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« La bonne fin est ailleurs »

Entretien avec Nathalie Ferlut

Propos recueillis par L. Gianati Interview 12/02/2019 à 10:17 4422 visiteurs

Quand on évoque un conte, on pense immédiatement à une jolie histoire racontée le soir à un enfant pour que ses rêvent soient plus doux. Nul doute que la lecture de Dans la forêt des lilas de Nathalie Ferlut aurait un tout autre effet sur son sommeil. Si l'on retrouve certains passages obligés, comme la phase initiatique ou la rédemption, le récit flirte avec d'autres thèmes forts et finalement très contemporains malgré les ambiances post-victoriennes. Au dessin, Tamia Baudoin réalise un somptueux travail de mise en images qui permet une immersion totale dans un univers à la fois sombre et captivant.


Comment avez-vous conçu ce conte ?

Nathalie Ferlut : Je suis partie de la fin. J’aime en général que les contes finissent bien mais, pour celui-ci, j’ai finalement opté pour quelque chose de différent. En un sens, la bonne fin est ailleurs. La vie de Faith n’est pas exceptionnelle, elle n’a pas une super santé, n’a pas un destin particulier, n’a pas rencontré l’amour… Faith trouve un ailleurs dans ses rêves. Pour moi, c’est bizarrement quelque chose de positif.

Travailler sur une biographie comme celle d’Artémisia ou sur un conte comme Dans la forêt des lilas, est-ce vraiment différent ?

N.F. : Oui, c’est très différent. La facilité de travailler sur une biographie, c’est que l’histoire est déjà présente, on sait comment ça commence et on sait comment ça finit. Il est très facile d’y extraire ce qui rend le personnage intéressant, de trouver ce qui nous rapproche de ce personnage pour le mettre en valeur. La difficulté de la biographie est ailleurs : on doit s’approprier quelqu’un qui n’est pas soi, admettre que ce qu’on raconte n’est pas forcément plus vrai que si on avait inventé quelque chose puisque nous avons une vision qui est forcément subjective. Pour moi, c’est très compliqué de faire ce deuil, j’ai du mal à parler à la place des gens. Pour Artémisia, les sources de documentation n’étaient pas si nombreuses. Il faut savoir néanmoins garder les choses importantes et enlever les autres qui risquent de parasiter le récit. Il y a pas mal de parties de sa vie qui sont inconnues. Ce qu’on a essentiellement d’elle, ce sont les actes de son procès pour viol qui ont été retranscrits et traduits en français. Du coup, on ne l’entend parler qu’à travers ce drame quand elle avait 18 ans, ce qui ne ressemble pas forcément à la femme de 40 ans qu’elle a aussi été. D’un autre côté, j’ai une tendresse énorme pour les contes, j’en ai lus beaucoup. Il y a des passages obligés : des promenades, des épreuves qui vont se produire… À la base, j’étais partie là-dessus. Il y a souvent une logique dans les contes : on essaie de trouver une réponse à un problème, notamment dans ceux de La Comtesse de Ségur. Avec Tamia, la synergie passait sur autre chose. Elle a un dessin très particulier à ça a été un vrai challenge de l’accompagner. Elle fait de chouettes forêts la nuit, fait aussi de très beaux tissus… Je suis donc partie d’un petit squelette, les passages obligés d’un conte, pour m’en éloigner énormément.

Existe-t-il une sorte de bible sacrée à respecter quand on s’attaque à un conte ?

N.F. : (Rires) Il y a quelques années, j’ai fait un gros livre sur Andersen. C’était quelque chose de très personnel qui m’a pris beaucoup de temps. Il y a forcément des passages obligés, notamment celui du chemin et de la rédemption. On sait aussi qu’on doit répéter les choses drôles et les drames, pour que ce soit bien compris. La difficulté est de se demander ce qui diffère d'un scénario classique, par exemple d’héroïc fantasy, de celui d’un conte. En un sens, le conte est une forme plus ancienne dans lequel moins de choses sont autorisées. D’autre part, ce ne sont pas forcément les intérêts psychologiques du personnage principal qui dominent dans un conte. Ce qui est important, c’est tout ce qu’il va faire. Un personnage de conte c’est quelqu’un qui peut tout faire et à qui il peut tout arriver. En théorie, on sait toujours comment ça va finir.

