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« J'aime concevoir des histoires exigeantes »

Entretien avec Hub

Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade Interview 01/09/2020 à 10:08 9002 visiteurs

Coup de Cœur de la rédaction BDGest, le premier tome du Serpent et la Lance a rassuré tous les lecteurs impatients de découvrir la nouvelle série de Hub. La chronique du site rappelait : "Après avoir exploré le Japon médiéval (Okko) et les contrées vikings (dans Aslak coscénarisé par Fred Weytens), Hub revient avec un projet ambitieux annoncé en quelques cinq-cents pages qui seront jouées en trois actes et pour lequel il est secondé par Emmanuel Michalak au storyboard. Cette fois, il traverse l’océan et plante l’action sur le continent amérindien, au cœur d’une civilisation guerrière finalement peu traitée, celle des Aztèques d’avant la Conquête."


Lorsque nous vous avions rencontré il y a quelques années pour le dernier tome de Okko, nous vous avions demandé ce que vous alliez faire après… Avez vous pris un temps de répit après avoir passé autant de temps sur une série ?

Hub : Il y a eu un moment de répit car j’avais pris peu de vacances pendant 10 ans. Quand on fait une série qui marche un peu, le lecteur attend et par respect pour lui j’avais des cadences assez dures afin d’entretenir la série et sortir régulièrement des albums. Lorsque j’ai fini Okko, j’ai commencé par me poser un peu pour prendre du recul et voir ce que je voulais faire par la suite. Je commençais à avoir une petite idée qui germait, à savoir celle qui nous réunit aujourd’hui, dans un coin de ma tête. Mon éditeur était intéressé pour que je continue un peu Okko, c'était légitime qu’il m’en fasse la demande. J’ai quand même essayé de voir dans quelle mesure je pouvais éventuellement penser à une suite. Rapidement, j’avais beau chercher des idées, j’avais l’impression que ce n'était pas aussi puissant que le projet d’origine. Je m’étais fixé 10 albums et j’avais développé toute mon histoire sur cette cohérence-là. Essayer de créer une nouvelle excroissance à coté ne me semblait pas naturel. Par respect pour le public, la série et moi-même, j’ai décidé d’aller sur la deuxième « racine » qui commençait à se développer, à savoir Le Serpent et la Lance. Depuis ma tendre enfance, les civilisations pré-Colombiennes m’intéressent énormément aussi et j’avais envie de raconter une sorte de thriller. À cette époque là, j’ai commencé à relire Azteca qui est un livre de Gary Jennings qui m’avait marqué quand j'étais ado. L’envie d’écrire un thriller chez les aztèques a vu le jour. Lorsque j’essayais de penser à une suite sur Okko ou Le Serpent et la Lance, il y a un des sujets qui a vampirisé l’autre et qui l’a éclipsé. Naturellement, j’ai eu envie de partir sur ce dernier. Je savais que ce serait un triptyque avec une grosse pagination mais je ne pensais pas que ce serait 180 pages ! Très rapidement, quand j’ai commencé à écrire les trois tomes de façon assez précise, dont le premier, je me suis aperçu qu’en dessous de 180 pages ça ne me semblait pas cohérent. Ça aurait été trop court pour que le lecteur comprenne à peu près où je voulais en venir.

Faire un triptyque au lieu de 10 albums, c'était pour ne pas repartir sur une longue série ?

H. : En réalité, en terme de pagination, ce sera pratiquement la même chose. C’est plus en lien avec l’histoire. Par exemple, sur Okko, je me suis rapidement dit que des diptyques c'était très bien pour raconter l’histoire que je voulais. Chaque diptyque comportait ses propres cohérences. Ici, pour Le Serpent et la Lance, ça me paraissait bien de partir sur trois actes avec une forte pagination. Commercialement par ailleurs, ce n’est pas la chose la plus intéressante, loin de là, mais j’essaye dans la mesure du possible de me mettre au service des histoires que j’écris. Au début, je les écris sans entrave, mais lorsqu’il faut se mettre en route, là je m’aperçois de toutes les contraintes techniques qu’il y a et j’essaye de les résoudre si c’est possible. Et Dieu sait s’il y en avait sur Le Serpent et la Lance !

