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« UCC Dolorès est un jouet qui se lit »

Entretien avec Lyse et Didier Tarquin

Propos recueillis par Laurent Gianati Interview 06/01/2019 à 01:40 10057 visiteurs

Voilà une sortie qui ne devrait pas passer inaperçue. Longtemps associé - trop ? - intimement à la célébrissime série Lanfeust, Didier Tarquin réalise enfin son premier projet en solo. En solo ? Pas exactement. Lyse, sa compagne, a non seulement commis les couleurs mais aussi participé très activement au premier tome d'UCC Dolorès. Libéré de toutes contraintes, le dessinateur de Lanfeust Odyssey s'en donne à coeur joie dans un récit qu'on pourrait aisément qualifier de western intergalactique. Un enthousiasme qui transpire des quelques réponses que le couple a bien voulu apporter à nos nombreuses interrogations. 

Réaliser un album en tant qu'auteur complet, ça vous trottait dans la tête depuis longtemps ?

Didier Tarquin : Oui. Mon rapport au dessin a toujours été un rapport à l’histoire. Il m’est impossible de faire une illustration avec un dragon si je ne sais pas ce qu’il se passe derrière. Il y a plein de choses qui se passent dans ma tête depuis très longtemps donc, fatalement, des histoires. Certaines sont là et stagnent puis meurent tandis que d’autres germent. C’est le cas de Dolorès qui a germé petit à petit pour donner des fruits. D’un autre côté, j’ai aussi un âge où forcément j’ai envie de réaliser ce que je n’ai pas encore eu l’occasion de faire. Une certaine maturité est arrivée, ainsi qu’un peu plus d’assurance également. Faire un bouquin est une vraie traversée en solitaire. 

Si vous aviez réalisé Dolorès il y a quelques années, l’histoire aurait donc été différente ? 

D.T. : Oui, complètement. Il y a eu un long cheminement avant d’arriver à la version finale. La première mouture était de l’héroïc-fantasy humoristique dérivée du monde de Troy. Finalement, ça n’a pas pu se faire. Et tout s’est transformé pour devenir de l’héroïc-fantasy sérieuse. Il a fallu cinq-six ans pour en arriver là. Forcément, j’avais aussi beaucoup de travail par ailleurs et je ne pouvais travailler dessus qu’un à deux mois par an. Il a été aussi nécessaire que la greffe prenne entre l’histoire et l’auteur. Je serais incapable de raconter quelque chose que je ne sens pas. J’ai moi-même évolué et mûri et je pense que cette histoire me ressemble. 

C’est un projet qui a donc évolué au fil du temps…

D.T. : Oui. Je pense que le récit a gagné petit à petit en profondeur. Je pense que la bascule s’est produite quand je me suis demandé pour quelles raisons les personnages agissaient ainsi. Quand on se pose cette question, on se doit de réfléchir à leur vécu. À partir de là, rester uniquement dans l’humour s’avère impossible. Le vécu, ce sont souvent des cicatrices, ce qui est tout sauf marrant. Ce sont des bleus et des bosses laissés par la vie et qui font le relief des personnages. 

L’idée de l’héroïne était-elle présente à l’origine ? 

D.T. : Au départ, c’était une Légende de Troy. Je ne me sentais pas la carrure pour réaliser une histoire en solo. Quand Arleston a émis le souhait de créer cette collection, cela m’a semblé accessible car c’était finalement le monde de Troy que je connaissais bien. J’ai donc tenté ma chance mais Arleston m’a fait comprendre que c’était lui le scénariste et que le monde de Troy était son bac à sable. J’avais quand même en tête mon histoire et les personnages. J’ai donc retravaillé le récit pour le sortir du monde de Troy. On est finalement très loin de la version originale. Au tout début, il y avait deux personnages qui étaient deux jumeaux. J’ai par la suite eu envie d’un peu plus de relief. J’ai donc souhaité un homme et une femme plutôt que deux hommes. Puis j’ai abandonné l’idée de la fratrie et j’ai imaginé une jeune nana et un mec plus âgé. Enfin, pour donner encore plus de relief, la jeune nana devait être une oie blanche et le mec plus âgé un bourru. Avec le temps, les traits et les différences se sont vraiment affirmés. On est passé de quelque chose de semblable avec les deux jumeaux à deux personnages qui sont complètement opposés. Cela m’a aussi permis de m’émanciper du monde de Troy. 

