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Les Quatre de Baker Street - La Quête de l'Oiseau du temps : Itw avec Étien et Legrand

30/09/2016 15 planches

C'est en lisant la préface du premier tome des Quatre de Baker Street que le premier lien avec La Quête de l'Oiseau du Temps apparaît. Ami de Jean-Blaise Djian, Régis Loisel avait en effet mis le pied à l'étrier d'une série baignant dans les ambiances victoriennes de Sherlock Holmes dont le septième tome est prévu pour le 28 septembre. Le deuxième lien ? David Etien ! Dessinateur des Quatre, il travaille actuellement sur le cinquième tome du deuxième cycle de la Quête. David nous a ouvert les portes de son atelier dans lequel il a répondu à quelques questions et montré, discrètement, esquisses et planches de ses prochains albums. Olivier Legrand l'a rejoint pour évoquer les origines des jeunes francs-tireurs de Baker Street et donner quelques pistes sur l'évolution de la série.

Entretien avec David Etien et Olivier Legrand


Est-ce toujours un plaisir de retrouver la bande des Quatre, tome après tome ?

David Étien : Oui. Mais justement, pour ne pas tomber dans une forme de lassitude, j’ai souhaité partir aussi sur autre chose. D’un autre côté, on fait tout pour ne pas tomber dans la routine avec les Quatre de Baker Street. Chaque tome est un one-shot, on crée un nouvel univers pour chaque album, avec de nouveaux décors, de nouveaux personnages… 

Olivier Legrand : Oui. Comme la série se déroule nécessairement à Londres, une véritable « ville-univers » à l’époque victorienne, chaque album permet d’explorer un de ses aspects – comme par exemple le grand-monde (qui apparaît dans le tome 3), les maisons de travail (tome 4) ou encore la police (tome 6), avec toujours les bas-fonds et le monde de Sherlock Holmes en toile de fond.

Pour les quatre premiers tomes, il y avait effectivement une saison différente à chaque fois… Quelle a été ensuite votre façon d’aborder chaque nouveau récit ?

D.E. : Pour les quatre premier tomes, Olivier Legrand voyait ça plutôt comme une première saison dans laquelle chaque histoire était indépendante. À partir du cinquième, on est parti sur un triptyque dont la base est le grand hiatus, la période pendant laquelle Sherlock Holmes s’est fait passer pour mort. Ces trois tomes constituent une deuxième saison qui se terminera avec le tome 7. On repartira ensuite pour une série de one-shots. 

O.L. : La « trilogie du grand hiatus » (tomes 5 à 7) forme clairement une « deuxième saison » au sein de la série : la donne est changée, les cartes sont redistribuées et les épisodes sont liés par un fil conducteur très fort ; pour la « troisième saison », on va effectivement repartir sur des one-shots « purs », mais avec tout de même un « thème de saison », un fil conducteur qui sera plus thématique que narratif… et la donne est forcément différente : de même que la fausse mort de Holmes changeait complètement la donne, son retour au grand jour redistribue de nouveau les cartes, y compris pour nos héros.

L’absence de Sherlock Holmes est d’ailleurs l’un des faits marquants des quatre premiers tomes. Les enfants en parlent, mais on ne le voit pratiquement jamais…

O.L. : Je ne dirais pas qu’on ne le voit « pratiquement jamais » dans les quatre premiers tomes ! Il apparaît bel et bien, mais en marge de l’histoire – sachant qu’il a tout de même un rôle assez crucial dans l’intrigue du tome 3, avant de disparaître à Reichenbach… L’idée était de bien poser les choses dès le début : notre série n’est pas une série sur Holmes, c’est un spin-off, qui aborde son univers avec un autre point de vue (celui des francs-tireurs de Baker Street) et ce sont nos personnages qui restent au centre de l’histoire : Holmes n’est pas là pour leur « voler la vedette », mais il reste une présence forte dans leur univers, puisqu’il est la raison d’être de leur équipe. Dans la trilogie du hiatus, en revanche, Holmes devient très présent, puisque nos héros partagent l’existence secrète que nous avons choisie de lui faire mener durant le « grand hiatus » : ils ne sont plus juste ses employés, ils deviennent ses compagnons de clandestinité, et comme cela correspond aussi à une période cruciale (leur adolescence), cette nouvelle donne relationnelle va évidemment avoir un grand impact sur leur évolution personnelle.

