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ranquilleville, charmante bourgade québécoise nichée dans un écrin de nature à l’ombre des montagnes et bordée par un lac aux eaux limpides. Pour la majorité de ses habitants – les plus jeunes -, c’est surtout un trou où il ne se passe rien, peuplé d’idiots mal dégrossis. Certains se rappelleront aussi du terrible fait divers qui s’y est déroulé quelques années auparavant et qui avait valu la perpétuité à D’Artagnan «La Machine» Tremblay. Cette histoire ancienne ressurgit malheureusement dans l’actualité quand l’évasion du dangereux criminel est annoncée au journal télévisé. Il avait promis de revenir se venger et ce n’est vraiment pas un plaisantin.
Récit choral à la limite des genres, Thrillerville est le premier scénario de Lerenard. Quelque part entre les frères Cohen et Guillaume Griffon, il anime une distribution haute en couleurs dans une sorte de course à l’échalote multicéphale particulièrement truculente. Des flics de campagne bourrus aux jeunes femmes dynamiques, en passant par l’épicière hors d’âge, sans oublier une ou deux créatures légendaires et, évidemment, quelques secrets passés et présents qui ressurgissent, les stéréotypes ne manquent pas. Heureusement, le néo-scénariste ne s’est pas limité aux apparences et au pastiche. Intercalés dans la trame principale, des retours en arrière très bien construits apportent précision et contexte aux différentes force en présence. Ces petites touches enrichissent la psychologie des personnages et amènent de nouvelles pistes ou significations aux événements. L’ensemble est emballé par un humour omniprésent et essaimé de références et clins d’œil «pop-culturesques» savoureux. Il en résulte un album tonique, un peu longuet peut-être, mais toujours fluide et bourré d’une énergie contagieuse.
Style direct, entre comics et cartoon, découpage tendu, les dessins d’Alex Puvilland vont à l’essentiel. La précision et le réalisme passeront ensuite, l’urgence est à la narration. Ce choix ne se fait cependant pas au prix d’une simplification radicale et d’un trait sans attrait. Au contraire, les planches recèlent une certaine profondeur et offrent un réel ressenti, autant du lieu au sens large que de sa population. De plus, le dessinateur, très bien assisté par Laurent Croix aux couleurs et aux trames, a astucieusement modifié le rendu général des passages se déroulant dans le passé. Ce choix esthétique procure un supplément d’ambiance «vintage» et une esthétique très agréable.
Très classique, voire attendu d’un certain côté, Thrillerville cache un peu son jeu et s’avère en fait d’une grande modernité (thématique actuelle, relativisme des points de vue, etc.). Il s’agit surtout d’une lecture très bien ficelée, remplie d’empathie et d’une certaine violence grand-guignolesque à souhait.

















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