C’est à dire ?


H : C’est à dire que sur Okko j'étais sur la civilisation japonaise qui était déjà très codifiée, qui était complexe. Je pense que là, c’est encore plus complexe, ne serait-ce que les noms, le vocabulaire... Les français ont une grande fascination pour la culture japonaise donc on a déjà quelques notions. Chez les aztèques, c’est beaucoup plus obscur. Pour les espagnols peut-être un peu moins mais chez nous on connait moins cette civilisation. Elle a complètement été rayée de la carte après l’arrivée de Cortez en 1519. J’ai beaucoup de personnages, c’est un récit assez ambitieux sur trois époques différentes. Tous ces éléments là, et j’en oublie plein, comme les vêtements, la ressemblance des personnages, tout ça faisait beaucoup de contraintes qu’il a fallu régler pour arriver à un récit abordable pour les lecteurs.

Azteca
n’a pas suffi au niveau documentation, il a fallu chercher plus loin ?


H. : Azteca est un roman et le relire m’a juste redonné le goût. Après, on se plonge pendant pas mal de temps dans la documentation, on essaie de rassembler des choses. Ce n’est pas évident parce que les sources historiques sont très très limitées dans le sens où de nombreuses choses manquent. L’un des lieux principaux de mon récit c’est Tenochtitlan, une cité lacustre qui était immense et qui maintenant a été rayée, il n’en reste presque rien, trois bouts de pierre à peine… C’est devenu Mexico et ils ont tout pété. Il y a donc des choses qu’il faut fantasmer un petit peu et imaginer. Au début, j'étais un peu tétanisé parce que face à la grande Histoire c'était impressionnant mais avec le temps je me suis émancipé de ce coté là et j’ai inventé ce qu’il fallait inventer parce que je n’avais pas les sources nécessaires.

D'autant que la période pré-conquête espagnole est quand même beaucoup moins connue...

H : Ça se passe 50 ans avant l’arrivée des conquistadors. J’ai pris sans doute quelques libertés, je ne suis pas historien moi-même. Je propose une histoire romanesque, c’est une invitation au voyage. J’ai développé un vrai goût, une vraie curiosité pour cette civilisation et je la propose avec mon adaptation. Je pense que de toute façon, à chaque fois que l’on essaye d’écrire une fiction sur une civilisation, il y a forcément une interprétation de l’auteur qui entre en compte. C’est l’un des paramètres.

L'histoire est-elle déjà entièrement écrite ?


H. : Elle est vraiment totalement écrite. Déjà, sur Okko et sur Aslak où j’ai co-scénarisé le scénario, la fin pour moi est très importante, je veux savoir où je veux emmener le lecteur. Pour Le Serpent et la Lance qui est un thriller, ça me semblait encore plus important. Dans un thriller, l’effet final doit être vraiment fort pour ne pas décevoir les lecteurs. J’avais besoin de me rassurer, c’est le premier thriller que j’écris, c’est encore différent de Okko. J’avais besoin d’avoir cette maîtrise, une vision d’ensemble de mes 500 pages à peu près pour savoir si ça valait le coup après que je le propose ou que je me lance dessus. Ça m’a rassuré parce que j’ai l’impression de tenir une fin qui me semble pas mal du tout. À partir de là, j’ai pu recommencer à tirer le fil du début. Les 500 pages existent, maintenant à chaque fois que je rentre plus précisément sur un album je peaufine des choses, je réécris des dialogues que je soumets à mon directeur de collection ou mon éditeur qui me font des retours. Au moment du passage au storyboard, il y a encore beaucoup de choses qui changent, notamment au niveau des dialogues qui s’épurent, qui deviennent de plus en plus efficaces. Pour moi c’est comme une pierre que l’on polit.