D.E. : Oui ça fait partie des choses qui évoluent au fil de la série. Au début, on souhaitait se servir de l’univers de Sherlock Holmes mais rester concentrer sur les gamins. Au départ, mon idée était de ne pas le montrer et de ne pas le dessiner. Mais en avançant dans la série, les scénaristes se sont dits que le faire intervenir apporterait un plus. Il faut dire aussi qu’on ne savait pas combien de tomes on allait faire au départ, on avait signé que pour un seul. Le fait aussi de suivre un plan chronologique pour mener au grand hiatus, obligeait un jour ou l’autre à le faire apparaître. Quand je suis en dédicace, je ne dessine jamais Sherlock Holmes. 

Sherlock Holmes a déjà tellement été vu et revu…

O.L. : Oui. Dans les traductions françaises classiques, toute idée de « corpulence » chez Mycroft a été remplacée par celle de « prestance »… sur ce personnage comme sur les autres, nous avons essayé d’être assez « puristes » dans notre approche : en inventant nos héros, nous nous sommes créés un espace de liberté dans la mythologie holmésienne… et nous avons donc souhaité respecter au maximum ses personnages – y compris pour le Dr Watson, qui est trop souvent montré comme une espèce de comparse balourd, alors que ce personnage est d’abord et avant tout un homme courageux et loyal, finalement beaucoup plus « humain » que Holmes… ce qui, dans notre série, transparaît dans son attitude envers nos héros : alors que Holmes les emploie sans trop d’états d’âme (au moins dans les premiers albums), Watson s’inquiète souvent à leur sujet et cherche à les aider… et, là encore, les choses changent dans la « saison 2 », le triptyque du grand hiatus.

D.E. : C’est ça… On voulait vraiment l’aborder différemment. Le fait aussi que le personnage soit dans le domaine public permet à quiconque d’en parler, à sa façon. Notre parti pris a été de se servir de l’univers de Holmes tout en le respectant à la lettre. On se base d’ailleurs sur les textes originaux en anglais, certaines traductions ayant pris quelques libertés. Par exemple, Mycroft, le frère de Holmes, est décrit dans les textes d’origine comme quelqu’un d’obèse alors qu’il est évoqué comme « personne forte » dans les traductions, ce qui fait une grosse différence. 

Faire évoluer la série passe forcément par un vieillissement des personnages ?

D.E. : On y viendra forcément, mais le plus tard possible et de façon progressive. Le ton de la série va bien sûr changer puisqu’on ne sera plus avec des gamins. On n’est pas dans une série traditionnelle franco-belge dans laquelle les personnages n’ont pas d’âge et n’évoluent pas. Il y a des progressions physiques, notamment pour le personnage de Charlie, une fille déguisée en garçon, qui petit à petit s’émancipe. 

O.L. : Je trouve que David a magistralement réussi à faire « vieillir » nos héros : d’un tome à l’autre, le changement est presque imperceptible, mais quand on compare leurs « bouilles » du tome 1 à leur apparence dans le tome 7, on voit bien qu’il s’est passé 5 ans… et qu’ils sont passés de l’enfance à l’adolescence. C’est un élément très important de la série : dès le début, nous souhaitions éviter le côté « enfance éternelle », avec des personnages qui restent figés au même âge durant des dizaines d’aventures…

Il n’y a pas chez Glénat de phobie liée au vieillissement de personnages suite au syndrome « Lou » ? (sourire)

D.E. : Non, ils nous laissent vraiment travailler tranquillement. Je ne sais pas s’ils se comportent de la même façon pour toutes les séries mais ils ont confiance en nous. 

