L
e dernier Iznogoud portant la signature de René Goscinny date de près d’un demi-siècle, et celui proposé par Jean Tabary remonte à une vingtaine d’années. Aux commandes de ce tome 33 est réunie la fine fleur des repreneurs de franchises : Lemoine (Spirou et Fantasio), Andrieu (Le livre d'Astérix), Falzar (Les Schtroumpfs, Soda) et, last but not least, Zidrou (Ric Hochet, Boule et Bill, Clifton, Chlorophylle, Le Flagada, La Ribambelle, Léonard). Ensemble, ils reprennent le flambeau avec panache, fidèles à l’esprit des créateurs de la série tout en y apportant une modernité jubilatoire.
Parmi les monuments indémodables de la bande dessinée cherchant à traverser les décennies, Iznogoud a-t-il su préserver sa verve et son mordant sous la houlette de ces nouveaux repreneurs ?
Comme toujours, le ressort principal repose sur cette obsession inusable : « Je veux être calife à la place du calife ! » L'ambitieux multiplie donc, avec sa mauvaise foi et son ingéniosité machiavélique, les plans tordus pour détrôner l’innocent et affable Haroun El Poussah.
Mais cette fois, la mécanique se voit bousculée par l’arrivée d’un personnage inédit : Nourah, la sœur du calife, dotée d’un sacré tempérament et d’une ambition dévorante. L’affrontement s’annonce épique : Iznogoud doit rivaliser de ruses pour séduire – ou éliminer – cette nouvelle concurrente directe à la prise du pouvoir.
Entre traquenards, gags et quiproquos, les cinq histoires composant l’album se dégustent comme autant de friandises. « Poussah-toi de là que je m’y mette ! » ou Le Noël d’Iznogoud multiplient calembours, clins d’œil et parodies décalées.
A noter d’ailleurs que dans cette histoire, l’humour repose sur un jeu de mots très efficace : fidèle à sa réputation, l’éternel excité détourne la tradition de la lettre au Père Noël pour demander, non pas un jouet, mais « un moyen d’éliminer le calife ». Pour obtenir ce cadeau au goût douteux, il se voit contraint d’accomplir des actes de « bonté » et de fausse générosité, rendant le contraste avec l’esprit de Noël d’autant plus absurde et savoureux.
Sous le trait acéré du dessinateur Elric, le nouvel album conserve l’esprit et le punch qui font la renommée de la série. Le dessinateur modernise subtilement le graphisme tout en restant fidèle à l’univers original : personnages expressifs, cases riches en détails, découpage dynamique, gags visuels maîtrisés et abondance de décors foisonnants donnent un rythme soutenu à la lecture. Les couleurs vives et les ambiances orientales plongent le lecteur au cœur d’un Bagdad imaginaire plein d’humour et de caractère. Le dessin restitue à merveille les mimiques d’Iznogoud, l’air niais du calife ou encore le tempérament explosif de Nourah.
Iznogoud et la sœur du calife n’est pas une énième suite à la seule vocation commerciale : c’est un digne ajout à un patrimoine du 9ᵉ art, un album où l’on rit encore des déboires de ce vilain sympathique, véritable incarnation de la malice, où, même à Noël, le rêve secret du vizir reste… d’être calife à la place du calife !








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