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Jérôme Hamon : « Si j'étais seul, mes histoires seraient différentes »

Entretien avec Jérôme Hamon et Suheb Zako

Propos recueillis par L. Gianati, L. Cirade et A. Cirade Interview 13/12/2018 à 11:29 5145 visiteurs

L'idée première est de penser qu'un scénario est d'abord écrit, puis vient ensuite la quête du dessinateur qui saura le mettre en images. Pour Dreams Factory, il s'agit d'abord d'une rencontre, celle de Jérôme Hamon, dont on a déjà pu apprécier le travail sur Emma et Capucine ainsi que sur Nils, et Suheb Zako, qui vient du monde de l'animation. C'est ensemble qu'ils ont monté le récit d'un conte résolument moderne cherchant ses racines aussi bien dans Hansel et Gretel que dans Alice au Pays des Merveilles.


Votre rencontre a donc été antérieure à l'écriture du scénario...

Suheb Zako : Oui. Dans un premier temps, on a pas mal échangé sur internet. Jérôme m'avait contacté en disant qu'il avait très envie de collaborer avec moi. De mon côté, j'avais aussi très envie de réaliser une BD. Néanmoins, comme je viens de l'animation, je préférais d'abord faire mes armes et prendre mon temps. Donc ça a un peu traîné et l'envie de travailler avec Jérôme a été la plus forte. L'album a été réalisé en deux ans.

Jérôme Hamon : J'adorais son style et la grande question a été de savoir ce que nous pouvions faire ensemble. Suheb avait envie d'un univers très victorien. On est ensuite partis sur le conte d'Hansel et Gretel qu'on a voulu moderniser. De là est née une collaboration extrêmement riche.

Une fratrie, comme dans Emma et Capucine, est-elle une relation propice au développement d'une histoire destinée à la jeunesse ?

J.H. : Cela apporte une richesse dans les rapports humains. Ces relations frère-sœur vont beaucoup évoluer dans le tome deux.

S.Z. : Cette relation possède aussi des points faibles...

C'est aussi une histoire où ce sont les femmes qui détiennent le pouvoir et agissent...


S.Z. : J'ai été élevé en grande partie par ma mère et ma sœur. Je pense aussi qu'on se doit aujourd'hui de mettre les femmes en avant.

J.H. : J'ai deux sœurs et j'ai grandi dans un univers très féminin. Les femmes sont en général assez peu représentées dans le milieu de la bande dessinée. Ça nous intéressait de parler d'une héroïne.

Madame Sachs a tout d'une jolie sorcière très élégante...

S.H. : Il me semble que c'est le premier personnage qu'on a trouvé ensemble avec Jérôme. On voulait partir sur quelque chose inspiré de contes. Mais on souhaitait aussi quelque chose de plus moderne. Au lieu d'avoir une sorcière avec le nez crochu et la petite verrue habituelle, on a décidé de dessiner une femme forte, influente, très belle. Tous les autres personnages sont partis de Madame Sachs.

Le prénom de Madame Sachs aurait pu être celui de Goldman, le nom d'Indira aurait pu être Gandhi...


J.H. : C'est carrément ça. Les sorcières, à la base, sont des personnages puissantes que l'on craint. Pour moi, ceux qui représentent le mieux ces êtres dans un monde moderne, ce sont les chefs d'entreprise. Ils sont à la fois craints et respectés. C'est une façon de personnifier un peu le capitalisme. Je n'aime pas les personnages qui ont glorifié la guerre, je préfère évoquer ceux qui ont changé le monde sans armes. Indira représente l'opposition entre le capitalisme et l'Inde, tout en restant dans quelque chose d'assez réaliste.

Le lieu et l'époque restent flous...

J.H. : Ce qui nous intéresse, c'est de parler de quelque chose d'un peu universel, de ne pas figer l'histoire dans l'espace et dans le temps. Dans notre esprit, nous savons exactement où le récit se situe, en Angleterre. Mais ça pourrait très bien se passer ailleurs

S.Z. : C'est une vision fantasmée de Londres.

Ne jamais voir le visage du père d'Indira, c'est pour accentuer son absence ?

