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L'ACCABLANTE APATHIE DES DIMANCHES A ROSBIF

29/04/2008 24 planches


« Vivons heureux en attendant la mort » recommandait Pierre Desproges. Il avait raison, il faut, nous devons nous attacher à chercher le bonheur tant que c'est possible, parce qu'au bout de la route, chêne ou sapin, inhumation ou crémation, le suspense ultime n'est pas franchement palpitant. Reste à savoir comment faire pour vivre heureux, et de combien de temps nous disposons. Car à force d'entendre les statistiques officielles de l'espérance de vie, nous finissons tous par nous convaincre qu'atteindre le quatrième âge est un dû. Que la maladie ou l'accident nous frappe, et nous crions au scandale, à l'injustice. Mais même dans cette circonstance, quand la Médecine est désemparée et que son dernier pouvoir est de soulager la douleur et de pronostiquer le temps qu'il nous reste, nous devons tout faire pour vivre heureux en attendant la mort. L'accablante apathie des dimanches à rosbif, de Gilles Larher et Sébastien Vassant, met en scène un humoriste aux prises avec une maladie incurable qui ne lui laisse que trois mois pour solder les comptes. C'est trop peu de temps, bien sûr, mais en bon professionnel, notre héros s'efforcera de ne pas louper sa sortie. Réussir à traiter d'un tel sujet (universel mais casse-gueule) avec justesse et subtilité, parvenir à émouvoir sans recourir à des effets mélodramatiques, faire rire malgré tout, tout cela demande énormément de maîtrise narrative. C'est pourtant un tandem d'auteurs inédit qui s'est livré à cet exercice : au scénario, Gilles Larher, 41 ans, libraire et un peu rockeur ; au dessin Sébastien Vassant, qui a fait ses premières gammes dans l'édition alternative. Ensemble, ils ont réalisé un des livres les plus passionnants du premier trimestre 2008. Autant de bonnes raisons pour essayer de mieux les connaître...

INTERVIEW GILLES LARHER


- Gilles Larher, c'est difficile de croire que ce livre est votre premier. Sans blague, de quelle comète êtes-vous tombé ? Vous êtes la réincarnation d'Emile Ajar ou de Vernon Sullivan ? Allez, c'est quoi ton vrai blaze, imposteur ! Gilles Larher : Ah, enfin, on passe au tutoiement ! Les gens qui tombent des comètes doivent avoir du mal à atteindre le sol intacts, non ?....
Eh bien, malheureusement pour les fans de péripéties à la Frantico, je ne suis que... moi !
Je sais que c'est assez décevant, mais je n'y peux rien. Et L'accablante est bien mon premier livre terminé et publié. Des projets, j'en ai des tonnes (disons plutôt quelques kilos), et depuis des décennies, mais je suis un être humain à maturation très lente, et il me faut beaucoup d'années pour accomplir les choses. J'ai eu mon Bac après avoir redoublé deux fois; j'ai intégré mon groupe de Rock de Lycée à 25 ans; ce genre de choses.... Logiquement, vu ma lenteur, je ne devrais décéder que vers 157 ans, ce qui me laisse l'espoir d'arriver à achever une poignée d'autres livres d'ici là !
 
- Et ce titre, "L'accablante apathie des dimanches à rosbif"... Il y avait déjà eu Le steak haché de Damoclès, par Fabcaro en 2004... Les bouchers ont lancé un concours, ou quoi ?

