A
lice, Maé et Giulia sont trois adolescentes de seize ans comme les autres, amies très proches qui occupent leur été entre jouer un peu de guitare, discuter des garçons et tuer le temps au lac à côté de chez elles. Mais le programme change radicalement quand elles apprennent qu’Isaac Dean, la star du rock originaire de la région, est de retour. Elles décident alors d’aller chez lui pour qu’il écoute leur musique. Cette rencontre va bouleverser leur relation et leurs vies. La deuxième partie du récit raconte les suites de cet été, sept ans plus tard.
Les thèmes abordés par Manon Debaye sont nombreux, cette histoire permet de traiter à la fois d’amitié, d’envie d’ailleurs, de détresse émotionnelle, d’aveuglement plus ou moins volontaire face à la souffrance de l’autre, de pédocriminalité et d’emprise, de remords… Ces sujets ne sont pas assénés mais simplement montrés via la vie de ces jeunes filles. Lourds, ils sont développés de manière subtile et sensible par l’histoire des adolescentes.
Le démarrage du récit est particulièrement réussi. En quelques scènes courtes, l’autrice parvient à poser le cadre, l’ambiance, les trois personnalités très différentes de ses héroïnes. Par la suite, elle apporte des informations sur le cadre familial de chacune, en quelques cases limpides. La description d’une jeunesse de province, un peu perdue, qui s’ennuie et qui cherche des échappatoires sonne très juste. Une autre grande force du livre est son rythme et la manière dont sont mis en scène les personnages tour à tour. C’est Alice qui tient le rôle principal. Accueillie en grande pompe par ses deux amies à sa première apparition, elle est motrice dans le groupe, propose les sorties, incite à l’action. Maé est son acolyte la plus proche, elle est la première bénéficiaire de ses attentions. Quant à Giulia, elle reste un peu hors-champ, tout le monde a tendance à oublier ses interventions. La finesse de ces dynamiques ne sera révélée pleinement au lecteur que dans la seconde partie, après qu’elles ont été complètement chamboulées par les évènements. Cette narration en deux temps impressionne par la charge émotionnelle très forte de la fin de chaque moitié, qui se répondent et s’enrichissent mutuellement.
Les pastels utilisés pour les couleurs correspondent bien au thème principal de l’enfance. En plus d’être très beaux, de poser les ambiances via des fonds variés, ils apportent à cette histoire une douceur générale qui, paradoxalement, durcit le propos. Par ailleurs, Manon Debaye propose un gros travail sur les visages de ses personnages, sur lesquels se lisent une grande palette d’émotions par des variations parfois très subtiles d’une case à l’autre. Enfin, il faut saluer le jeu des cases qui se répondent, une mise en scène qui raconte autant et parfois plus que les dialogues.
Sur ces sujets de société, les bédéphiles sont plus habitués à des autobiographies ou des BD reportages. Il est salutaire que Manon Debaye s’en empare en misant sur la fiction pour varier les approches et permettre aux lecteurs et lectrices un engagement émotionnel plus personnel.







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