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ls étaient dix... Femmes et hommes, jeunes, chercheuses et chercheurs, alpinistes et randonneurs aguerris, ils connaissaient le climat rude de la région et les risques. Pourtant, un seul d'entre eux reviendra. Que s'est-il passé pendant ses quelques jours dans l'Oural ? Pourquoi sont-ils tous introuvables depuis plus d'un mois ? C'est ce que Lev Nikititch Ivanov, procureur expérimenté, va tenter de découvrir.
Un mystère vieux de soixante ans. Décidément, Cédric Mayen aime surprendre en changeant de registre. Après Edelweiss (avec Lucy Mazel au dessin), L'Arc-en-Cieliste (avec Laura Iorio) ou encore Erwann (avec Yann Cozic) et Poltron Minet (avec Madd) en récit jeunesse, le scénariste tout terrain s'essaie à un nouveau genre, le thriller. Dans un cadre dépaysant, l'auteur propose une enquête surprenante et parvient rapidement à capter l'attention. Pourtant, la tâche s'avérait ardue : réussir à retracer les derniers jours d'une expédition au fin fond de l'(ex-)URSS à laquelle une dizaine de personnes prend part et pour laquelle, aujourd'hui encore, les certitudes sont rares, était un sacré défi. Le faire en rendant l'intrigue prenante et un beau suspense, même si l'issue est connue, reste à saluer.
Dans cette entreprise, le scénariste est aidé par Jandro (L'Ombre rouge), qui se charge des dessins et des couleurs. Ensemble, ils livrent une prestation convaincante. Le style réaliste, très propre, de l'Espagnol fait rapidement mouche mais c'est surtout sa mise en image qui ressort ; un découpage clair qui assure une lisibilité constante d'une part et, d'autre part, de jolies idées de mise en scène qui viennent épauler les choix de son compère. La double temporalité, tout d'abord, où les flashback se parent de tons sépia. Ainsi, les séquences qui narrent l'expédition des scientifiques apportent de la consistance aux personnages et ajoutent à la tension. Les réflexions de l'enquêteur Ivanov ensuite, qui imagine des thèses pour expliquer les observations qu'il fait sur le terrain, sont retranscrites avec ingéniosité.
Même s'ils se gardent d'exposer leur avis et laissent le public se faire sa propre idée sur ce qui a pu arriver - entre plausible et incroyable -, Cédric Mayen et Jandro offrent avec Le mystère du col Dyatlov un véritable thriller qui poussera, à n'en pas douter, nombre de lecteurs et de lectrices à creuser un peu plus cette histoire encore sans réponse.
Ils étaient dix au départ pour un simple trek dans l'Oural, un seul reviendra vivant.
Les auteurs Mayen et Gonzalez se réapproprient un fait divers morbide survenu en Janvier 1959 en plein URSS de Khrouchtchev. Ici, pas de tentative d'explication ou d'interprétation, juste un énoncé des faits et des hypothèses fournies au compte-goutte pour une enquête qui a été classée secrète par l'Armée Rouge. Même si l'un d'entre eux a survécu, ce dernier n'a pu apporter plus d'éléments tangibles à la résolution de ce mystère.
Le dessin de Gonzalez est superbe, doté de couleurs assez sombres. Par ailleurs, l'ouverture de l'album met tout de suite dans l'ambiance avec l'arrivée glaçante du KGB dans un immeuble. L'atmosphère sera par instant bien paranoïaque, comme à l'époque où la délation fonctionnait de façon très efficace, permettant l'obtention d'un billet aller simple pour la Sibérie.
Le dossier en fin d'album étaye les divers théories et potentielles explications scientifiques au sujet de cet incident. Etonnamment, il n'y a aucune explication ou hypothèse formulée, dans le dit dossier, au fait que certains cadavres furent horriblement irradiés; encore un autre mystère.
Ce album aura le mérite de remettre sur le devant de la scène cet évènement meurtrier, peu connu de l'histoire de l'ex-URSS.