La disparition des parents, c’est le passage obligé pour l’émancipation d’un enfant ?

N.F. : Oui, comme dans Harry Potter par exemple. Dans les contes, si les enfants ont encore leurs parents, ces derniers sont épouvantables. Un conte, c’est un peu l’idée d’un enfant lâché quelque part pour faire quelque chose qu’il doit accomplir tout seul. Je pense que le gros succès de Harry Potter, c’est que justement c’est un conte.

Le passage à l’âge adulte passe-t-il forcément par la recherche de la vérité ?

N.F. : En théorie, oui. L’intérêt du destin de l’héroïne, effectivement, réside dans sa foi, d’où son nom. Ce n’est pas ça qui la sauve mais c’est là où elle va aller habiter quand elle sera morte. Ça peut avoir un côté très chrétien. (sourire) Verity, elle, est très pragmatique, elle voit les choses comme elles sont vraiment : on a de l’argent, on survit, on n’a pas d’argent, on vend la maison.

Et pourtant, la vérité ne rend pas forcément Verity heureuse…

N.F. : Non, il lui faudrait aussi un peu de foi. (sourire) Ce qui a été agréable avec ce bouquin, c’est que j’avais, comme dans les cartes de tarot, plusieurs éléments. Je les ai ensuite mélangés sans vraie construction préalable. J’ai essayé avec ça de me raconter une histoire. Je pense que c’est un bouquin moins écrit et moins logique que ceux que je fais habituellement. J’ai fait la même chose avec Tamia puisque je lui ai envoyé l’histoire petit à petit. Il m’est donc arrivé de modifier des choses en fonction de son dessin. J’avais des images mais aucun fil directeur. Quand on lit un conte et qu’on s’en souvient, il ne nous reste également que des images, jamais le fil de l’histoire.

Le lilas évoque le printemps et l’adolescence…

N.F. : Le lilas est effectivement l’une des premières fleurs du printemps, qui sent bon et qui est très vivante. D’un autre côté, la couleur du lilas n’est pas forcément très gaie, le mauve évoque souvent le deuil. D’autre part, le bois des lilas est un endroit particulier dans les contes de la Comtesse de Ségur, un lieu qui a l’air absolument terrible. Il y a enfin la fée des lilas dans Peau d’Âne, un personnage assez extravagant. J’aimais bien l’idée qu’on puisse se perdre dans un bois alors que, concrètement, il n’y a vraiment qu’un enfant qui puisse se perdre dans un bosquet de fleurs.

Vous remerciez dans la préface Helena Bonham Carter…

N.F. : Cela vient de Tamia. Elle s’est vraiment inspirée de photos de l’actrice pour bâtir le personnage de Faith. Je pense qu’elle a dû garder des souvenirs très émus des films qu’elle avait pu faire avec James Ivory comme Retour à Howards End ou Chambre avec vue. On était au départ dans une ambiance plutôt russe puis, nous nous sommes déplacées vers une ambiance post-victorienne.

Elle a également joué dans Alice au Pays des Merveilles…

N.F. : …qui n’est pas son meilleur rôle ni son meilleur film. (sourire)

Anton comme antonyme de la foi et de la vérité ?

N.F. : Non, comme Anton Tchekhov. (sourire) Pour Les Trois Sœurs et La Cerisaie notamment. Ce sont un peu des noms et des idées « collage ». C’est aussi l’un de mes écrivains préférés et il est également mort d’une tuberculose. Il fait partie de ces auteurs atteints à l’intérieur de leur corps. Ce qui est intéressant avec le personnage d’Anton, c’est qu’on le voit assez peu. Ce n’est pas vraiment un homme objet mais plutôt un homme image. Les deux sœurs se battent pour lui, lui trouvent un intérêt. Anton a une relation pratique avec Verity avec qui il a une maison à Londres, une voiture, deux enfants… Il a une relation romantique avec Faith.

Des automatismes se créent-ils quand on réalise un deuxième album avec la même dessinatrice ?