Vous vous laissez quelques surprises aussi ?


H. : Il y en a quelques-unes mais elles sont minimes.

Vous avez écrit votre propre roman que vous adaptez en fin de compte...

H. : Pas exactement car si j’avais dû écrire un roman, je l’aurai écrit avec un style particulier, alors que là je vais à l’essentiel. Chaque fois que je décris des choses, c’est afin que mon éditeur puisse comprendre des choses importantes, je laisse de coté tout le reste.

500 pages pour aller à l’essentiel ça fait tout de même une sacrée pagination !

H. : Les trois albums feront en tout à peu près 500 pages mais moi, globalement, ce que j’ai écrit doit faire environ 500 pages aussi.


Vous avez tenu à remercier Emmanuel Michalak...

H. : Depuis que j’ai rencontré Emmanuel sur Lyon, il a travaillé sur les storyboard du tome 3 d’Okko puis nous avons travaillé ensemble sur la série Aslak. C’est quelqu'un en qui j’ai une très grande confiance. Là, je lui demande un petit mois de travail et il me fait une relecture poussée de tous mes storyboards. Il va jouer parfois sur certains détails, il va dézoomer parce qu'il pense qu’on peut faire respirer un peu plus de séquences, il va le proposer mais ça va au-delà parce que j’ai une grande confiance dans son œil. Parfois, il me dit qu’il trouve l’explication confuse et sur le premier tome il m’a fait des remarques incroyables parce que lorsqu’il a relu les 180 pages et qu’il est arrivé au bout il m’a dit que c'était trop complexe et que l’on risquait de perdre le lecteur. Il disait qu’il fallait essayer de rendre les séquences comme dans un film où l’on enlève tous les rushs, certaines séquences par rapport à d’autres pour obtenir une lecture plus didactique, plus fluide. J’aime avoir un regard extérieur et avec Manu on a cette complicité car je fais lire mon travail à très peu de personnes à part mon éditeur et la coloriste qui sont les seules personnes à y avoir accès. Ça me fait peur d’avoir trop de retours, trop de critiques, d’être déboussolé. Je préfère avoir des gens avec qui j’ai une grande confiance. Concernant Michalak, il n’était pas concevable pour moi de ne pas continuer cette grande aventure, cette belle amitié. On a une bonne complicité et je le remercie parce que sur le tome 1, il a fait une relecture fondamentale.

Nous parlions de vocabulaire assez recherché, complexe…

H. : Même pour moi ! C’est vrai que je n’ai pas envie d’aller dans la facilité. J’aime concevoir des histoires qui demandent l’attention des lecteurs qui sont un peu exigeantes. Je pense que ça en vaut la peine, telle est ma conviction. Il est vrai que le lexique fait partie de ces difficultés, les mots sont très particuliers, ils se terminent souvent par -atl, c’est très exotique, très spécial. La conception même de la civilisation aztèque était assez complexe, assez difficile à comprendre avec des règles qui régissaient la vie sociale et qui étaient très spéciales aussi. Il a fallu rendre tout ceci le plus simple possible mais il reste tout de même des aspérités et des choses complexes, je le conçois parfaitement. Par exemple, par rapport à la civilisation aztèque, j’essaye de symboliser le panthéon avec un dieu, pas 50, même si j’en évoque d’autres, le dieu que je mets en lumière c’est Tlaloc le dieu de la pluie qui était très important. J’ai aussi un personnage historique qui représente le pouvoir, il a existé c’est Tlacaelel. J’essaye de prendre certains éléments qui me semblent puissants et efficaces de la civilisation aztèque et les mettre un peu plus en lumière pour évoquer et symboliser un petit peu l’ensemble de la civilisation. Mais malgré tout, ça reste un récit assez complexe.

Au niveau des noms des personnages, il y a un mix entre les formules imagées et les noms d’origine aztèque...