J'adore Fabcaro. Mais je dois dire que, ayant entamé l'écriture en février 2003 pour la finir en décembre 2005, j'avais le titre avant qu'il ne sorte le Steak Haché. Et pour le côté "Damoclès" de l'Accablante, l'influence vient directement du journal de Rémi Malingreÿ.
Pour la boucherie, mon influence va plutôt vers François Hadji-Lazaro et sa bande, le "Butcher and Fast Eddie" de Rose Tattoo, Jean Yanne ou Jean-Claude Dreyfus que vers les vrais bouchers que je fréquente très peu, amateur de soja que je suis !
Je n'ai pas connaissance d'un concours à ce sujet. Je n'ai pas été approché par le lobby du faux-filet, et je n'ai point reçu d'attaché case empli de boîtes de sauce béarnaise ! J'ai sans doute raté quelque chose, j'en profite donc pour dire que je suis éminemment corruptible. J'attends les offres ! (Du coup, je regrette de n'avoir pas titré "L'Accablante Apathie de la liasse de billets de 500€", ou "L'Accablante Apathie du Baril de Brut". Je vais voir avec Futuropolis s'il est encore temps de rattraper cette tragique erreur...) - Plus sérieusement : quel est votre parcours, comment êtes-vous venu à l'écriture, et pourquoi avoir autant attendu ?
Que voilà une épineuse question ! Après des études plus que moyennes et un parcours professionnel des plus hésitants, j'ai fini par réaliser un premier rêve en 2000: devenir libraire. Je suis un lecteur boulimique depuis de nombreuses années. J'ai eu une enfance des plus traditionnelles: Jules Verne, les Aventures des Ratons Laveurs, Petzi l'Ours, Mickey, Picsou, Tintin, Astérix, Lucky Luke, Batman, Superman.... Quand mes parents n'en purent plus, - surtout que mes frères et soeurs étaient pas mal atteints, eux aussi - ils m'ont inscrit aux deux bibliothèques de Corbeil-Essonnes, que j'ai entrepris de dévaliser sur un rythme hebdomadaire. En même temps, j'ai dévoré tous les films possibles, à la télévision, Ciné-Club de Claude-Jean Philippe et Cinéma du Dimanche soir de Patrick Brion inclus, puis aux "Cinoches" de Ris-Orangis, pour lesquels je garde une vraie grande nostalgie cinéphilique.
Je dirais que j'ai "tant attendu" pour deux raisons. La première, très honnêtement, c'est que je n'étais pas prêt, et que ce que je produisais était pas loin du zéro. J'ai assez peu d'imagination, et il m'a fallu pas mal d'années pour tonifier cette partie malingre de mon intellect (j'essaye donc de ne pas trop forcer dessus non plus, par crainte du "claquage" !)... La seconde, c'est qu'il est quasi-impossible pour un scénariste qui ne dessine pas et ne connaît pas de dessinateur professionnel, de proposer quelque projet que ce soit à un éditeur. Les éditeurs veulent voir des planches.
Quand j'ai attaqué L'accablante, j'ai senti pour la première fois qu'il "y avait quelque chose". Ensuite, j'ai eu la chance qu'Alain DAVID (Futuropolis) s'intéresse au projet, et que Sébastien accepte de se plonger dans ce gros boulot. En définitive, ça valait la peine d'attendre autant !
 
- Comment naît une idée, quelle est l'histoire de la création de ce scénario ?
Si je savais comment les idées naissent, croyez-moi, j'en aurais beaucoup plus ! J'irais même jusqu'à l'exportation ! Parce que des envies ou des désirs d'idées, ça, croyez-moi, j'en ai plein !
J'amasse tout un tas d'influences, dans des domaines très divers, qui s'accumulent et sédimentent dans mon cerveau. J'appelle ça le "compost mental". J'imagine que les idées germent là. Ce scénario est né d'une image que j'avais depuis très longtemps, pour une histoire courte, et qui concernait un type qui se suicide dans une dernière baignade. Je ne l'ai jamais découpée ni écrite, parce que c'était assez graphique, mais aussi assez creux, vu qu'on ne savait rien dudit personnage. Or c'est l'humain le matériau que j'aime travailler. Alors, j'ai continué d'amasser dans mon compost mental, et, après bien des tentatives, Brice a fini par apparaître.
Comme je connaissais bien Desproges et son oeuvre, j'ai voulu lui rendre hommage. Cela m'a pas mal inhibé au départ, et puis, j'ai réussi à trouver des arguments spécieux pour me convaincre que je pouvais faire monter Brice sur scène et je me suis lancé. - Qu'est-ce qui vous a fait vous décider pour un humoriste plutôt qu'un autre personnage ? Votre grand inspirateur, c'est Pierre Desproges, Seinfeld ou Andy Kaufman (interprété par Jim Carrey dans le film Man on the moon de Milos Forman) ?


