L
e 6 novembre de l’an 15, le consul Germanicus accueille sa première fille dans l’air froid du camp d’Ara Ubiorum, en Germanie. La petite Agrippine rejoint trois frères aînés et une lignée qui descend, selon la légende, des fondateurs de Rome et des amours de la déesse Vénus avec le prince troyen Énée. Son oncle, Tibère, a succédé à Auguste, l’année précédente, mais il est inquiet des succès militaires de son cadet, largement plébiscité par l’armée. La mort suspecte de Germanicus ouvre une guerre de longue haleine pour le pouvoir entre le clan du second empereur et celui de la veuve. Agrippine grandit dans ce climat à couteaux tirés où complots et trahisons vont bon train. Elle devra, elle aussi, louvoyer et conspirer pour survivre.
Déjà auteur des Trois Julia qui mettait en avant les mère, grand-mère et sœur d’Héliogabale, Luca Blengino entreprend de raconter le parcours d’une autre figure féminine de l’Antiquité : Agrippine la Jeune (15-59 apr. J.C.). Plus connue que les précédentes, la mère de Néron a vu ses frasques et dépravations - réelles ou supposées – largement relatées, notamment par Suétone dans La vie des douze César. Dans Sang céleste, premier volet d’un triptyque, il n’est pas encore question de l’épouse empoisonneuse ni de la mère louve à l’aura imposante. Le scénariste s’y applique d’abord à retranscrire le contexte et les années d’enfance puis d'adolescence de la protagoniste, jusqu'à son mariage arrangé et la naissance de son célèbre fils. Déroulant son récit chronologiquement, il revient donc sur les remous consécutifs au décès du premier empereur et sur le règne de Tibère, en mettant en avant les personnalités des différents acteurs, leurs menées pour conserver ou acquérir le pouvoir et les rivalités ponctuées de coups bas et de meurtres. Le personnage principal grandit donc dans une atmosphère de suspicion et de violences (intra et extra-familiale) constante et a pleinement consciente qu’elle est une pièce sur l’échiquier. Confiée à Roberto Ali (Le Masque aux mille larmes), épaulé aux couleurs par Angelo Iozza (Valois, Theodora, la reine courtisane), la partie graphique s’attache à restituer au mieux les décors de la Rome antique ; c’est plutôt convaincant. Par ailleurs, le trait, réaliste, se révèle assez expressif ; il ne cherche pas non plus à embellir les intervenants et souligne au contraire leurs caractéristiques physiques et morales.
Ce tome initial d'Agrippine remplit comme il faut le cahier des charges de la collection des Reines de sang et sait appâter pour donner envie d'en apprendre davantage sur la destinée hors norme du personnage principal.
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