H. : En réalité, les noms étaient souvent issus du calendrier divinatoire. On attendait deux trois jours pour voir si l’enfant était viable et ensuite une sorte de chaman ou un prêtre venait et choisissait le nom des personnes par rapport aux signes, au mois, auxquels il était né. J'ai souhaité utiliser le nom d’Oeil-Lance dont on voit la création du nom, mais pour certains personnages j’ai essayé d’être un peu plus simple sinon on ne s’en sortait pas du tout. Justement, j’essaye quand-même d’avoir des noms un peu efficaces… Suivant les mois, le jour où l’on naissait, s’il y avait une étoile filante dans le ciel, sans doute que le nom allait être « nuit étoilée » ou « lance dans la nuit », ça pouvait être très poétique puisqu’ils aimaient bien la poésie. J’ai joué un tant soit peu avec ce vocabulaire et tous ces prénoms aztèques.


Ombre-Montagne est un personnage que l’on voit très peu…

H. : Mais on sent toujours sa présence parce qu’il est important, c’est le moteur de l’histoire. Le prochain récit, ce sera Maison-Vide, c’est un des camarades de l’école qui est un peu particulier. Ce n’est pas forcément le personnage central mais en même temps il sera essentiel à l’histoire. Dans ma série précédente, Okko était le personnage principal bien sûr mais ce n’était pas forcément LE héros pour moi, même si c'était le leader du groupe, ce n’était pas ce qu’on peut appeler un héros. J’aime essayer de sortir un peu des archétypes parfois trop connus.

Nous parlons beaucoup d’Okko, il y a quand même quelques similitudes, comme le compagnon de route au physique un peu particulier...

H. : C’est vrai, et ce sont souvent des personnages assez charismatiques au niveau de l’apparence mais un peu taiseux. J’aime bien ne pas trop les faire parler, en plus ici c’est un chichimèque, un étranger à la civilisation aztèque qui a été fait esclave dans sa jeunesse, il est un peu en recul. Oui il y a des spécificités que l’on retrouve. J’ai de toute façons des obsessions et des fascinations qui font que mes récits sont ce qu’ils sont. Par exemple sur les naissances, le retour à la jeunesse…

D’ailleurs le récit commence par trois naissances…


H. : Trois pour le prix d’une… On parle aussi de légitimité. J’aime bien jouer avec un coté qui peut paraitre parfois monstrueux. On ne le voit pas trop encore mais c’était très présent dans le premier Okko, c’est le coté non manichéen de mes récits. Pour le moment, le récit semble assez manichéen mais je vais très vite m’embrouiller, ce qui m’amuse beaucoup, je déteste cette simplification entre le bien et le mal, pour moi c’est beaucoup plus nuancé. Dans le tome 2, nous allons entrer dans des zones beaucoup plus grises. Ça fait parti de l’ADN avec lequel j’écris.

Un duo un peu hétéroclite, le secret pour obtenir une bonne narration ?

H : Oui, mais beaucoup plus sur Okko je trouve. Là justement, il y a aussi un troisième personnage, à savoir la vieille Mixtèque qui fume tout le temps, et on pourrait retrouver quelque part cette idée de trio. Sauf que je ne voulais pas que ce soit l’élément trop comique comme j’ai mis moins d’humour que dans Okko. C'était un groupe qui marchait très bien pour Okko mais là, en réalité, il va quand même être différent. Quand il y a une problématique, chacun va amener ses propres spécificités. Les personnages comme Longues-Jambes et Tchitchica qui constituent le reste du groupe sont plus en retrait dans cette histoire que dans Okko. Bien que ça y fasse penser, ce n’est pourtant pas exactement la même chose.

Nous parlions de notre dernière interview ensemble, vous nous disiez à l’époque que votre dessin avait évolué tout au long de la série. Évolue-t-il encore sous une forme un peu plus cartoon ?