Est-ce la raison qui vous a poussé vers un autre éditeur ?

D.T. : Non. Je me suis rendu compte que je devais mener cette expérience jusqu’au bout. C’est à dire faire des choses différentes, travailler de façon différente et éventuellement avec un éditeur différent. Je n’avais toujours travaillé qu’aux éditions Soleil. J’avais envie de me frotter à d’autres personnes, de discuter avec des gens qui avaient peut-être une autre conception sur l’élaboration d’un album. Il y avait aussi ce besoin de me dire qu’ailleurs je ne ferai pas partie des meubles. Quand on travaille longtemps dans une même boutique, on a la crainte de s’enliser dans quelque chose de trop confortable. 

Et cela tombe l’année du cinquantenaire des éditons Glénat…

D.T. : On appelle ça l’alignement des planètes. 

Lyse Tarquin : C’est aussi les trente ans des éditions Soleil.

D.T. : La fin du cycle de l’Odyssey… Tout ça n’est pas calculé. De toutes façons, ça n’aurait pas pu l’être puisque je n’avais aucune idée de la date à laquelle j’allais terminer Dolorès. 

Comment s’est déroulée la collaboration avec les éditions Glénat ?

D.T. : Lors du premier contact, je leur ai proposé deux histoires. La première correspondait à la première retouche de ce que je voulais faire, c’était donc encore de l’héroïc-fantasy humoristique. La deuxième était Dolorès. J’ai essayé de leur vendre les deux de la même manière et de voir laquelle pouvait éventuellement les intéresser. J’ai souhaité proposer deux projets car je voulais être jugé tout de suite sur mon travail. J’étais aussi persuadé qu’à partir du moment où ils choisissaient un projet, ils allaient ensuite se battre pour lui. Ils n’ont pas dit oui à Tarquin mais à une histoire. Par la suite, il a fallu communiquer sur le fait que je n’étais pas Tarquin mais le dessinateur de Lanfeust, ce qui veut dire que non seulement je ne suis qu’un dessinateur mais en plus le dessinateur d’une seule série. Je me considère comme en contrat d’apprentissage. J’ai besoin de gens qui puissent me dire qu’à tel ou tel endroit je me plante. Et les personnes de chez Glénat l’ont très bien fait. Quand quelque chose n’était pas bon ils argumentaient, libre à moi ensuite de suivre ou pas leurs conseils. Une fois les pages terminées, c’est Lyse qui prend le relais. Elle scanne les planches et assure sur tout ce qui est technique. Elle est coloriste, bien sûr, mais elle pourrait très bien être chef de fabrication d’un album. C’est très confortable pour moi et pour l’éditeur qui va avoir un interlocuteur qui n’est pas une diva artistique. Une fois l’album terminé, la maquette a été superbement réalisée. Il y a ensuite eu un gros travail de communication. Aujourd’hui, je ne vois pas ce qu’ils auraient pu faire de plus, c’est du cinq étoiles. 

L.T. : Quand on travaille sur un album, on a très peu de recul. On est complètement immergés dans cet univers et on ne sait absolument pas ce qu’il se passe en dehors. C’est donc très important d’avoir un éditeur qui suive les auteurs et le projet.

Glénat a-t-il hésité longtemps entre les deux projets proposés ?

D.T. : Non. J’ai en fait proposé ces deux projets à deux éditeurs : Ankama et Glénat. Les deux ont choisi Dolorès qui s’appelait à l’époque Kash & Mony. Tous deux m’ont donné comme argument qu’ils avaient l’impression que j’avais plus envie de raconter cette histoire plutôt que l’autre. Je pense qu’il ne faut pas trop chercher à comprendre. Si j’avais choisi le mauvais projet, je n’aurais pas pu le mener jusqu’au bout. 