N.F. : Oui bien sûr. Il y a des choses que Tamia réalise superbement bien et, du coup, c’est un vrai plaisir de travailler ensemble. C’est un peu comme si on formait un petit orchestre à deux. Ce n’est pas la peine d’aller chercher des choses qui vont être trop compliquées pour elle ou pour moi. Autant se mettre sur des choses que l’on fait bien. Que je travaille avec un dessinateur ou un scénariste, je suis toujours à la recherche d’un équilibre. Pendant les derniers mois de réalisation de l’album, Tamia était là également à Angoulême, ville où je réside. Sinon, habitant au fin fond du Japon, elle a l’habitude que nous travaillions par internet. À la base, c’est une éditrice qui nous avait mises en rapport et nous ne nous connaissions pas visuellement. Discuter via internet permet de gommer les différences d’âge, les cultures différentes, les comparaisons sur nos travaux précédents… Nous nous sommes finalement trouvées sur d’autres points communs.

Avez-vous participé à la réalisation de la couverture ?

N.F. : C’est essentiellement Tamia qui s’en est occupée. Elle a fait plusieurs propositions et nous sommes rapidement tombées d’accord sur celle-ci. Le gros point de discussion a été la présence des points rouges tout autour du cadre. Nous avons travaillé de concert avec l’éditeur sur les différentes options. C’est un livre de conte et l’objet est encore plus important que d’habitude.

Pensez-vous que tous les sujets peuvent être abordés avec des enfants via les contes ?

N.F. : Je ne souhaite pas qu’un enfant puisse comprendre ce qui se passe exactement dans ce bouquin. Je pense qu’un lecteur adulte va rentrer dans ce récit en se racontant sa propre histoire et va aller piocher dans ses souvenirs personnels qui ne sont pas forcément marrants. On a tous en tête des images de maladies, de peur… Même si Andersen aimait beaucoup les enfants, les contes qu’il écrivait étaient clairement destinés aux adultes.

Comment choisissez-vous les albums que vous faites en tant que dessinatrice, scénariste ou autrice complète ?

N.F. : Tout dépend des projets. Pour les bouquins réalisés avec Tamia, cela dépend de ce que j’aime, de la synergie, des images, d’une certaine façon de travailler… Pour La Pyramide de Ponzi, où je suis uniquement dessinatrice, c’est le scénariste qui m’avait apporté ce sujet car il savait que j’avais déjà travaillé sur le New York du tout début du 20eme siècle. Pour moi, c’était très agréable de retourner dans les documentations que j’avais pu faire six ans avant pour Eve sur la balançoire. Il m’arrive aussi d’avoir envie de bosser avec quelqu’un sans que le projet ne m’emballe vraiment ou le contraire mais ce sont en général de mauvaises raisons. Pour le prochain album, j’écris le scénario pour un tout jeune dessinateur. Ce sera un polar qui se passe à Paris au milieu du 20eme siècle. Pourtant, au départ, j’étais partie pour le dessiner moi-même. Il y a parfois des choses que je fais en fonction de la personne. Pour d’autres, comme celui-ci, j’ai l’impression que le faire dessiner par quelqu’un d’autre va amener quelque chose en plus. Il y aussi d’autres projets qui sont tellement personnels qu’il est presque impossible de les partager. C’est aussi une question de temps. Quand je travaille seule, il me faut deux ans et demi à trois ans pour réaliser un album. Il y a bien sûr l’aspect économique qui entre en jeu mais également la frustration qu’il y aurait à ne faire un livre que tous les trois ans.

D’autres projets ?

N.F. : Oui, un en tant qu’autrice complète mais c’est encore un peu tôt pour en parler.

Il s’agit d’un conte ?

N.F. : Oui. Si je ne travaille pas sur un conte régulièrement, je suis malheureuse. (sourire) La première fois que j’ai retrouvé le plaisir du conte, c’était en travaillant sur une chronique dans les années 80. Le personnage que je traitais avait justement les caractéristiques d’un personnage de conte. Je me suis aperçue alors qu’une histoire contemporaine pouvait très bien prendre la valeur de conte. Les comédies romantiques que l’on peut voir au cinéma sont en fait des contes.



Propos recueillis par L. Gianati

Bibliographie sélective

Dans la forêt des lilas

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La pyramide de Ponzi

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Artemisia

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Andersen - Les ombres d'un conteur

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Eve sur la balançoire
Eve sur la Balançoire - Conte cruel de Manhattan

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