Belle déduction ! Les trois, en fait.
La principale est Desproges, pour la maladie, la scène du restaurant de fruits de mer, qui lui rend un hommage direct (et apaisera sans doute l'emprunt sur le sketch de départ, qui ressemble beaucoup à celui où il allait acheter des piles pour son transistor). Disons que je me suis servi de ça pour "démarrer la machine".
Seinfeld est aussi déterminant. Il m'a servi à entrelarder de sketchs en public les scènes de la vie réelle. C'est grâce à ces allers-retours que l'on peut montrer la mort du personnage tout en essayant de faire rire les lecteurs jusqu'au bout. 
Et puis les dialogues avec Hélène, George et Kramer sont un régal pour tout dialoguiste qui se respecte...
Man on The Moon est aussi une belle influence. C'est un grand film, et Jim Carrey y est extraordinaire. A la fin, alors qu'Andy Kaufman est décédé (lui aussi, d'un cancer), son personnage d'Elvis déjanté revient sur scène pour de vrai. "Etonnant, non ?", comme disait l'autre.
Ayant dit tout cela, et en y ajoutant le petit laïus que John Cleese a prononcé à l'enterrement de Graham Chapman, (des Monty Python) le choix d'un humoriste était évident. Le télescopage humour/tragédie était bien trop tentant pour y résister. Il y a plein d'autres influences, depuis "Bienvenue à Gattaca", "Vivre" de Kurosawa, la scène de baignade d'Anna Polaris dans le "Kennedy et moi" de Jean-Paul Dubois, "Our Cancer Year" (Harvey Pekar/Joyce Brabner), "Signal to Noise" (Gaiman/McKean), "La Mort de Captain Marvel" (Jim Starlin) et plein d'autres que j'oublie forcément, jusqu'à certains personnages féminins des films de Pascal Bonitzer, les idées du génial scénariste Charlie Kaufman (Eternal Sunshine of the Spotless Mind), ou bien le Berroyer humoriste du "Je ne vois pas ce qu'on me trouve " de Christian Vincent. - Quel destin imagineriez-vous à Brice Fourrastier, s'il n'avait été fauché en plein zénith ?
Pour moi, il aurait profité de son répit scénique pour tourner dans le film d'Astrid Boukhaly. Si le rôle incluait une performance d'acteur (amaigrissement ou prise de poids, handicap) ou un contre-emploi total, je pense qu'il aurait obtenu un César, remis par Carla Bruni. Le reste: le divorce, la dépression nerveuse de notre Président, etc., je vous laisse tout loisir de l'inventer vous-même.
Plus sérieusement, je pense que Brice, du fait de la maladie, se pose pas mal de bonnes questions qu'il avait évitées jusque là. Chacun(e) est laissé(e) libre de déterminer quel genre de type est Brice : est-il amoureux de Justine parce qu'il se sait condamné ?, l'est-il réellement ?, et surtout, le serait-il devenu si son espérance de vie était restée normale ?, voici d'intéressantes questions auxquelles je me garderais bien de proposer des réponses. Après tout, désormais, Brice est à tout le monde.
 
   
- Quel est l'état de vos réflexions personnelles, quant au fait que nous soyons si fragiles et temporaires ?
Je trouve ça très dur, surtout que ça a/va concerné des gens que j'aime, moi compris.
Par contre, même en étant très sérieux, je n'ose imaginer sérieusement l'immortalité. Songer à Hitler ou Staline immortels me glace le sang.
Et puis, imaginez le prix du mètre carré sur Paris intra muros si nous ne mourrions pas ! Par contre, il y aurait des scènes assez savoureuses: les visites de Versailles seraient interdites, avec tous les Louis qui y habiteraient, par exemple....
Si l'homme était immortel, en fait, la planète aurait succombé il y a bien longtemps, faute de ressources naturelles suffisantes.
Sans aller jusqu'à l'immortalité, pourtant, on ne peut que regretter ce que Mozart, Zappa, Chaland, Alexis, John Kennedy Toole ou Jean Vigo (parmi tellement d'autres !) auraient pu faire d'une ou deux dizaines d'années en plus.
Quant à moi, je vais essayer de vivre le plus longtemps possible. Ensuite, si le choix m'est laissé, je pencherais pour une mort la plus rapide et la moins douloureuse possible. Mais la tâche n'est pas des plus simples: je suis extrêmement douillet !
 
