A
u large de la Bretagne, à bord de la Hyène, Kernok, capitaine redouté, navigue entre cruauté assumée et vertiges moraux. Hanté par ses actes, il multiplie les attaques, volant les biens, tuant les gens. L’histoire évolue dans une atmosphère de fatalité où chaque action précipite le brigand vers un destin révélé par une sorcière, laquelle lui a annoncé une fin prochaine. Kernok le pirate est une adaptation d’un roman méconnu d’Eugène Sue.
Le rythme, tendu comme une voile par vent fort, est marqué par un humour noir. Le sarcasme met en relief la brutalité d’un monde où la violence est une seconde nature. Au-delà de la piraterie, le récit évoque la traite des noirs et une famille de naufrageurs envoyant de faux signaux pour tromper les navires afin qu’ils s’échouent. En cela, le protagoniste demeure le produit d’une époque (vers le XVIIe siècle) assujettie à la loi du plus fort ; un temps où les principes moraux apparaissent parfois accessoires.
Le scénariste se garde toutefois de témoigner d’une quelconque indulgence pour la dérive morale de l’homme, d’en faire un libre-penseur ou un anarchiste romantique. Sans aucun compromis, il le présente dans toute sa barbarie. Certes, il révèle la fragilité de son équilibre mental et le montre en proie à des cauchemars terrifiants ; sa folie explique, mais ne justifie pas.
Le dessin semi-réaliste s’appuie sur un trait expressif aux accents caricaturaux. Les personnages, aux mines patibulaires, jouent toujours juste, dans un registre oscillant entre le drame et la farce. La colorisation, dominée par des teintes sombres, sent le goudron et le bois mouillé. Elle impose une ambiance de crépuscule quasi permanent. Cette obscurité renforce la nature tragique du héros et scelle la puissance esthétique du livre.
Une tragédie maritime magistrale, qui consacre Riff Reb’s dans sa posture de cartographe des eaux les plus noires.









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