S.Z. : Complètement. On voulait vraiment que l'histoire tourne autour des enfants. Quand on suit des adultes, ces derniers sont directement liés à l'usine et au mystère qui l'entoure. Cela fait un peu penser aux vieux dessins animés comme Tom & Jerry dans lesquels tous les adultes sont coupés. Ils faisaient en fait partie du décor.

J.H. : C'était une idée de Suheb que j'ai trouvé hyper forte : on s'est placés du point de vue des enfants. Les adultes sont présents mais on ne les voit pas.

S.Z. : Ce sont vraiment les enfants qui se débrouillent avec leurs propres moyens.

Le dessin devait être plutôt rond pour évoquer un sujet aussi difficile...


S.Z. : J'aime bien tout ce qui est rond et doux. J'aime aussi le contraste qu'on peut voir par exemple chez Miyazaki. L'apparence est belle et douce mais les thèmes sont souvent très sérieux .

On retrouve aussi Miyazaki dans les thèmes abordés dans Nils...

J.H. : On a mis en commun tout ce qu'on aimait pour essayer de créer quelque chose d'autre. 

Les teintes froides présentes dans Dreams Factory ont-elles eu une influence sur la façon de dessiner ?

S.Z. : J'ai fait le dessin mais c'est Lena Sayaphoum qui a réalisé les couleurs. C'est elle qui a vraiment apporté sa touche en y intégrant ce bleu que je trouve très beau. Il se marrie très bien avec le récit et avec le dessin.

J.H. : On avait imaginé au début faire ce projet à deux. Quand est venue la question des couleurs, nous avons commencé à réaliser les planches. Nous étions plutôt contents du résultat mais on a senti qu'il nous manquait quelque chose. Du coup, comme je travaille également avec Lena sur Emma et Capucine, je l'ai contactée pour savoir si ça pouvait l'intéresser. On s'est très bien entendu tous les trois et je trouve qu'elle a apporté quelque chose d'autre au niveau des couleurs et des textures. La gestion des lumières, notamment les contrejours, sont particulièrement réussis.

S.Z. : Lena et moi venons tous les deux du monde de l'animation, on parle donc le même langage. Malheureusement, elle ne sera plus là sur le tome deux, victime de son succès.

J.H. : Elle a en fait passé plus de temps sur les couleurs de Dreams Factory que sur le dessin d'Emma et Capucine. En fin de compte, sa position était délicate. Elle avait sa vision des choses mais elle devait aussi composer avec Suheb. Se comprendre et trouver un terrain d'entente s'est révélé long et fatigant pour elle.

S.Z. : Barbara Canepa (Co-éditrice de la collection Métamorphose - NDLR) a aussi une idée très précise du contenu des albums de sa collection, un élément externe supplémentaire. Je m'occuperai donc des couleurs sur le tome deux... et je flippe. (rires)

Cela veut donc dire une rupture avec les couleurs du premier tome ?


S.Z. : Le récit nous encourage à tester autre chose. On va respecter tout le travail réalisé par Lena tout en y apportant une touche personnelle.

J.H. : Il y aura une continuité en terme graphique dans la gestion des couleurs. Le tome deux sera à la fois une bouffée d'air et un pari. La mise en place est faite et maintenant on peut y aller. Il va partir sur les chapeaux de roue autant dans la narration que graphiquement.

Lena et Suheb ont été contactés via les réseaux sociaux...

J.H. : Les dessins de Suheb et de Lena apportent véritablement quelque chose de nouveau dans la bande dessinée. Ils ont chacun des styles propres que l'on ne trouve pas ailleurs. Il est très différent de travailler avec de jeunes auteurs comme eux et de collaborer avec d'autres comme Antoine (Carrion, dessinateur de Nils, NDLR) qui avait déjà une certaine expérience dans la bande dessinée avant d'attaquer Nils. Chaque relation est différente. Avec Suheb, on a travaillé main dans la main. Il s'est approprié certaines scènes en insistant sur certains passages par exemple. Je n'ai pas cet œil de la précision, de mettre des temps intermédiaires. Antoine Carrion, lui, aime bien travailler sur des ambiances et il est finalement plus illustrateur que storyboarder. Suheb, c'est exactement le contraire. J'aime bien varier mes collaborations, pouvoir travailler de façons différentes. En tant que scénariste, c'est aussi se remettre en cause. Je sais pertinemment que si j'avais été seul, mes histoires auraient été très différentes.

