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rbite de Neptune, 2283. Volontaire pour une mission au long court, Leela est seule à bord du Télescope Spatial Ulysse. Ce bijou de technologie scrute continuellement tous les recoins de l’univers et permet à la courageuse astronaute de s'immerger dans des reconstitutions virtuelles de ces confins. Son objectif ultime est de trouver une planète habitable au détour d’un système solaire lointain. Aussi étrange qu’il y paraît, elle rêvait de cette expédition en solitaire depuis sa jeunesse. Elle a même accepté de quitter sa douce moitié afin d’en faire partie. Forte et enthousiaste, la solitude commence néanmoins à la miner. Aurait-elle fait une erreur en se tournant vers l’infini, alors qu’elle avait tout pour être heureuse sur Terre ?
Steinkis inaugure la nouvelle collection/label Aux Confins avec Au-delà de Neptune. Cette ambitieuse fresque intersidérale et intimiste sert de prétexte à Gabriele Melegari pour explorer l’âme humaine et la curiosité qui la pousse d’aller plus loin. Pour ce faire, il emprunte des moyens similaires à ceux que Stanley Kubrick et Arthur C. Clarke avaient déployés dans 2001, l'Odyssée de l'espace. La référence est écrasante, mais entièrement assumée et "digérée". Plus modeste néanmoins, Melegari n’est pas remonté à l’aube de l’humanité et évite les circonvolutions théologiques, à l'inverse de ses illustres prédécesseurs. Uniquement dédié à son héroïne, il s’est limité à décortiquer méticuleusement cette psyché passionnée.
Évidemment cosmique, la narration suit le quotidien (enfin, ce qui lui tient lieu de quotidien) de Leela : communications, réparations et observations se répètent inlassablement. Ce programme draconien – surveillé par un ordinateur pointilleux – est entrecoupé de spectaculaires vues de l’espace et de retours en arrière. D’un côté, un travail difficile et extraordinaire, de l’autre le récit d’un couple déchiré et des précisions sur le contexte général qui a mené à la création et au déploiement d’Ulysse. Ce mécanisme dramatique, parfois difficile à suivre, se complique tranquillement alors la protagoniste principale perd petit à petit les pédales : trop de stress, trop de regrets et trop d’étoiles à visiter. Y a-t-il seulement un but ou une fin ?
Un instant très classique visuellement (le vaisseau, les machines, etc.) et totalement ouvert celui d’après, la mise en page est également emportée par le désordre psychique et virtuel dans lequel l’aventurière se débat. Le dessinateur ne se prive pas et se «lâche» régulièrement dans des séquences à la limite de l’abstraction. Pour autant, il retombe toujours sur ses pieds et ça, malgré le manque de gravité.
Pointu et complexe, Au-delà de Neptune s’avère avant tout profondément humain. Perdue dans le vide et sans trop d’horizon auquel se rattacher, Leela rappelle l’importance et la difficulté de faire des choix en accord avec son for intérieur.
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