   
- Ecrire ce livre, c'était le moyen de conquérir votre part d'immortalité ? De lutter contre une crise de quarantaine ?
Les seuls immortels que nous ayons siégeant à l'Académie Française, je ne souhaiterais ça à personne !
Je suis un peu bizarre, mais établir un plan de conquête d'une immortalité artistique au travers de l'écriture d'une bande dessinée en noir et blanc sur la maladie et la mort me semble quelque peu tiré par des cheveux que j'ai perdus depuis bien longtemps ! Même un méchant tiré du pire James Bond n'arriverait pas à échafauder de l'aussi-machiavélique !
Quant à la crise de la quarantaine, étant donné que je mûris très lentement, même si j'ai un corps de 41 ans 1/2, je sors à peine en fait de l'adolescence, alors....
 
- Pourquoi avoir choisi le médium bande dessinée pour raconter cette histoire, plutôt que le roman ou le cinéma par exemple ?
La bande dessinée est un médium extraordinaire, dès lors que l'on a trouvé un dessinateur et un éditeur.
Ce que l'on montre à la fin de l'Accablante n'aurait aucun sens, à mon avis, dans un roman. Je me sens auteur de bande dessinée avant tout. C'est un art que j'adore depuis ma plus tendre enfance, et c'est un incroyable bonheur de voir sortir un livre que j'ai écrit, et qu'un autre a illustré.
Le roman me tente, évidemment. Je suis comme tout le monde: j'ai des débuts de romans plein mes tiroirs... Mais les journées ne font que 24 heures, et je ne vaux pas grand chose si je ne fais pas mes 8 heures de sommeil quotidiens. Comme j'ai un travail de libraire qui occupe pas mal mes journées, même en supposant que j'aie le talent nécessaire à l'achèvement d'un roman, je ne pense pas pouvoir faire autre chose que de la bande dessinée pour le moment. En plus, je viens enfin de rencontrer un dessinateur talentueux et un éditeur digne de ce nom, alors j'aimerais pousser cette collaboration le plus loin possible, tant pis pour eux !
Quant au cinéma, je n'ai ni le courage, ni les capacités nécessaires à ce métier de fous parfois géniaux, malgré les immenses contraintes auxquelles ils sont soumis.
Entre ces trois médiums, je n'arrive pas à établir de hiérarchie. J'arrive à dire si tel roman, ou tel film, me semble supérieur à telle bande dessinée, ou l'inverse, et pourquoi, mais je les trouve égaux dans le potentiel artistique.

   
- Une phrase qui m'a toujours plongé dans des abymes de perplexité, c'est la citation selon laquelle l'humour serait "la politesse du désespoir" (on ne voit pas bien ce que la politesse a à voir là-dedans). Quelle est votre opinion sur les rapports de l'humour et du désespoir ?
Je pense que le désespoir stimule les gens qui ont de l'humour à jouir d'un dernier bon mot. Encore faut-il que les conditions s'y prêtent. Et puis, c'est surtout un soulagement pour celles et ceux qui restent, ou arrivent après.
Mais je trouve absolument admirable que certain(e)s aient su faire preuve d'humour dans des moments plus que difficiles. Que l'on ait attribué à Pierre Desproges, un an après sa mort, un prix pour son "one man show ininterrompu au Père Lachaise", ou que Sacha Guitry, demandant à Tristan Bernard interné à Drancy de quoi il a besoin, s'entende répondre "d'un cache-nez !", entre autres exemples, me rend des plus admiratifs....
   