H. : J’ai volontairement un peu stylisé les visages. Comme il y a trois époques, je voulais qu’on les reconnaisse un petit peu plus. C’est aussi dû à la contrainte des 180 pages. S’organiser pour pouvoir sortir un album tous les deux ans m’oblige à prendre certaines spécificités au niveau de mon trait pour pouvoir tenir cette cadence qui va être compliquée. Je ne voulais pas non plus dégoûter le lecteur qui avait aimé Okko, comme je propose un nouveau récit, je ne voulais pas non plus que tous les paramètres changent, j’ai donc essayé de conserver une charte graphique au niveau des couleurs pour que l’on puisse voir la transition même s’il y a une évolution. L’évolution est normale, on ne reste pas figés. Être monolithique n’est pas une bonne chose. Je pense que ça évolue mais gentiment, il n’y a pas de révolution. Je n’ai pas cherché un coté révolutionnaire du coté du graphisme.

Il y a de belles grandes cases plus nombreuses également…

H. : Exactement, la pagination me le permet. C’est une des frustrations que j’avais dans Okko, même si au début j’avais commencé sur 46 pages et que j’ai fait du 62 par la suite, l’histoire compressait. J’avais une moyenne de 9 cases par planche sur Okko, ici j’en voulais moins car déjà le format est un peu plus petit. On tourne sur du 5/6 cases. Parfois ça me permet de faire des grandes cases et c’est appréciable. C’est vraiment sympa, c’est plus aéré, et par certains autres moments j’aime bien mettre plus de détails. Ça permet de se faire un peu plus plaisir graphiquement.

Vous avez participé à la maquette de la couverture ?

H : Énormément, on a beaucoup réfléchi au visuel de la couverture et ça va me permettre de gagner un peu temps par la suite. On était partis sur une autre idée, j’avais proposé ce dessin au festival d’Angoulême il y a un an de ça, je n’étais pas venu car j'étais en train de travailler d’arrache pied sur cet album mais elle avait été soumise et on l’aimait tous. Je l’ai un tout petit peu retravaillée mais on est repartis de ce visuel finalement. Au départ, nous étions partis sur une pleine page et le parti pris me plaisait beaucoup, d’avoir le coté noir qui rappelle le polar, cette composition qui monte vers le haut. On va donc jouer avec ces codes maintenant, cette logique que l’on va décliner pour les tomes deux et trois avec des couleurs différentes et très tranchées. L’arrière sera un peu de la même maquette, il y aura un personnage comme dans Okko et j’aime beaucoup mettre des objets qui vont symboliser le récit sur la page de titre. C’est agréable d’avoir une cohérence, c’est un vrai confort. Lorsque la cohérence de la maquette existe, c’est très agréable de jouer avec.

Il y a eu d’autres couvertures proposées…

H. : La couverture finale c’est celle qui s’est vraiment dégagée. Je me suis servi des autres pour les éditions Delcourt. Au départ, je devais partir sur une de celles-ci mais je trouvais qu’elle avait trop peu d’impact, elle est moins stylisée, trop classique, elle manquait d’âme.

Un film va être présenté sur votre travail « Hub au bout des doigts », vous avez hésité longtemps avant de le faire ?

H. : Non, c’est un ami que je connais depuis longtemps qui réalise des reportages, le plus souvent pour le milieu médical. C’est un grand amateur de bande dessinée. C’est une idée qui est née comme ça autour d’un café. Il voulait venir me filmer mais il ne savait pas trop quoi en faire, il voulait en faire quelque chose pour Youtube assez rapidement. Il m’a filmé quelques fois, on n’a même peut-être pas gardé les premières parce que c'était flou, il venait de changer de matériel, mais il m’a suivi pendant presque un an. L’idée d’en faire une sorte de reportage qui est devenu un film est venue petit à petit. Ça n’a pas été pensé au début avec un objectif précis.

On présente souvent les auteurs comme étant solitaires, le fait de montrer votre travail à l’extérieur c'était quelque chose qui vous intéressait ?