25 ans de Lanfeust, ça laisse forcément des traces. Quand on attaque un nouveau projet, est-ce l'occasion d'essayer de faire quelque chose de complètement différent niveau dessin et/ou scénario ?

D.T. : Absolument. Je n’ai pas le choix de mettre Lanfeust de côté puisque j’en suis le dessinateur. On sait pertinemment que le temps passé sur un projet en tant que scénariste ou en temps que dessinateur n’est pas du tout le même. Travailler sur Dolorès a donc impliqué que je fasse une pause sur Lanfeust. D’un autre côté, je n’ai pas envie de m’écarter complètement de cet univers. Pour moi, Lanfeust est en stand-by, il faut laisser le moteur refroidir. On est debout sur les accélérateurs depuis 1994. Je pense qu’il est temps pour tout le monde de laisser un peu décanter. J’ai réellement besoin de faire autre chose, et cet autre chose c’est Dolorès. Dolorès, c’est l’espace dans lequel tout est possible. Les rares personnes ayant pour l’instant feuilleté le bouquin ont assez vite compris que l’auteur de Dolorès était forcément un geek des années 80. Je pense qu’il n’est pas la peine de lutter contre sa nature, ça transpire par toutes les cases de ce bouquin. Si demain j’ai envie que l’UCC Dolorès atterrisse sur une planète Mad Max, franchement je me ferais plaisir. Si l’album d’après je décide que l’univers sera du Cyberpunk, je ferais du super Cyberpunk. 

Quelle a été votre première envie pour démarrer la série ?

D.T. : Au départ, Dolorès est pour moi du western. Si ce n’avait pas été de la science-fiction mais quelque chose de plus réaliste, je serais parti d’une nana qui sort effectivement d’un orphelinat, qui n’a pas sa place à New York ou à Boston et prend la piste avec un char à boeufs. Elle aurait ensuite fait la connaissance d’un vieux bonhomme qui serait donc Kash. On imagine très bien dans les yeux de cette gamine les différents chocs : elle va découvrir des contrées très verdoyantes, des déserts, la nature, l’hostilité des tribus… J’avais envie qu’on retrouve ça dans UCC Dolorès. Ainsi, les premières pages sont de type très héroïc-fantasy dans le couvent et tout à coup, on se retrouve dans Blade Runner. Ensuite, je voulais passer de l’ultra-plein vers le vide, donc l’espace. Puis, j’ai choisi un endroit qui soit le paradis. On se retrouve ainsi à Ténérife, une planète qui a des airs de Polynésie. Les couleurs ont joué un rôle très important. L’histoire est une série de chocs et je voulais que ça suive visuellement. Si on feuillette le bouquin rapidement, on se rend compte que l’on tombe sur des pages très rouges, puis très bleues.

L.T. : Je voulais vraiment rythmer l’histoire avec les couleurs et changer à chaque fois d’ambiance pour montrer des passages, des étapes. Il y a donc des scènes très marquées avec des couleurs dont on ne s’attend pas forcément : des espaces rouges à l’intérieur avec un code vert pour le vaisseau, dans le couvent ce sont des couleurs plus chaudes et sombres… 

D.T. : Je voulais du rouge dans les arènes pour représenter l’enfer. J’imagine que ça sent la sueur dans cet endroit, pire que dans les gymnases les plus affreux. (sourire) C’est une manière d’amener notre petite nonne, de la faire passer de cette espèce de petit paradis à l’enfer direct. On se doute bien que Mony va se prendre un maximum de baffes. 

Cette histoire possède tous les éléments d’un conte…

D.T. : C’est pour ça qu’on retrouve le côté Petit Chaperon Rouge avec le loup quand elle rentre dans les bas-fonds. J’ai mis certaines choses de façon consciente et d’autres qui seront propres à chaque lecteur. Ce qui nous fait très plaisir, c’est de voir à quel point les gens glissent des éléments comme s’ils s’étaient appropriés l’histoire. 