 
- Toujours en matière d'humour, un paradoxe de votre livre, c'est que les réparties de Brice Fourrastier à ses proches ou à sa psy sont plus amusantes que ses sketches sur scène... A quoi attribuez-vous cela ? Les avez-vous testés auprès d'un public vivant ?
Ah, mince ! Si c'est ça, c'est que le livre est raté ! Je pense que cela est dû au fait que je peux écrire des dialogues, disons... percutants, mais que l'écriture de sketches est un exercice qui m'est parfaitement étranger. Je tenais à le faire parce que je voulais montrer Brice sur scène, et aussi pour lui donner de ce fameux "panache" des gens qui poussent l'humour jusqu'en ces derniers retranchements, grâce au sketch "Morituri te salutant".
Par contre, j'ai aussi tenté de montrer Brice entouré de gens ayant autant, voire plus d'humour dans les dialogues échangés, car il est une éponge qui se sert de tout ce qui passe à sa portée pour écrire ses spectacles.
Donc, si les sketches sont moins drôles, c'est entièrement de ma faute; pas d'autre explication possible ! Pour ceux qui sont montrés lors du JBR Show, j'avais préparé une excuse en béton: ce sont les moins bons sketches de Brice qui ont été perfidement choisis par Roro, le producteur de l'émission... Pas mal, hein ?! 8-)
Mais, je suppose que je n'en aurais plus besoin...
Toute l'écriture s'est faite dans le secret d'une chambre-bureau. Rien n'a été testé sur du public, puisque je ne suis pas comédien de one man show. Le seul public vivant auquel je suis confronté, ce sont ma famille, mes ami(e)s, sur lesquels j'aiguise mon sens de l'humour depuis pas mal d'années, maintenant, les pauvres. J'ai essayé avec des banquiers, aussi, mais je ne conseille cette expérience à personne !
   
   
- Rassurez-nous, ce n'est pas un livre-testament, votre dernier bilan de santé est bon ?
J'ai chopé un petit rhume, mais ça va ! Selon moi, le fait que je sois enroué me donne le timbre de Barry White, mais ma copine a plutôt l'air de pencher pour Daffy Duck. Il faut absolument qu'elle passe un audiogramme....
 
   
- Un ou plusieurs autres livres en préparation ?
C'est la fameuse question où l'on apprend la prudence... Disons que j'ai terminé l'écriture d'un recueil d'histoires courtes où des hommes parlent de leurs relations aux femmes. Sébastien semble partant. Nous attendons désormais le feu vert éditorial pour que l'aventure puisse démarrer !
J'ai bien avancé dans la réflexion du livre d'après. Je vais commencer le découpage des premières planches d'ici un mois. Si j'arrive à en faire quelque chose, je pense que c'est encore un projet qui pourrait convenir au cher Sébastien.
Sinon, j'ai un projet très différent, une sorte de vaste histoire façon "comics book", sans super-héros. Mais je n'ai pas encore trouvé de dessinateur pour pouvoir monter le projet.



INTERVIEW SÉBASTIEN VASSANT :

- Quelle est l'histoire de votre rencontre avec Gilles Lahrer ? Comment son scénario vous a t-il été présenté ?
Sébastien Vassant : Gilles Lahrer (ou Larher si vous voulez, de toute façon personne ne se souvient comme ça s'écrit), je n'avais pas forcément envie de le rencontrer. Cependant des amis communs (Nykko et Bannister, auteurs des Enfants d'ailleurs chez Dupuis) nous ont mis en relation. Gilles finissait son pavé scénaristique et cherchait un dessinateur. J'avais pas mal de boulot, de projets non-aboutis à ce moment mais ça m'a fait plaisir que l'on pense à moi, le petit débutant dans le métier. Mon dessin a plu à Gilles apparemment, il m'a proposé de faire un essai. Je ne savais pas si j'allais pouvoir m'embarquer dans un aussi gros projet sur le moment, mais j'ai eu la chance de pouvoir lire dans l'intégralité l'histoire et son ambiance avant de prendre une décision. A la fin de ma lecture, j'ai reposé le précieux manuscrit, je suis sorti un peu en me disant: "wow". Evidemment je lui ai tout de suite répondu: «C'est moi qui le fait et si tu n'es pas d'accord, je connais suffisamment de personnes malfaisantes pour te convaincre». Notre collaboration et amitié venait donc de commencer.
D'un point de vue purement personnel, je trouvais en cette histoire tout ce que je recherchais à l'époque. Je voulais une histoire réaliste, contemporaine et forte pour me sortir des univers que j'affectionne d'habitude, assez chargés d'imageries comme le western, l'enfance, les jouets un peu débiles. Depuis longtemps j'essayais de m'y mettre mais je ne le sentais pas... Là, les images venaient toutes seules.