H. : C’est vrai qu’un auteur de BD est tiraillé entre deux choses, nous sommes au festival d’Angoulême, il y a plein de monde, c’est à l’inverse du loup solitaire, mais une grosse partie de l’année en tout cas pour moi qui travaille seul et pas dans un atelier, on a l’impression d’être un peu un moine copiste. Ça développe de fait une énorme volonté pour se lever le matin et se mettre à sa table de dessin et travailler d’arrache pied jusqu’au soir et parfois les week-ends. C’est vrai que j’ai ce coté là aussi. On dit souvent qu’un homme seul est en mauvaise compagnie, c’est quand même très vrai. C’est donc pour ça que quand un ami vient pour me filmer j’obéis assez vite. Il me demande parfois de commenter mes dessins, c’est intéressant, ça casse cette monotonie qui pourrait s’installer dans la semaine donc j’ai trouvé ça assez agréable comme exercice. En dédicace, le fait de parler en même temps de dessiner est un exercice assez difficile mais on y arrive.

À quoi ressemble votre journée de travail ?

H. : Je me lève vers 8 heures et je suis à ma table à dessin 5 minutes plus tard après un café. Je n’ai pas beaucoup de difficultés à ce niveau là, il ne me faut pas une heure pour être opérationnel. Je commence alors à dessiner de façon régulière avec le moins de pauses possible jusqu’à 20 heures en moyenne, parfois plus pour les fins d’albums, je peux aller jusqu’à 23 heures. Parfois je travaille aussi les week-ends mais pas tout le temps, ça va dépendre du stress et des échéances, de la date butoir pour la sortie d’un livre.

Ça vous laisse le temps de jouer au foot encore un peu ?

H. : Justement, l’ami qui a fait le reportage, c’est le gardien de mon équipe… Je continue bien sûr ! C’est déterminant et essentiel, surtout que je suis pas mal tombé malade pendant que je faisais Le Serpent et la Lance à cause de l’inactivité. J’avais arrêté de me déplacer, j'étais trop assis à ma table, cassé en deux, et ça n’a pas été bon du tout. Maintenant, j’essaye de remettre un peu plus une hygiène de vie autour de mon travail, le foot en fait partie, la marche aussi parmi d’autres choses. À tous les auteurs, faites gaffe, à partir d’un certain âge, il faut marcher, se lever de sa table et être actif parce qu'on tombe rapidement malade à cause d'une position pas très saine. Cassé en deux sur une chaise trop longtemps, ce n’est pas bon pour les organes.

Une musique à nous conseiller pour lire cet album ?


H. : Je n’écoute pas du tout de musique quand je travaille, ou très rarement. J’aime la musique mais j’en écoute de moins en moins. J’écoute plus des podcasts qui me font travailler le cerveau, où les gens parlent, ça m’accompagne, j’ai l’impression d’être moins seul dans mon bureau. Des podcasts sur l’Histoire, le monde actuel, le cinéma, etc. J’ai plus besoin de la présence de quelqu'un qui parle et d’ailleurs je l’écoute ou pas parce que parfois mon cerveau, quand j’ai besoin de concentration, ferme très facilement les écoutilles et je n’entends plus rien. Quand j’arrive sur des passages qui me demandent moins de concentration, là je vais réentendre les sons variés d’une discussion. Au niveau de la musique j’en écoute réellement peu mais si je devais en conseiller une sur ce livre, j’en serais bien incapable parce que ça va dépendre des gens et de leurs goûts. Je pense que chacun choisira la musique qu’il veut. En plus, il faut une longue musique ! Une heure et demi ou deux heures je dirais. Le suivant sera encore un peu plus long à lire. On est parti sur des lectures assez longues mais j’aime bien ce format là.

Maintenant que l'écriture du Serpent et de la Lance est terminée, pensez-vous déjà à d'autres récits  ?

