L
a Manche, aujourd’hui. Pilote professionnel, Stanislas est hélitreuillé sur le M/S Pandora. Il va rester à bord du vraquier le temps qu'il sorte de ce passage délicat entre l’Atlantique et la Mer du Nord. Cette mission de routine va prendre une toute autre ampleur quand il réalise la situation peu banale qui règne sur le navire. Capitaine ivre mort, équipage en roue libre et quelques migrants cachés à fond de cale, la seule personne ayant conservé un semblant de sens commun est l’officier en second Hélène Blandin, une jeune femme récemment appointée à ce poste. Rapidement, des avaries plus ou moins provoquées se déclarent à différents ponts. Qu’est-ce qui se passe donc sur cette galère ?
En 2018, Bruno Costès-Beau et Clément Belin avaient proposé Fortune de mer (Futuropolis), un très intéressant récit-documentaire sur les remorqueurs en haute mer. Forts de leur connaissance fine du domaine maritime, ils reviennent avec Cargo – Pavillon barbare, une histoire chorale passablement échevelée et absurde qui réussit néanmoins à rester totalement réaliste. Entre deux retours en arrière précisant comment chaque personnage est arrivé à bord, une série d’épisodes surréalistes transforme le vaisseau en une scène de théâtre improbable où les protagonistes s’échangent leurs quatre vérités et quelques horions, avant de trinquer avec des alcools discutables. Le tout se déroule alors que la météo se gâte et que l’armateur se dégage déjà de toutes responsabilités en cas de naufrage (de toute façon, le bâtiment est destiné à la casse).
Capharnaüm sans dessus-dessous, le scénario, certainement nourri d’anecdotes véridiques, permet d’entrapercevoir la réalité qui gouverne les transports de marchandises à travers la planète. Celui-ci met également en avant quelques sujets sociaux d’importance tels que la place des femmes, le sexisme et les trafics humains. Il en résulte une tragi-comédie menée tambour battant, immensément drôle et terrible à la fois. Le traitement sans manichéisme des personnages est à relever. Personne n’est innocent ou coupable et, sans être véritablement complices, ils participent tous à un niveau ou un autre à ce pataquès économico-politico-transatlantique.
Illustrations et mise en page qui rappellent agréablement Marc Wasterlain, un sens aiguë du dialogue et un cadre général très parlant, Cargo – Pavillon barbare est une lecture détonante et extrêmement révélatrice de notre époque. Une croisière que vous n’êtes pas près d’oublier.
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