L.T. : Les lecteurs trouvent même des références auxquelles on n’avait pas du tout pensé. 

Star Trek, Star Wars, Valérian… par exemple ?

D.T. : Oui. Je pense qu’on commence à comprendre un peu de quel bois on est fait, ce qui était presque impossible quand je faisais Lanfeust. Réaliser quelque chose de neuf fait que tout est possible. Je me retrouve finalement à faire un bouquin qui nous renvoie notre propre image. Si on devait me définir aujourd’hui, je pense qu’on dirait que je suis quelqu’un qui a été très influencé par certaines choses, très marqué par une culture pop dans les années 80-90. Aujourd’hui, ces références sont à peine camouflées et je les ressors pratiquement telles quelles. Certaines personnes transforment une bouteille en pied de lampe. Je pense que je suis un auteur qui fonctionne comme ça. Si on doit chercher des références de films, je dirais Sierra Torride avec Clint Eastwood et une jolie rouquine, Shirley MacLean. Il accompagne une nonne qui est sur un petit mulet. On retrouve le Clint Eastwood du Bon, la Brute et le Truand avec son poncho et son cigarillos. À moment donné, la nonne enlève sa coiffe et on découvre une magnifique femme. Elle devient l’exact opposé de ce qu’elle était au départ. Gamin, j’avais adoré ça. 

Une nonne qui ressemble donc beaucoup à Mony…

D.T. : Oui, Mony lui ressemble. Elle a zéro vécu, elle n’a aucune vision du monde, sinon celle que cette espèce de dogme, les Nouveaux Pionniers, lui a mis dans la tête. Son physique non plus ne lui appartient presque pas, puisque dès qu’elle sort du couvent, on la prend pour une certaine Jessy. Mony est complètement vide. Evidemment, la question est de savoir comment elle va se transformer, cette petite chenille va donner quel type de papillon ? La première direction que donne la boussole, c’est ses cheveux. Sous son habit de nonne, on découvre une magnifique rousse aux formes généreuses. On se doute donc bien qu’il va y avoir des fringues moulantes, des flingues… Va-t-elle encore prier ou va-t-elle utiliser ses armes ? 

La religion est omniprésente, même dans le futur…

D.T. : Et ce ne sera jamais autrement. Elle prendra peut-être des formes que l’on n’imagine pas encore. Elle a toujours existé dans le passé… L’homme a eu de tout temps besoin d’avoir quelque chose au-dessus de lui. Je ne prends pas la religion comme quelque chose de négatif mais comme un outil, une béquille. Elle peut aussi bien donner Soeur Thérésa que Torquemada. On se posera toujours des questions sur la mort, sur la vie…

Les chevaliers teutoniques donnent un côté un peu vintage…

D.T. : Oui, j’aime le mélange des genres. Je ne vois pas pourquoi ne pourraient pas cohabiter des chevaliers teutoniques et des vaisseaux ultramodernes. 

Les deux planches de trajet dans l'UCC Dolorès cassent le rythme du récit et permettent aussi de glaner quelques infos à travers les yeux de Mony. Avez-vous travaillé de façon particulière ces pages pour conserver l'attention du lecteur ?

D.T. : Il fallait casser le rythme et absolument commencer à mettre en place des ellipses sinon l’histoire se serait déroulée en une semaine sur trois albums. Ce n’était tout simplement pas assez pour opérer la transformation de Mony ni pour aller d’un point à l’autre de l’espace. J’avais donc besoin de ce laps de temps. J’avais aussi besoin que l’on puisse rentrer dans la tête de Mony, qu’on l’entende penser. Finalement, on découvre tout par rapport à elle. La meilleure solution était le journal intime pour deux raisons. La première est que ceci implique une narration à la première personne ce qui permet une sorte d’empathie. La deuxième est que, par rapport à ce monde qui est très technologique, Mony vient d’un monde qui appartient encore au passé : un monde d’héroïc-fantasy avec des chevaliers teutoniques… On imagine très bien qu’elle ait pu écrire ces lignes à la main, voire à la plume. Cela a permis aussi de passer du jour un au jour trois, puis au jour quinze… 

Sur la couverture, on voit les quatre principaux personnages sans le vaisseau qui porte pourtant le nom de la série…

D.T. : Il y a eu un paquet de couvertures avant la définitive (sourire)… Au départ, on voulait y mettre effectivement l’UCC Dolorès. (ndlr : voir le portfolio).

