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épublique Démocratique du Congo, premier quart du XXIe siècle. Nivek, douze ans, survit dans une mine illégale de coltan sous le joug d’une milice sans pitié. Hargneux et dur à la tâche, il est repéré par un de ses gardiens. Il ferait un bon «kadogo», un enfant-soldat. De mineur, il apprend à tuer et devient un guerrier. Si sa situation s’améliore un peu sur le plan matériel (il mange à sa faim désormais), il se rend compte rapidement que rien ne change vraiment pour lui. Il reste un pion jetable au cœur d’un jeu qui le dépasse. Il décide donc de s’évader et de partir pour un voyage sans retour. Il a entendu parler d’une région où tout le monde vit dans l’opulence, l’Europe. Il sait que cette contrée se trouve au Nord, c’est tout. Débute alors une odyssée aux mille épreuves à travers l’Afrique.
Récit d’aujourd’hui rempli de violence et d’inégalités effrayantes, Le ciel dans la tête est également un conte sur la richesse et la beauté du Continent noir et de ses habitants. Antonio Altarriba (La trilogie du Moi, L’art de voler ) a enfilé son costume de griot et propose une aventure plus grande que nature. D’un côté, la misère contemporaine nourrie par le cynisme et la cupidité des hommes mène le bal et condamne le héros à une errance éternelle. De l’autre, une culture millénaire et l’espoir – ce qui reste à ceux qui n’ont plus rien – sert de cadre et de moteur dramatique à cette pérégrination fantastique. Au milieu, un gamin déjà vieux, uniquement tourné vers son objectif fantasmé et tombant de Charybde en Scylla à chaque pas. Pas de leçon de morale, pas de doigt tendu (ou si peu), juste un portrait confondant d’humanité et de respect, le scénariste présente une réalité dans laquelle tout le monde se retrouvera, pour les bonnes et les mauvaises raisons.
Graphiquement, Sergio García Sánchez et Lola Moral offrent un écrin visuel extraordinaire à cette fuite en avant vers l’inconnu. Mise en page luxuriante, découpage participant pleinement aux actions, couleurs profondes et enveloppantes, les éléments visuels apportent et renforcent implacablement le scénario et les mots d’Altarriba. Chaque planche, chaque case, prise telle quelle est porteuse d’une signification ou d’un fragment d’information. Mises bout-à-bout, elles forment un album d’une puissance d’évocation rarement vue. La cohésion globale et l’inventivité continuelle s’avèrent remarquables.
Déogratias, Sur la piste du bongo, Kivu, Une maternité rouge, Le ciel dans la tête : l’Afrique continue d’inspirer les artistes, autant pour son Histoire que par le sort que le monde moderne lui réserve. Une lecture inspirante, apeurante et impitoyable.
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