S.Z. : J'ai énormément appris sur ce premier album et j'espère continuer à apprendre sur les suivants.

En combien de tomes cette série est-elle prévue ?


J.H. : En deux tomes.

C'est finalement un album sur le mensonge...

J.H. : L'un des thèmes est celui de la candeur de l'enfance, un peu comme Loisel a pu le faire sur Peter Pan. La question est de savoir ce que le travail d'un gamin peut avoir comme répercussion sur son enfance et comment des êtres aussi fragiles vont réagir par rapport à ça. Sur la fratrie Eliott - Indira, la question se pose de qui va finalement aider l'autre et jusqu'où ils sont prêts à aller pour le faire. Le fait d'être jeune permet-il d'aller plus vers la noirceur ? La candeur est ici opposée à la rationalité.

La notion d'amnésie est aussi très présente...

J.H. : C'est pour moi une métaphore de l'humanité. Tous les personnages ont des rapports sains entre eux quand ils se rappellent de leur enfance. On voit ce que c'est que la beauté de la vie et on la valorise. À partir du moment où on ne donne plus de valeur à l'enfance, où l'on fait travailler des enfants, on perd son humanité.

S.Z. : C'est un peu comme dans les rapports entre le Petit Prince et les adultes. Quand le Petit Prince les croise, il se rend compte qu'ils sont en fait des enfants morts.

J.H. : C'est ça. L'amnésie est la perte du souvenir de la candeur. Dans notre entourage, on connaît tous des adultes qui sont restés jeunes, qui ont su garder le contact avec l'enfant qu'ils étaient. On a essayé dans le récit d'éviter les réponses trop tranchées. Dans le tome deux, le lecteur devra se faire sa propre idée.

S.Z. : On ne prend jamais vraiment partie. Il y a des réalités qui sont souvent très dures mais il y a aussi des lueurs d'espoir avec Indira. Anton, avec son œil, a aussi été abimé par la vie...

J.H. : Je pense qu'avec Suheb, on a une part féminine très forte tous les deux. On voit toujours nos personnages avec bienveillance. Je pense que si Anton est comme ça, c'est qu'il a été abimé par la vie. On ne choisit pas de devenir comme ça.

S.Z. : Indira aussi est abimée. Elle a dû très vite devenir une femme, par l'absence de sa mère et par la quasi-absence de son père. J'aime beaucoup ce personnage. Malgré tout ça, elle n'a jamais vraiment perdu espoir. Le personnage de Madame Sachs est complexe. Elle est plutôt en retrait dans le premier tome. Elle cache d'autres mystères qui seront révélés plus loin. 

Le troisième tome d'Emma et Capucine est sorti récemment avec le rôle des parents qui semble moins important que dans les deux premiers...

J.H. : À un moment donné, au niveau de l'intrigue et de la narration, il fallait développer la relation entre les deux sœurs, donc mettre de côté un peu les parents. C'est à Emma de débloquer la situation, et pour ça, il fallait que les parents lui laisse un peu de place.

Travaille-t-on différemment sur une série courte comme Nils ou Dreams Factory et sur une longue série comme Emma et Capucine ?

J.H. : Oui. Les personnages dans Emma et Capucine ont le temps d'évoluer et il faut absolument leur laisser le temps nécessaire pour ça. Dans Dreams Factory, on prend moins de temps. Dans le premier tome, les personnages sont posés et dans le tome deux il faut déjà qu'ils évoluent. Dans Emma et Capucine, pour ne pas frustrer le lecteur, j'ai envie de créer des tomes qui soient presque indépendants les uns des autres. J'essaie donc de créer une histoire entière en un tome.

Avez-vous un rituel avant de vous mettre au travail le matin ?

S.Z. : Je commence par des étirements car j'ai une petite tendinite qui ne cesse de me suivre. Ça influe beaucoup sur le travail de la journée.

J.H. : Mon seul rituel est de prendre le temps de me poser.




Propos recueillis par L. Gianati, L. Cirade et A. Cirade

Bibliographie sélective

Dreams Factory
1. La Neige et l'Acier

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Emma et Capucine
3. Quand les paillettes disparaissent

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Note: 4.0/5 (2 votes)

Nils
3. L'Arbre de vie

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