L.T. : … qui se trouve sur la quatrième de couverture pour qu’il ait bien sa place à lui. C’est vraiment un personnage à part entière. 

D.T. : Cette couverture a été compliquée à faire… On voulait créer une sorte de charte que l’on retrouve ensuite sur chaque album de la série. Au début, j’étais parti uniquement sur le personnage de Mony. Malheureusement, elle ne représente pour l’instant pas assez de choses. On a donc rajouté Kash, un bon gros musclé avec un gros flingue. Je trouvais qu’il manquait un côté un peu baroque, grouillant. Lyse gravite beaucoup autour du monde de l’illustration, elle lit énormément de bouquins. C’est elle qui me propose de réaliser une couverture qui fait référence aux films des années 80, un peu à la manière de Drew Struzan qui a fait celles de Star Wars, d’Indiana Jones… J’ai donc commencé à travailler là-dessus puis Lyse m’a fait remarquer que Kash avait trop d’importance sur la première version. Je lui ai donc laissé la couverture et lui ai donné carte blanche. Elle a tout simplement replacé les personnages. Ça se joue à rien, c’est du Tétris.

L.T. : Il faut redessiner certains endroits, remonter le totem. 

D.T. : Elle a replacé certains éléments pour que Mony ne soit pas étouffée. 

L.T. : Qu’elle soit au centre et que les autres personnages gravitent autour d’elle sans que Kash ne prenne le pas comme c’était le cas au départ. 

D.T. : C’est la première couverture sur laquelle je ne peux pas revendiquer 100% du dessin. C’est le gros avantage d’avoir une coloriste qui sait dessiner. 

Comment avez-vous travaillé sur le logo ?

D.T. : L’idée vient de Glénat au départ. Ils avaient proposé plein de choses mais la tête de mort était toujours présente. Le concept me plaisait bien car je trouve que c’est le genre de série qui a besoin d’un logo. Ils avaient l’idée de mettre la tête de mort qui passe d’un côté à l’autre du livre, de la couverture à la quatrième de couverture. Je trouvais ça au départ gadget puis je me suis rangé à cette idée car finalement, UCC Dolorès est un jouet qui se lit, un peu comme Star Wars qui est un jouet qui se voit. Le logo fait donc partie du jouet. 

On peut donc imaginer des produits dérivés avec le logo incrusté…

L.T. : Oui, bien sûr ! 

D.T. : Cela fait partie de notre ADN. J’espère que ce n’est pas trop tard mais on aimerait bien aussi faire un tampon pour les dédicaces. Il y a déjà des gens qui ont l’idée de faire une plaque en métal à partir de la flingueuse qui se trouve sur l’UCC Dolorès. C’est une BD qui s’assume en tant que produit de consommation. Je n’ai aucun souci avec ça, on y a mis tout notre amour dedans. 

En combien de tomes la série est-elle prévue ? 

D.T. : En trois tomes. Je ne veux pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. J’ai une histoire en trois actes donc ce sera trois albums. Je ne peux pas raisonnablement proposer un tome quatre sans savoir si le tome un va se vendre. Par contre, par souci d’honnêteté vis à vis du lecteur qui nous aura suivis, par orgueil aussi, je veux proposer trois albums qui forment une vraie histoire avec une vraie fin. Il est bien évident que si ça marche, je ne vais pas m’arrêter là surtout que j’ai déjà l’idée de faire un album « Mad Max », un album « Seigneur des Anneaux », ou un album « Cyberpunk ». J’en ai encore plein dans la tête. Quelle frustration ce serait d’arrêter là si ça marche ! Dans les trois premiers tomes, il y a déjà les jalons pour le quatrième. Les jalons ne sont pas forcément visibles par le lecteur mais quand le quatre sera là, ce sera juste évident. 