O.L. : Oui, sur ce point comme sur tout le reste, nous travaillons en toute liberté. Pour en revenir à la question du vieillissement des héros, je crois qu’on a changé d’époque : avant, le modèle de base était celui du héros sans âge, figé dans une éternelle jeunesse (Tintin) ou dans une trentaine perpétuelle (Bob Morane, Lucky Luke etc.)… mais avec le succès des romans Harry Potter, les éditeurs ont réalisé que les lecteurs n’étaient non seulement pas hostiles à voir des héros vieillir mais que cela pouvait même constituer un « plus », sur le plan narratif et dramatique : dans le cas de héros passant de l’enfance à l’adolescence, cette évolution est à la fois décisive et passionnante à explorer. Je n’ai rien contre les « héros sans âge », tant que ce n’est pas la seule approche possible ! Dans le cas de notre série, du reste, ce choix nous a aussi été un peu imposé par la chronologie holmésienne : ainsi, tout lecteur de Sherlock Holmes sait que le « grand hiatus » dure trois ans, qu’il commence en 1891 et qu’il se termine en 1894. Une chronologie aussi précise ne peut être ignorée et un laps de trois ans dans la vie de tout jeunes héros, c’est (presque) toute une vie !

Comment travaillent les deux scénaristes ensemble ? L’un des deux a-t-il un domaine de prédilection ?

D.E. : Oui, même si leur collaboration évolue aussi avec le temps. Au départ, Olivier Legrand, professeur de français, était très calé sur cette période et a apporté la matière. Jean-Blaise Djian, lui, est très à l’aise dans les techniques de découpage de la bande dessinée et mettait en forme. Maintenant, ils ont des réunions hebdomadaires et chacun apporte ses idées. 

O.L. : Le processus de travail scénaristique a évolué de façon « organique ». Actuellement, nous fonctionnons selon le schéma suivant : on commence par une période de « brainstorming à deux », qui prend surtout la forme d’un échange d’idées, d’un travail de réflexion commune ; une fois que nous savons où nous voulons aller et ce que nous souhaitons raconter, on passe à une deuxième étape, l’écriture du script, qui est plutôt ma partie ; ensuite, une fois le script complet, rediscuté et validé, vient l’étape du découpage, un véritable travail de mise en scène, qui est plutôt la partie de Jean Blaise… sachant que chacun peut intervenir à n’importe quelle étape. Il y a donc une synergie et une complémentarité – que nous partageons avec David. Au final, c’est un vrai travail d’équipe.

David, intervenez-vous aussi dans l’écriture du scénario ?

D.E. : Ils sont déjà deux, donc j’ai tendance à les laisser tranquilles. J’apporte pour ma part un côté visuel, alors qu’ils sont eux axés sur l’intrigue et les dialogues. 

O.L. : Mais rien n’empêche David de proposer des idées ou des modifications dans le déroulement d’une séquence, afin de la rendre plus dynamique visuellement… et c’est toujours très pertinent. Parfois, il peut aussi nous faire part de ses envies graphiques : ainsi, pour le tome 3, il nous avait dit dès le départ qu’il aimerait bien faire une histoire se situant en hiver avec, si possible, une grosse scène d’action sur un lac gelé – une scène qui, au final, constitue la scène centrale de l’album… 

Le personnage du chat est très important…

D.E. : Oui et c’est un peu moi qui le gère. Ils ont parfois du mal à l’insérer dans l’intrigue. Il ne parle pas mais il faut qu’il ait un rôle. J’essaie donc souvent de le mettre en arrière-plan de lui faire faire des petites bêtises… 

O.L. : Ouais… au début, j’avais toujours tendance à laisser le chat de côté, puisqu’il ne parle pas et que je me focalisais surtout sur les dialogues... Mais au final, le chat a vraiment trouvé toute sa place et ses interventions d’arrière-plan sont très appréciées de nos plus jeunes lecteurs.

