je trouve ça dommage. Les auteurs, c’est notre or. S’il y a bien une personne qu’il faut soigner, ce sont eux. On ne se bat pas trop sur les avances sur droits mais pour faire une répartition plus forte une fois que l'album est rentable. C’est pour cette raison qu'on a encore augmenté les taux : 1% pour les coloristes à partir de vingt mille, ce qui fait que sur un album on peut monter jusqu’à 15% de droits et les taux nous sont vraiment donnés officiellement, c’est à dire qu’il n’y a pas de négociation sur les taux et les auteurs ne cherchent même pas à négocier. Pour moi c’est une vraie règle et je veux que ce soit transparent. Je tiens à ce que les auteurs soient bien et c’est le bien pour tout le monde. Un auteur qui vit bien et qui ne cherche plus de l’argent pour manger, on ne parlera plus forcément d’argent ensemble mais de pure création et on fera encore de meilleurs bouquins. 

Quel bilan tirez-vous de Drakoo depuis sa création en 2019 ?

O. S. : Super positif. On l’a créé parce que Hervé et moi ne sommes pas des spécialistes de la Science Fiction ni de l’Héroïc Fantasy. Comme je voulais avoir un spectre plus large, je me suis dit « il faut qu’on y arrive » et comme je connais Christophe (Arleston, NDLR) depuis vingt ans, c’est en échangeant avec lui qu’on a eu l’idée de créer cette maison d’édition. C’est Christophe qui gère. Parfois je recevais des projets de Fantasy et je me disais que c'était vachement bien sauf qu’en réalité ça avait déjà été fait cent fois. On est plus finalement sur du young-adulte ou du jeunesse. La BD type Lanfeust a moins bien marché mais on a par contre des cartons avec des BD à plus de cent mille exemplaires. Quelques beaux succès aussi avec Le Jardin des fées à plus de trente mille ou Les Artilleuses et Le Paris des merveilles  d'Etienne Willem et Pierre Pevel à plus de vingt mille aussi. On a quand-même pas mal de titres. On s’est cherchés au début, les libraires trouvaient que c'était du Soleil d’il y a vingt ans, on a retravaillé pas mal là-dessus. C’est un vrai plaisir de travailler avec Christophe qui est très attentif et à l'écoute. Je le connaissais comme ça en tant que copain et travailler avec lui est très agréable. Le pari pour moi est largement gagné, on va faire encore plus vingt-cinq ou plus trente pour cent, c’est plutôt bien. On va continuer à faire des BD plus sérieuses mais on continuera aussi à faire peu de titres, une vingtaine. Pour les mêmes raisons que chez Doki-doki : ils sont trois dans l'équipe et on ne veut pas en sortir trop.

Quelques mots sur les festivités du 30 septembre et sur la vente aux enchères ?

O. S. : Je suis très sensible au fait, qu’en France, certains ont du mal à manger et je me suis dit qu’il fallait que l’on profite de cette journée et notre bonheur pour qu’on puisse aussi le faire partager. Je suis arrivé un matin en disant qu’il fallait faire une vente aux enchères. Je voulais reverser les bénéfices à une association du type Les Restos du coeur. On a plein de planches originales que les auteurs nous ont données depuis vingt-cinq ans et on leur a donc demandé l’autorisation de pouvoir les vendre. Tous ont dit oui avec enthousiasme et on met donc en vente soixante-dix planches pour une association qui s’appelle l’Equipage solidaire et ils ont aussi un site qui s’appelle Delivr'aide qui a été monté il y a quatre ans. Ce ne sont que des jeunes, encore des étudiants même, et ils donnent à manger à d'autres jeunes en difficulté. Ils leur apportent directement des paniers et ils ont déjà ouvert onze points en France. Ils font, je trouve, un super boulot. L’argent qu’on va donner ne va pas servir à acheter la nourriture mais à les aider pour tout ce qui concerne la logistique, l'ouverture de centres, de dépôts... L’objectif est de réussir à rapporter plusieurs dizaines de milliers d’euros. La vente aux enchères aura lieu de 17 heures à 19 heures et sera retransmise sur internet avec les deux commissaires priseurs : Jérôme Duvillard et sa collaboratrice Alexandra Chaillou-Weidmann qui participent gratuitement. C’est chouette, les auteurs sont contents et nous aussi.

Cette journée est organisée par l’association ACE...

O. S. : ACE est une association à Charnay-lès-Mâcon. À l’origine, nous n’avions pas particulièrement prévu de faire un salon mais, comme on a 150 auteurs qui viennent, c’est quand-même dommage de ne pas en faire profiter les gens. On s’est donc rapprochés d’eux et c’est vraiment eux qui organisent. C’était compliqué pour nous de faire ça tout seul dans notre coin. L'association a déjà l’habitude avec la mairie, elle a le matériel et l’équipement nécessaires... On les aide bien sûr mais ce sont eux qui organisent ce salon sur une journée.


Propos recueillis par L. Gianati