H. : Maintenant que c’est fini, justement, ça m’a occupé une grande partie de ma mémoire vive… Je suis en train d’écrire des scénarios de jeux de rôles en ce moment, pour les faire jouer. J’ai toujours besoin d’écrire des scénarios. Ça ne me demande pas une grande perfection même si j’aime bien rentrer dans les détails. Mais sans doute car je suis sur le deuxième album, prochainement je vais écrire encore de façon plus précise le troisième album. Lorsque tout ceci sera fini, il me manquera quelque chose et je vais forcément partir sur d’autres idées de scénarios, c’est à chaque fois comme ça. Je ne suis pas un cerveau qui est capable de conceptualiser et d’imaginer une grande diversité d’histoires mais j’aime avoir quelques points d’ancrage, quelques concepts d’histoires sur lesquels je tourne et c’est souvent les futurs projets.

Vos deux derniers projets, Okko et Le Serpent et la Lance sont axés sur la culture, japonaise et aztèque. Lorsque vous pensez vos histoires vous démarrez là dessus plutôt que sur la partie thriller ?

H. : Pour Le Serpent et la Lance, ce sont vraiment les deux, c’est à dire que d’un coté je voulais raconter un polar et de l’autre coté je m’inspire de plus en plus de la civilisation Aztèque et j’ai trouvé que justement, ce qui était intéressant, c’est que les deux ne sont pas faits pour se rencontrer du tout. En fait, les Aztèques étaient dépourvus de toute police, et ça m’a amusé de jouer un peu sur des paradoxes. Ce qui m’amusait c'était que si je mettais un polar dans ce truc là, ce serait plus un paradoxe de la religion Aztèque qui organisait des massacres en masse et imaginer qu’une poignée de momies qu’on commence à retrouver qui proviennent d’un même tueur commence à effrayer les instances religieuses et le pouvoir en place. Ils se demandent qui c’est et de quel droit il tue, alors qu’eux mêmes tuaient de façon massive pour faire tourner le monde par ce sang. C'était ça qui m’amusait, travailler sur ce paradoxe là. Ce sont des concepts forts sur lesquels je vais pouvoir m’ancrer. Après bien sûr, je vais créer les personnages autour. Sur Okko, c'était un peu la même chose, deux-trois concepts. J’aime pouvoir résumer mes albums en deux ou trois mots. Okko c'était un Japon fantastique. Et ici c’est un thriller. Évidemment c’est toujours beaucoup plus complexe que ça.

Pour votre attachée de presse, c’est pratique de pouvoir résumer facilement un album !

H. : Peut-être, je l’espère ! C’est quelque chose d’assez sympa à faire.

La vie d’un fonctionnaire vivant dans la Creuse au début du XXe siècle c’est quelque chose qui vous tente ?

H. : Pas tout de suite alors ! Je me sens quand même plus attiré par le fantastique, les civilisations anciennes et il est possible que je retourne du coté du Japon quand j’aurai fini cette histoire là, ou autre chose. Je n’ai aucune idée pour le moment mais en tous cas, quelque chose qui me travaille chaque fois, c’est de me demander si mon idée peut être originale, pourquoi elle peut l’être et comment la rendre originale. L’originalité ça ne fait pas tout, si un projet est complètement barré, il a beau être original, si c’est trop, le lecteur ne peut pas suivre. En revanche, essayer dans ce foisonnement de cultures de proposer quelque chose sous un nouvel angle, un autre éclairage, ça me semble important. Il faut que le projet soit tout de même charpenté et cohérent. Mais l’essence est là, toujours trouver une forme d’originalité dans le concept. Ça ne garantit pas du tout le succès mais au moins on essaye déjà de s’éloigner de ce qui existe. C’est une des choses qui me taraude et qui me travaille.






Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade

Bibliographie sélective

Le serpent et la Lance
1. Acte 1 - Ombre-montagne

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Okko
1. Le cycle de l'eau I

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Aslak
1. L'Œil du monde

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