Avec quel rythme de parution ?

L.T. : Le tome deux devrait sortir à la fin de l’année 2019. C’est pour ça qu’on a gardé au chaud quelques temps le tome un, pour que les deux premiers tomes aient une sortie rapprochée. Le tome trois devrait suivre l’année d’après. 

D.T. : Concernant le tome trois, il y a toujours la grosse question de la pagination. J’ai très envie d’avoir un bouquet final dans lequel les lecteurs vont en prendre plein la gueule. Avec l’expérience, j’ai la possibilité de dessiner pratiquement tout ce dont j’ai envie. Je n’ai donc pas l’intention de m’en priver. Si j’ai la possibilité de faire 60 pages tout en restant dans le timing… Il faut aussi prendre en compte le fait que nous faisons partie d’une industrie, celle du livre. Le but étant aussi de ne pas faire trop souffrir la machine qui est derrière… 

L.T. : Ce sont des planches sur lesquelles le temps de découpage est assez long. 

D.T. : Il y a beaucoup de retouches qui sont apportées, des choses que je revois régulièrement. Si Dolorès était un morceau de musique, il n’y aurait pas beaucoup de textes. Par contre, le but serait de faire danser les gens, qu’il y ait un bon tempo. C’est aussi les conséquences d’une culture hollywoodienne. On sait pertinemment que les films sont faits en trois tiers… On a beaucoup regardé les films de Ridley Scott qui a un directeur de photographie exceptionnel. 

L.T. : Je regarde aussi de mon côté énormément de films et de dessins animés. Je voulais que le vaisseau ait un côté un peu vintage que Didier a mis au dessin mais aussi high-tech grâce aux couleurs. J’ai donc fait apparaître des hologrammes qui sortent du tableau de contrôle de façon à ce que le pilotage puisse être aussi tactile. 

D.T. : Je n’avais jamais imaginé ça. 

L.T. : J’ai eu envie d’amener des petits détails pour ceux qui veulent relire. 

D.T. : Autre exemple, les Rasseths sur l’île de Ténérife. Je ne les voyais pas du tout comme ça. Lyse m’a fait du Cosmocats. Quand j’ai vu ça, j’ai fait oui ! Quand elle m’avait demandé de les décrire, je lui avaitsdit que c’était des animaux superbes qui ont été domptés, ils n’ont donc plus de canines. Ils sont en totale osmose avec leur monde mais les hommes sont venus un peu comme dans Avatar. Avec cette description, voilà ce que Lyse en a fait. C’est juste parfait. Cela me permet aussi de pousser le curseur un peu plus loin dans le deux, grâce à ce changement. 

L.T. : Il y a aussi une page dans laquelle le soleil se lève et Mony est en train de se faire maquiller par l’une des petites autochtones. On voit dans la première case qu’il y a des petits pollens phosphorescents au lever du jour qui viennent se répandre. Au départ, ça peut passer inaperçu. Pour ceux qui ont envie de relire, ils vont se rendre compte qu’il y a un écosystème sur la planète et que les plantes ont aussi une vie. 

D.T. : C’est son côté fan de Mizazaki, de Nausicaä… Elle a aussi traité des plantes comme des coraux, comme si c’était sous l’eau, alors qu’elles sont à l’air libre. Il y a une particularité sur Ténérife : il n’y a pas d’horizon. J’ai demandé à Lyse qu’elle fasse la nuit le ciel qu’elle voulait mais que le ciel ait son reflet. Du coup, l’oeil du lecteur situe l’horizon à peu près à un endroit juste parce qu’il perçoit le reflet miroir. Cela permet d’avoir l’impression que tout flotte. Cette idée vient des Maîtres du Temps, de la planète de Piel en particulier. Ce personnage est sur une planète d’eau, un peu à la Moebius, sur laquelle il n’y a pas une seule vague. Cela donne un tel effet miroir qu’on sait que c’est de l’eau uniquement quand quelqu’un la touche. J’avais adoré ce concept. Dans ces films de René Laloux, les planètes sont des vraies planètes. On se trouve vraiment dans des autres mondes. Même au niveau du son, si j’avais la possibilité de l’inclure dans la BD, ce serait différent. Il y a des ambiances, des bruits d’insectes… C’est notre terrain de jeu et on en a encore beaucoup sous la pédale. 

