A
près un séjour de cinq années à Londres, Nour est de retour en Arabie Saoudite. Dans la capitale britannique, elle a enlevé son voile, découvert la liberté, suivi des leçons de photo... et appris à conduire une voiture. Bref, elle a vécu. Revenue dans son pays, les choses reprennent leur cours : elle devra obéir à son père jusqu’à ce qu’elle se soumette à son mari. Cet époux, formé aux États-Unis, est sensible à ses besoins. La nouvelle mariée éprouve malgré tout du mal à jouer les seconds violons dans une société patriarcale. Avec un groupe de compagnes d’infortune, elle posera un geste timide, mais symbolique.
Le récit de Chloé Wary est sommaire. À travers l’aventure d’une dame et d’un minuscule acte de révolte, elle décrit tout un monde. L’anecdote est malheureusement courte et le livre se lit très vite. En fait, le lecteur reste sur sa faim. Il souhaiterait mieux comprendre et savoir ce qui s’est passé après cette incartade. Le choix de raconter une histoire survenue en 1990 est par ailleurs embêtant. En fin d’album l’auteure explique que les choses n’ont pas changé et que les femmes luttent toujours pour avoir le privilège de s’asseoir sur le siège du conducteur… Alors, pourquoi ne pas sensibiliser les gens à ce que vit la saoudienne d’aujourd’hui plutôt que de raconter un non-événement banal, ancien et surtout, sans réelle conséquence ?
Le dessin en noir et blanc est tout simple. Les personnages et les décors sont esquissés avec grande élégance ; même les phylactères, semblables à des feuilles, sont gracieux et font corps avec les illustrations. Alors que le récit se situe dans un univers où tout est carré, rien n’est droit dans ce roman graphique où les cases semblent se révolter et imposer leur besoin d’être uniques.
Il est difficile de ne pas compatir à ce que vivent ces personnes privées de leur libre arbitre. La cause est importante, mais la nouvelle manque un peu d’ambition.
C’est une bd qui a été écrite pour dénoncer le fait que les femmes n’ont pas le droit de conduite en Arabie Saoudite depuis un décret du début des années 1980. L’actualité a rattrapé cette œuvre puisque le royaume a annoncé que les femmes pourront reconduire à partir de juin 2018. Il faut s’attendre à un tsunami de demande de permis de conduire.
Que l’Etat interdise un certain nombre de choses, on l’accepte car cela s’appelle la loi. Maintenant que la religion au nom d’un Dieu dont on suppose l’existence sans preuve matérielle et scientifique interdise, c’est sans doute plus difficile à admettre. C’est dommage de se créer de telles restrictions supplémentaires que ce soit dans l’alimentaire ou dans les actes courantes de la vie de tous les jours.
Les femmes en sont malheureusement les premières victimes. On a le droit de dire qu’on n’est pas d’accord avec de telles restrictions discriminatoires. Cette œuvre y concourt largement en citant d’ailleurs des sourates qui font d’ailleurs froid dans le dos. Je n’ai rien contre cette religion d’amour et de paix mais contre toutes les religions qui asservissent les gens au nom de certaines interprétations des textes sacrés. Finalement, quelle joie d’être libre en ayant aucune croyance. Il n’y aura pas d’erreur d’interprétation. Tout cela, ce ne sont que des chimères, point final.
Cette bd est à pleurer sur le sort de ces pauvres femmes. On va suivre l’évolution d’une jeune fille qui a gouté les espaces de liberté quand le père de famille a travaillé à Londres. C’est certain que l’Occident, cela n’a rien à voir. Le retour dans la monarchie islamiste est difficile surtout avec la présence de la muttawa, la police des mœurs qui veille à ce que le port du voile soit intégral. Les nouvelles technologies sont encadrées, la musique n'est pas autorisée en public, encore moins le théâtre, et la télévision par satellite est également filtrée, tandis que la ségrégation sexuelle est accentuée, et la conduite des femmes interdite. Féminisme et libertés ne font pas bon ménage.
J’ai bien entendu été sensible au message d’espoir apporté par cette bd. Cela va se concrétiser bientôt. Il était sans doute nécessaire d’en parler afin de sensibiliser le public sur ce qui se passe dans une autre partie du monde où les mœurs et coutumes sont différentes. Mais bon, il faut savoir que selon un classement totalement indépendant, l’Arabie Saoudite est l’un des pays qui respecte le moins les droits de l’homme. Les autorités considèrent toute voix dissidente comme du terrorisme. Du coup, on ne peut être qu’admiratif envers ces femmes qui ont décidé de braver le pouvoir en conduisant pendant quelques minutes. Une escapade qu’elles paieront très cher.