mome a écrit:Les organisateurs choisissent clairement de mettre en avant une Bd différente des œuvres de divertissement "classiques". Je trouve normal qu'un tel festival profite de son exposition pour mettre en avant un pan de la BD moins visible. Par contre, je trouve étonnant que l'on "ignore" la bd populaire qui est quand même le fondement de la lecture - raconter des histoires -, le prisme par lequel la grande partie des lecteurs (enfin, c'est ce qu'il me semble) ont accédé à ce média et qui reste quand même le moteur du marché.
Plusieurs réactions par rapport à ce commentaire.
1. l'idée d'une "bande dessinée populaire" est très discutable. Le lectorat n'est pas "populaire" depuis longtemps, puisqu'il ressort comme étant majoritairement CSP+ dans les diverses enquêtes qui ont pu être faites sur les 30 dernières années. On peut éventuellement parler de best-sellers (populaire, dans le sens de "qui vend beaucoup"), mais cela couvre des titres aussi disparates que Culottées, Moi ce que j'aime c'est les monstres, L'Arabe du Futur, Dans la combi de Thomas Pesquet ou le dernier Blake et Mortimer. Et je ne suis pas sûr que c'est ce que tu as en tête quand tu parles de divertissements "classiques".
2. la question de la bande dessinée classique comme marchepied à la lecture est très discutable aussi. Certes, on constate l'importance de la transmission dans la constitution du goût pour la lecture de bande dessinée, mais il faut aussi souligner l'importance de l'argent de poche, élément central de l'autonomisation des pratiques de la jeunesse depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les classiques d'aujourd'hui ont plus de chance d'être des mangas que des héros franco-belges naphtalinés.
3. l'idée d'une bande dessinée populaire qui serait snobée réactive l'opposition récurrente entre capital culturel et succès commercial (cf. Dany Boon et les Césars, par exemple). Le dernier Astérix n'a pas besoin d'Angoulême pour être visible -- alors oui, c'est un ouvrage qui, du fait de son poids économique, est important pour l'ensemble de la chaîne du livre, et par extension, pour le marché de la bande dessinée. Mais c'est aussi un ouvrage qui est déjà largement récompensé, sur le plan financier, de cette importance. Par ailleurs, la bande dessinée "populaire" n'est pas ignorée à Angoulême. Cette année, par exemple, Robert Kirkman (The Walking Dead) est présent avec expo et masterclass.