La marque de fabrique de cette série est justement la propension à inciter à une deuxième lecture…

D.E. : Oui, j’aime bien ce genre de choses. Il ne faut pas non plus que ces clins d’oeil en arrière-plan viennent parasiter l’intrigue principale. C’est un équilibre à trouver. Les cases des premiers tomes étaient sans doute un peu trop chargées et j’ai essayé au fur et à mesure d’épurer. En général, quand on commence une série, un dessinateur de bande dessinée a tendance à vouloir trop en montrer. J’essaie aujourd’hui de gagner en efficacité, ce qui est sans doute le plus difficile à mettre en oeuvre, montrer en trois traits ce qu’au début on montrait en dix. 

O.L. : Sur le plan scénaristique, nous cherchons à ce que nos histoires aient plusieurs niveaux de lecture – sachant que cette série a un lectorat très large, notamment en termes d’âge. Les plus jeunes vont donc être très réceptifs aux bêtises du chat ou aux chamailleries entre Billy et Tom, tandis que les lecteurs adultes vont être plus sensibles aux aspects historiques et sociaux des scénarios… sans oublier les « sherlockiens », qui peuvent s’amuser à relever les références holmésiennes semées ça et là.

Il y avait au début de la série un véritable festival de plongées et de contre-plongées. Le style est devenu plus sobre…

D.E. : C’est ça. Il ne faut pas chercher à en faire trop. En accumulant ce genre d’artifices, LA scène d’action importante de l’album va perdre de son intensité. 

Les scènes de courses sont également particulières avec une gestuelle bien rodée…

D.E. : J’ai un dessin qui vient de l’anime. J’aime, quand je lis une bande dessinée, voir des personnages qui aient un panel de plus de dix poses différentes. J’essaie de varier au maximum, de leur trouver des postures, d’autant qu’ils sont souvent plusieurs à courir, même si parfois on peut trouver ça un peu caricatural. 

Si on vous dit que les couleurs du tome six sont plus nuancées que précédemment…

D.E. : Peut-être… Les couleurs comme mon dessin ont changé avec le temps. J’essaie aujourd’hui de gagner en contraste avec mon dessin pour qu’il se suffise presque à lui-même, ce qui n’était pas le cas auparavant. La couleur apporte donc maintenant juste le plus, de façon à souligner le trait. Elle est sans doute plus efficace. 

Faire disparaitre un personnage aussi charismatique que Bloody Percy, ce n’est pas trop difficile pour un dessinateur ?

D.E. : J’aime bien au contraire jouer là-dessus, avoir un personnage fort et le faire disparaître. L’exemple typique est une série comme Game of Thrones. Sur ce principe, on en vient à s’attacher à un personnage sans savoir s’il va rester en vie très longtemps. On ne voulait pas non plus appliquer la vieille recette des enfants gentils qui se battent contre le gros méchant qui revient régulièrement. Chaque tome apporte son intrigue différente. Le tome un mettait en place l’univers et les personnages. Le tome deux était une intrigue politique à tiroirs plutôt complexe. Le troisième était une course-poursuite… 

O.L. : Concernant Bloody Percy, je pense quand même qu’on lui a offert une fin à la hauteur de son personnage ! Mais c’est effectivement LE méchant le plus marquant de la saison 1 – un personnage presque « iconique », qu’on peut voir comme un mélange du personnage de Montparnasse dans Les Misérables (une sorte de dandy assassin, lui-même inspiré du véritable criminel Lacenaire) et d’Alex, le « héros » d’Orange Mécanique… en version victorienne, bien entendu !

Le tome quatre étant intéressant par le fait de voir les personnages évoluer chacun dans leur coin…

D.E. : Oui, il y a eu là les séparations. C’était encore une façon différente d’aborder l’histoire. 

O.L. : C’était un tome très important dans l’évolution de la série – à la fois parce qu’il permettait de montrer chaque héros seul, face à une situation de terrible adversité (et aux « blessures » que cela peut supposer) mais aussi parce qu’il constitue l’articulation entre la « saison 1 » et la « saison 2 », la transition vers la trilogie du hiatus. C’était aussi intéressant d’écrire une histoire tournant entièrement autour d’une absence – celle de Holmes… un élément que l’illustration de couverture reflète parfaitement, je trouve…

Complexifier l’intrigue du tome deux, c’était aussi une façon de ne pas être catalogué « série jeunesse » ?

