Naïade Eilin du fond de l'eau

I l était une fois, dans des contrées semblables à l'Europe centrale, un duo d’aventuriers qui parcourait les forêts en quête de richesse pour l'un, d'une vie tranquille pour l'autre. Un soir, le second jeune homme suit un sentier menant à une rivière. Là, il assiste à l'arrivée de trois loutres qui se transforment en femmes. L'une d'entre elles le repère et, le trouvant à son goût, se laisse attraper, renonçant à une grande partie de ses pouvoirs. L'histoire d'amour s'assombrit lorsque Vlad et ses hommes décident de prospecter de l'or encore plus loin sur le territoire des sœurs de Bella. La tension amène la sorcière à maudire sa fratrie pour protéger son amant. Des années plus tard, le couple s'est installé avec sa fille, Eilin. Hélas, l'arrivée de créatures protectrices des lieux suite déclenche un conflit. Le combat est remporté par les hommes qui s'enivrent et Vlad fanfaronne révélant la nature de sa femme aux autres. Folle de rage et craignant pour sa sécurité, Bella abandonne mari et enfant pour retrouver un autre monde, lançant un dernier sort afin de ne pas être retrouvée. Devenue adolescente, Eilin voit ses pouvoirs se réveiller lorsqu'éclate une guerre contre les Zmeï. C'est l'occasion pour elle de se lancer à la recherche de sa mère.

Un premier tome d'Eilin du fond de l'eau était sorti en 2017. Reprenant les soixante-deux pages précédentes, cette intégrale poursuit l'aventure et la conclut de belle manière. Maria Surducan a bâti une histoire complexe où s’entremêlent deux thèmes. Tout d'abord, dans les premiers chapitres et le dernier, le récit reprend la trame des contes d'Europe centrale et de l'Est. La scénariste y puise le déroulé mais aussi le bestiaire fantastique qui foisonne dans cet album. Cela lui permet de donner de la profondeur à son histoire, en misant sur un background commun ou quelque peu connu par les lecteurs. Le poids du passé sur la construction des êtres est la colonne vertébrale du titre. À travers le personnage d'Eilin, l'autrice aborde les conséquences et le poids des secrets familiaux. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, l'héroïne est amenée à assumer ce qu'elle est. Ainsi, elle peut faire ses choix, particulièrement dans le dernier chapitre face au dragon. La fin proposée évite un happy end qui aurait été maladroit, laissant le lecteur tirer ses conclusions.

L'histoire bien ficelée est magnifiquement mise en images par Anna Julia Benczedi. Associant délicatesse du trait, une solide maitrise dans l'agencement des planches et une colorisation impeccable, la dessinatrice sait faire preuve d'audace et d'originalité. Par exemple, les chapitres débutent par un extrait d'album photographique, procédé servant d'ellipse temporelle pour guider les lecteurs. Mais encore, dans la dernière partie se déroulant dans le monde magique, l'artiste use d'effets graphiques pour ses contours de planches et de cases signifiant ainsi le passage dans un autre espace-temps.

Eilin du fond de l'eau est une jolie et passionnante saga qui sait tenir en haleine ses lecteurs de bout en bout grâce à un récit parfaitement orchestré et par un graphisme soigné.

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