L.T. : On a très hâte de faire le deuxième. 

D.T. : Oui. Ce que je veux, c’est que les personnages prennent du relief. Le monde a aussi quelque chose à raconter. 

Dont la guerre dont on sait finalement très peu…

D.T. : On ne connaît de la guerre que ses stigmates. C’est ça qui est intéressant, les cicatrices. 

La généalogie de l’histoire est finalement portée par l’UCC Dolorès…

D.T. : Oui. Le vaisseau est au centre de l’histoire. Il y a cette question de l’héritage : quand on hérite de quelque chose, on en fait quoi ? Ce n’est pas notre histoire mais elle devient la nôtre. Mony n’a pas le choix que de la récupérer. Que peut-elle en faire ? C’est quelque chose qui va la faire grandir ou la détruire ? Comment peut-elle être elle-même sachant que l’UCC Dolorès est l’exact opposé de ce qu’elle est ? Kash est mort de rire quand elle dit qu’elle veut faire de l’humanitaire. Avec un vaisseau de guerre, c’est stupide. En même temps, c’est presque attendrissant qu’elle puisse penser un truc pareil. J’ai beaucoup aimé Jeremiah aussi avec ces deux principaux personnages qui sont très différents également. Un a envie de bâtir un monde meilleur tandis que l’autre a juste envie de rester vivant. Mais ils ont besoin l’un de l’autre. 

Kash et Mony dans la forêt de Ténérife rappellent un peu Bragon et Pélisse…

D.T. : Bien sûr. C’est quelque chose que je ne peux pas enlever de mes doigts. Je fais partie de l’école Loisel, ça se voit depuis le premier tome de Lanfeust. C’est plutôt une bonne pioche… Outre le côté graphique, c’est aussi un excellent metteur en scène. C’est quelqu’un qui a le sens du silence. Il est capable de nous tenir en haleine avec rien. Nous vivons dans une société qui considère le « rien » comme une source de pauvreté, il faut qu’on remplisse toujours avec le maximum de sons et d’images. La vraie vie, ce n’est pas ça. Ce n’est pas parce qu’il ne se passe rien que c’est inintéressant. On retrouve ça aussi chez Taniguchi. 

Une version noir et blanc accompagne la version normale…

L.T. : Oui. Il y aura en plus un petit cahier de croquis, des petits ajouts de textes, une sorte de making of. Il y a aussi les évolutions présentes entre le premier projet de Dolorès qui était beaucoup plus humoristique et ce que c’est devenu aujourd’hui. 

D.T. : On a retrouvé une planche qui est la copie conforme de la version finale sauf qu’elle était alors en version humour. C’est marrant de voir la transformation des personnages. Le découpage, la mise en scène et les couleurs étaient différentes. 

Une exposition est également prévue à la Galerie Glénat à partir de la fin du mois de janvier…

D.T. : Oui. C’est une sélection de planches qui sera exposée, à peu près la moitié de l’album.

L.T. : Il y aura la couverture, la page de garde…

D.T. : C’est aussi l’occasion pour les lecteurs de voir mon travail. 

Avec une mise en vente ?

D.T. : Il y aura une mise en vente oui. Ça permet aussi de créer un buzz. Quand on m’a proposé cet album, les gens m’ont dit d’emblée que visuellement ça devrait être quelque chose de remarquable. 

L.T. : Le but est plus de montrer les originaux que de vendre.

D.T. : Effectivement, on s’est posé la question. Régulièrement, il y a des gens qui veulent nous acheter des pages. Je n’ai pas trop d’opinion là-dessus, je suis trop dans l’histoire des personnages.



Propos recueillis par Laurent Gianati

Information sur l'album

U.C.C. Dolores
1. La Trace des nouveaux pionniers

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