O.L. : Avec le recul, le scénario du tome 2 est sans doute le plus « complexe », ou plutôt le plus alambiqué de la série… mais ce n’était pas forcément une intention délibérée de notre part. Cette complexité tient surtout à l’univers exploré dans ce tome 2 : celui des conspirateurs, des anarchistes, de la police secrète russe… un univers qui implique forcément des faux-semblants, des trahisons et des « tiroirs » scénaristiques. Initialement, je voulais faire quelque chose autour de Jack l’Eventreur, une figure qui me semblait absolument incontournable dans une série située dans l’East End de Londres, juste après sa vague de meurtres… mais Jean Blaise pensait que c’était une mauvaise idée, car cela nous amènerait vers des sentiers déjà battus et rebattus. Là où je voyais « l’incontournable », il voyait, à l’opposé, le « cliché total ». Après d’âpres discussions, il est parvenu à me convaincre – et il avait effectivement raison. Au final, l’intrigue du « Dossier Raboukine » nous a tout de même permis d’aborder le thème de Jack l’Eventreur mais par des chemins de traverse, en l’utilisant comme une « ombre » intangible planant au-dessus de l’histoire… à ce sujet, d’ailleurs, un journaliste de l’époque s’était réellement demandé si les meurtres de Whitechapel n’étaient pas l’œuvre de la police secrète russe, qui aurait ainsi cherché à « déstabiliser » la Grande-Bretagne pour l’amener à revoir sa législation en matière de réfugiés politiques… une théorie plutôt « délirante » mais qui nous a fourni la base de l’intrigue du tome 2 (sauf qu’ici, il n’est plus question du « vrai » Jack mais d’un « copycat »).

D.E. : Quand on a réalisé le premier tome, on n’a pas forcément ciblé un lectorat. Pourtant, on s’est retrouvés avec beaucoup de prix mais venant surtout de la jeunesse. Maintenant, c’est aussi compréhensible. Avoir une couverture avec des gamins et une histoire accessible, ça destine forcément l’album à un jeune public. Et on ne voulait pas que les Quatre se retrouvent dans les rayons BD entre Cédric et Lou. On aborde des sujets un peu plus lourds et c’est aussi ce qui nous a poussés à faire des bouquins un peu plus costauds. En dédicaces, je me rends compte qu’on a un panel de lecteurs qui est vraiment large. On se rend compte aussi que les gamins ont leur propre niveau de lecture, il y a des choses qui leur échappent. 

Pouvez-vous nous parler du projet de dessin animé ?

D.E. : On vient de signer avec le studio Folivari, descendant des Armateurs qui s’étaient occupés d’Ernest et Célestine, de Kirikou… Ils ont bloqué le projet et ont maintenant deux ans pour trouver le financement. Ce serait une série télé avec un format plutôt atypique. Ils souhaitent reprendre chaque tome et en faire deux épisodes de vingt minutes pour les diffuser en prime time. Il se pourrait que j’intervienne notamment sur les différences de physionomie des personnages entre la bande dessinée et le dessin animé. 

O.L. : L’idée est d’adapter chaque tome en 50-52 minutes. C’est un gros projet, qui mobilisera toute une équipe – notamment des scénaristes-adaptateurs, avec lesquels nous travaillerons en étroite collaboration. Jean Blaise et moi avons déjà écrit la « bible littéraire » de la série et proposé des synopsis (y compris, d’ailleurs, un épisode entièrement « inédit »). Bien sûr, il y aura inévitablement des différences avec la BD (le public et les enjeux ne sont pas les mêmes) – mais c’est une très bonne chose : ainsi, le dessin animé et la BD garderont chacun leur identité propre. 

Le hors série, c’était un moment de respiration ?

D.E. : (Sourire) Absolument. J’avais passé quatre ans à travailler pour les quatre premiers tomes. J’avais envie de faire un peu autre chose et on a proposé ça à Glénat au bluff. Ils ont accepté. Je savais que ça n’allait pas faire un carton mais c’était quelque chose qu’on voulait donner aux lecteurs sans pour autant que ce soit gratuit. 