 
- L'univers des one-man-shows, c'est un personnage qui focalise toute l'attention, mais des décors et une mise en scène minimalistes... Pas très excitant pour un dessinateur, non ?
Au contraire, je voyais ça comme une opportunité de m'amuser entre des moments très réalistes. Dans les passages de scène, je soufflais en pouvant "jouer" avec mon personnage. Et en même temps en essayant de ne pas trop "ennuyer" ou a contrario, trop en faire dans ce que je montrais. Il fallait se mettre dans la peau de l'acteur...  Et c'est beaucoup plus amusant d'animer un personnage sans l'artifice de décors ou de foule. Je crois que c'est justement parce que ça n'avait pas l'air d'être excitant que j'étais content de dessiner ces pages-là, parce que j'avais justement toute liberté de les rendre... excitantes à lire. J'espère que c'est le cas. Les défis pour un dessinateur ne se résument pas à faire un plan large d'une bataille avec un million de cavaliers ou une contre-plongée de New-York vue d'avion. C'est des fois arriver à rendre intéressante une page avec le moins d'éléments possible.
 
- Outre la frugalité des décors, il y a également une grande économie d'expression chez vos personnages. C'était nécessaire de rester dans cette sobriété ?
Ce n'est pas a priori le genre d'histoires qui appelait un grand renforts d'expressions extravagantes ou trop marquées. J'ai cherché à être le plus réaliste possible au niveau des expressions. J'ai essayé de les diversifier un maximum sans pour autant être trop caricatural. Je me suis souvent pris à jouer physiquement l'expression des personnages quand je dessinais. Je m'imaginais un acteur jouer, une personne réelle dire cette réplique. Et je crois que je photographiais mentalement cet instant. Du coup on se rend compte souvent que les gens n'ont pas forcément des attitudes exagérées. C'est beaucoup plus une question de gestuelle et de langage du corps entier. L'étonnement passe souvent par la position des épaules, des bras et du bassin.. presque beaucoup plus que par l'expression des éléments du visage. Je suis plutôt d'accord du coup quand vous parlez de "sobriété"... pourtant je ne crois pas avoir été "économe" : mais c'est vrai que je me suis souvent amusé à être le plus "subtile" possible dans les changements d'expression. Ainsi un personnage peut sensiblement avoir la même expression sur deux cases mais parce qu'il baisse les paupières un peu plus, le signification varie légèrement. Je voulais ainsi un rendu plus réaliste malgré mon dessin qui ne l'est pas.
 
- De façon opérationnelle, comment s'est passé votre travail, quels ont été les échanges avec Gilles Larher ?
Ca va faire hyper cliché, mais je pense qu'avec Gilles, on s'est réellement trouvés. Le travail a été d'une simplicité, et je crois d'une efficacité déconcertante. Cela a été sûrement frustrant pour lui d'avoir terminé son histoire et d'avoir attendu 8 mois sans rien faire avant de voir le "produit fini". Mais il a suivi les différentes étapes. Il est d'une précision presque maladive, avec un sens du détail assez impressionnant... mais sans jamais m'imposer des choses, ou des directions à prendre. Et cela allait parfaitement car de mon côté, je suis un angoissé chronique, et je m'impose du coup d'être nonchalant, volontairement approximatif et bordélique dans mon travail afin d'arriver réellement à quelque chose. Ainsi nos deux méthodes de travail cohabitaient parfaitement. Je montrais à Gilles des paquets de pages finies, envoyées par mail... Avec son oeil d'aigle il repérait quelques incohérences ("tiens, sur cette case, elle n'a pas de lunettes..." des choses comme ça), mais je ne me souviens pas qu'il m'ait jamais reproché de prendre des libertés de narration. J'avais ainsi son scénario très précis et je pouvais le tirer dans tous les sens parce que je savais que la base était tellement solide que j'allais retomber forcément sur mes pattes. J'ai été très fidèle au scénario de Gilles mais j'ai essayé de m'approprier l'histoire le plus possible, surtout au niveau narratif, dans la façon de raconter visuellement. Je me suis beaucoup plus lâché sur les passages de scène de one-man show par exemple ou aussi dans les passages muets. Et à côté de ça, j'apprenais de façon assez jubilatoire l'art du dialogue grâce à Gilles. J'ai compris qu'une densité de texte dans une bande dessinée n'était pas forcément aussi rébarbatif que je le pensais.


