1, 2, 3 Piccard - Pionniers du ciel et des abysses

Q u’ils s’agissent d’artistes, de sportifs ou d’entrepreneurs, les dynasties brillantes attirent toujours l’attention. Dans le cas des Piccard, cette fascination a commencé dès le départ avec les exploits stratosphériques d’Auguste Piccard (1882 - 1962). Preuve de son impact, il sera l’inspiration principale d’Hergé lors de la création du Professeur Tournesol. Pour ce qui est de Jacques (1922 - 2008), sa plongée dans la fosse de Mariannes et ses différents sous-marins subséquents marquèrent les esprits durant la deuxième moitié du XXe siècle. Et le petit dernier, Bertrand (1958), ses tours du monde aériens, en ballon libre et en avion solaire, tinrent en haleine toute la planète.

Habitué de la vulgarisation scientifique (cf. Dans le secret des labos, Dargaud, 2019), Jean-Yves Duhoo s’attaque, avec Un deux, trois Piccard, à un dossier passionnant, d’une grande richesse. En effet, outre l’enchaînement de ces trois biographies incroyables, l’album permet aussi de percevoir l’évolution du monde des sciences et de sa pénétration dans la société. En (très) résumé et comme le titre le suggère, trois étapes se succèdent. Le pionnier, seul véritable chercheur académique, Auguste va tester des hypothèses qu’il a d’abord conceptualisées. Il obtient des subventions étatiques pour construire ses capsules et se lance. Il s’agit de la démarche classique. Ensuite, plus ingénieur que théoricien, Jacques prend la suite de son père, mais devient exclusivement un maître d’œuvre : un chef de projet et d’atelier en quelque sorte. Également toujours à court d’argent pour finaliser ses plans, il devra s’exiler, d’abord en Italie, puis aux USA afin de les concrétiser. Quant à Bertrand, psychiatre de formation, ses rapports avec la science pure sont encore plus éloignés. Dans les faits, il passe la majorité de son temps à courir les sponsors, institutionnels et privés. Résultat, ses vols au long court ressemblent plus à des évènements médiatiques qu’à l’aboutissement de recherches et n’apportent peu de réelles avancées. Le long et aride travail intellectuel devient invisible et laisse la place au spectacle, comme l’avait prédit Guy Debord. Reste à savoir où le progrès se trouve désormais dans cette mutation. Autre détail, qui n’échappera pas aux obervateurs.trices, l’absence des femmes dans cet univers est constante et continuelle et ça, peu importe l’époque, l’altitude ou la profondeur.

Découpage ouvert fait de petites scénettes, dessins et couleurs sympathiques, de nombreux hors-textes remplis de schémas et détails techniques, sans oublier quelques notes moins denses pour alléger la narration, Un, deux, trois Piccard s’avère être une lecture facile d’accès, très bien documentées et pleine d’énergie. Une excellente introduction à l’Histoire des sciences. Dès 10 ans.