Régis Loisel a préfacé le premier tome des Quatre. Est-ce lui qui vous a amené sur la Quête ?

D.E. : Régis connaissais très bien Jean-Blaise et c’est pour ça qu’il est devenu un peu le parrain de la série. Un jour, il étaient ensemble, et Régis est tombé sur la couverture du tome deux de Chito Grant. Ils se sont mis à parler de mon travail et du projet des Quatre. Régis est quelqu’un de très généreux dans les conseils qu’il peut donner. Il a donc proposé de lui-même de nous aider dans ce projet-là. Il m’a proposé immédiatement de lui envoyer mes story-boards, mes crayonnés… C’est ce que j’ai fait pour les quinze-vingt premières pages du tome un. J’avais toujours l’impression de le déranger quand je l’appelais, c’est quelqu’un qui travaille souvent sur plusieurs projets à la fois. Mais au final, il restait chaque fois un long moment avec moi pour regarder chaque case, pour me donner plein de conseils… Il m’a fait gagner énormément de temps sur le découpage et sur la façon de narrer. Je pense que sans sa préface, on aurait eu moins de lecteurs. En ce qui concerne la Quête, je connais très bien Vincent Maillé. Il y a deux ans, il m’a dit qu’il arrêtait après un deuxième tome de la Quête réalisé. Quelques mois après son annonce, je me suis dit pourquoi pas moi… J’ai demandé à Régis si je pouvais faire un test. Il m’a dit que ce n'était pas du tout mon style mais que je pouvais essayer. J’ai donc fait plein d’esquisses. Il a trouvé ça intéressant mais mon trait trop sec. C’était ce que je recherchais, trouver un trait plus gras, plus sale, avec plus de volupté. Pendant six mois, j’ai fait du Bragon que je lui envoyais deux ou trois fois par semaine. 

Le scénario était-il déjà prêt ?

D.E. : Non, pas du tout. Il y a donc eu une période de six mois pendant laquelle je me suis cherché au niveau du trait. J’avoue que j’ai alors eu envie de m’attaquer à une planche, j’en avais assez de ne faire que des esquisses. J’ai demandé son avis à Vincent Maillé. Il m’a dit que si je ne disais rien à Régis, il pouvait très bien continuer à me faire faire des esquisses pendant très longtemps. J’en ai donc parlé à Régis qui m’a dit qu’il me tiendrait au courant. Et pendant six autres mois, je n’ai plus eu aucune nouvelle. Régis est quelqu’un qui prend son temps, qui veut faire les choses au mieux mais sans se presser. Puis j’ai reçu un mail dans lequel il me demandait de choisir une planche parmi la vingtaine qu’il avait découpée et qu’il prendrait alors sa décision. J’ai donc fait une planche test et c’est passé. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Serge Le Tendre. 

Quelques mots sur le scénario ?

D.E. : Je suis un fan de la Quête, surtout du premier cycle. J’ai aussi beaucoup aimé les trois premiers tomes du second cycle. Le dernier manquait un peu d'action à mon goût mais heureusement, dans celui que je réalise, il se passe beaucoup plus de choses, on avance vraiment dans l’histoire.

Est-ce vous qui réalisez aussi les couleurs ?

D.E. : Non. François Lapierre sait exactement ce que veut Régis et c’est beaucoup plus facile. 

Quels sont les avantages de travailler en groupe ?

D.E. : Cela fait trois ans et demi que je suis dans cet atelier. Auparavant, je travaillais seul mais l’isolement me pesait. Dans un atelier, j’ai un peu l’impression d’aller au travail et de rentrer ensuite chez moi. Le fait de bosser avec d’autres personnes permet aussi des échanges et des interactions, à condition d’être un peu ouvert aux critiques des autres. Personnellement, cela m’a fait énormément avancer. Je travaille en ce moment aux côtés de Frédéric Vignaux, Dim. D… On est là pour bosser tout en conservant une certaine bonne humeur.


Propos recueillis par Laurent Gianati et Laurent Cirade