- Ce livre dégage l'impression rare d'un dessin au service de l'écriture. Dans la plupart des bandes dessinées, le rapport est inverse. Partagez-vous ce sentiment ?
C'est le plus beau compliment qu'on pourrait nous faire. Cela veut dire que ça marche, qu'on a réussit à raconter l'histoire de manière efficace. Paradoxalement, je suis extrêmement heureux qu'on "oublie" mon dessin en lisant ce livre. Si je veux plus tard qu'on reconnaisse mes prouesses en décors, en couleurs, et anatomie, je ferais d'autres livres où je pousserais mon dessin au maximum. Mais sur ce genre d'histoire, ça aurait été tout à fait ridicule. Je voulais être sobre sans être minimaliste, avoir un trait "lâché" sans pour autant qu'il ne soit pas maîtrisé. Il fallait surtout pas non plus que le dessin "gêne" les textes par une pseudo-exposition de prouesses visuelles et ainsi que tout devienne surchargé. Le plus important était l'enchaînement des dialogues, le dessin devait simplement les mettre en scène à ces moments là.  J'ai beaucoup plus crayonné sur ce livre que je ne le faisais avant pour donner un certain "réalisme". Et puis finalement, le dessin passait en arrière plan par rapport à mon travail sur la narration. Je crois avoir fait plus un travail de metteur en scène sur ce livre que de dessinateur. J'ai plus "raconté" que "dessiné" et en faisant cela je crois avoir compris et appris beaucoup de choses sur ce que j'aimais faire. En fait je dis tout ça mais j'ai plutôt fait tout le livre de façon inconsciente... je l'ai fait de la façon la plus naturelle qu'il me semblait devoir le faire. Et si ça marche j'en suis vraiment ravi !
 
- Il y a un hommage transparent à vos éditeurs, Alain David et Sébastien Gnaedig, sous la forme d'un article signé "Alain Gnaedig". Quelle a été leur contribution à ce livre ?
Gilles aime bien ces petits hommages. Il y a en a d'autres dans le livre sur des personnes qu'il aime, des amis, des personnes qui le passionnent. Même l'histoire n'est qu'un immense hommage finalement. Pour parler d'Alain David et Sébastien Gnaedig, ils ont accompagné de façon magistrale le projet. A un moment où je ne croyais plus vraiment à l'édition, ils m'ont prouvé qu'on pouvait travailler de façon intelligente, simple et humaine dans un contexte d'une structure encadrée de géants avec ces avantages et inconvénients. Alain David est réellement quelqu'un que j'ai découvert sur ce projet et qui m'a énormément fait avancer et donné confiance en moi. C'est un gars qui te parle de toutes ses rencontres incroyables et qui en même temps arrive à parler de ton travail. Quant à Sébastien, il m'a surpris par cette fraîcheur et ce petit grain de folie qui cachent un incroyable professionnalisme que je qualifierais presque "à l'ancienne". Il y a eu un réel échange avec eux. Ils ont avancé avec nous sur toute l'élaboration des pages. Cette façon de travailler n'est peut être pas pérenne ou sans risque mais elle est extrêmement ludique, encourageante et rassurante pour un auteur.

- Que préparez-vous à présent ?
Plus ou moins beaucoup de choses. Un nouveau livre avec Gilles principalement pour l'instant, toujours chez Futuropolis. Et puis on risque de continuer pas mal de temps ensemble finalement... Sinon j'ai des projets vraiment passionnants et différents, tout seul mais aussi avec Loïc Dauvillier par exemple... Reste à voir ce qui restera ou pas... Mais tout ça est un peu toujours des choses lancées en l'air parce que les projets sont long à se concrétiser, je ne sais donc pas vraiment ce qui se fera ou pas...

Propos recueillis en mars et avril 2008 par Jérôme Briot  
Dossier préparé par Jérôme Briot et Stéphane Farinaud